Arthur McLaughlinÂge: 77 ans Sport: ski nautique

«Une entrevue cette semaine? Ça tombe mal! Je me fais installer un nouveau pacemaker demain», lance tout bonnement Arthur McLaughlin au bout du fil. Il est en repos forcé pour un mois: pas de ski nautique. «C'est long, mais je ne veux pas jouer avec le feu.» 

À 77 ans, cet ancien policier a pris des risques plus d'une fois. Moins maintenant. On le rencontre trois semaines après son passage à l'hôpital, chez lui à Laval. Bien installé à sa table de cuisine, il nous montre les traces de ses nombreuses blessures, toutes contractées sur l'eau. Jamais dans l'exercice de ses fonctions. «Le ski nautique est un des sports les plus violents. Quand tu tombes sur l'eau à haute vitesse, c'est comme si tu frappais de la roche. Ça écorche. Je me suis fait arracher un morceau de triceps et de coude. J'ai une vis dans le bras droit. Je me suis fait opérer aux deux épaules. J'ai eu le talon fracturé.»

Il nous raconte ses malchances machinalement, comme s'il dressait une liste d'épicerie. Il garde pourtant de douloureuses séquelles de ses milliers de sorties sur l'eau. «J'ai reçu deux injections de cortisone au cou hier. La douleur m'empêchait de dormir.» Le corps de plus en plus usé, il s'est contenté de sortir son monoski une vingtaine de fois, cet été, sur le lac des Deux-Montagnes.

«Quand je frappe une belle journée, j'ai des fourmis dans les jambes. Pour calmer cette envie, je vais conduire le bateau et je coache les jeunes», dit l'ancien président de la Fédération québécoise de ski nautique. En janvier, il compte se rendre en Floride avec des copains pour rattraper le temps perdu.

Il changera d'abord son équipement. «Mon ski est désormais trop nerveux pour moi. Mes réflexes sont plus lents, le corps se fatigue plus vite. C'est frustrant de vieillir.» L'idée de vendre son bateau et son équipement commence à lui traverser l'esprit. «D'ici trois ans», prévoit-il, résigné.

Il a commencé à skier à 35 ans. Trop tard pour faire carrière. «J'aurais aimé pousser plus loin et participer à des compétitions internationales», dit-il avec une note de regret dans la voix. Il peut tout de même se vanter d'avoir établi quelques records québécois dans sa catégorie d'âge, de 1999 à 2005. Il vise plus haut. «Je vais m'entraîner pour battre le record canadien de slalom. J'y touche presque, je suis à deux ballons et demi.»

Pour garder la forme, il descend au sous-sol dans son petit gymnase, avec tapis roulant, vélo stationnaire et haltères. «L'hiver, je fais aussi un peu de ski alpin, mais je ne suis pas bien bon. Je me tiens occupé. Quand je traîne trop à la maison, ma conjointe me dit de filer. Il paraît que je ne suis pas endurable.»

Quoi qu'il fasse, rien ne l'allume autant que le ski nautique. «Le feeling, tu l'as quand tu commences à faire du tracé et que tu es assez agile pour contourner des ballons. La journée où tu réussis à contourner six ballons, tu capotes. C'est une piqûre directe dans la veine. Ça m'est arrivé à 45 ans. La passion est toujours aussi forte.»

Il ajoute d'une voix basse, comme s'il nous révélait un secret: «Je me sens très apprécié. Je n'ai pas d'amis de mon âge, ils ont tous 20 ans de moins et ils veulent m'avoir. C'est une belle récompense. Je ne suis pas mis de côté. Je suis traité comme tout le monde. Pas comme un vieux.»