Le sommeil n'est pas nécessairement facile à trouver lorsqu'on est au boulot la nuit. Céline Faucher a passé près de 20 ans dans un état perpétuel de décalage horaire, travaillant de « minuit à 8 ».

« J'étais épuisée, raconte l'ancienne infirmière, qui a quitté le métier notamment en raison des conséquences du travail de nuit sur sa vie. En arrivant à la maison, je m'endormais d'un gros sommeil, mais deux ou trois heures après, ping ! je me réveillais. »

Pas moyen de dormir pendant la journée, même avec un gros rideau bien opaque.

« Le soir, avant de partir travailler, je dormais une heure ou deux, mais il me manquait des heures. »

Marie Dumont, directrice scientifique du Centre d'études avancées en médecine du sommeil de l'hôpital du Sacré-Coeur, explique que l'horloge biologique, située dans le cerveau, détermine la propension au sommeil sur un rythme d'à peu près 24 heures. Influencée par le cycle lumière-obscurité, elle envoie des signaux d'éveil pendant le jour et des signaux de sommeil pendant la nuit.

Si on change de fuseau horaire, l'horloge biologique va se mettre à l'heure locale parce que le cycle lumière-obscurité et les autres « synchronisants » (comme la vie sociale) sont modifiés.

Plus difficile pour les personnes plus âgées

En règle générale, on ne s'adapte pas au travail de nuit. En outre, plus les années passent, plus cette vie est difficile.

« Au début, je dormais passablement bien, se rappelle Céline Faucher. Mais plus le temps avançait, plus c'était difficile. À la fin, je ne dormais plus du tout. »

Marie Dumont note qu'à partir de la quarantaine, tout le monde commence à avoir un sommeil plus fragile. C'est un problème plus aigu pour les travailleurs de nuit.

Toutefois, les travailleurs plus âgés souffriraient moins de somnolence pendant la nuit de travail que les plus jeunes. C'est la qualité de leur sommeil qui en prend un coup.

Dans beaucoup d'entreprises, les travailleurs expérimentés finissent par occuper des emplois de jour et sont remplacés par de nouveaux employés pendant les quarts de nuit.

« Selon l'état des connaissances actuelles, ce n'est pas nécessairement une mauvaise idée, dit la Dre Dumont. Ça permet de limiter la durée de l'exposition au travail de nuit. Et quand on l'a fait pendant 10 ou 15 ans, on est dû pour prendre un break. »

Au-delà des troubles du sommeil

L'inversion du cycle éveil-sommet a des impacts sur la santé, à commencer par la digestion.

L'appétit peut donc être perturbé, le travailleur peut avoir des brûlements d'estomac ou la diarrhée.

Cela peut avoir un effet sur le métabolisme. Souvent, les gens qui commencent à travailler de nuit verront leur taux de cholestérol augmenter, affirme la Dre Dumont.

« Ça fait prendre du poids, soupire Céline Faucher. Tu finis ta nuit, tu prends un gros repas et tu te couches immédiatement. Ça va tout croche. »

Selon Marie Dumont, il est important de suivre la situation de près et d'adopter de bonnes habitudes de vie pour éviter des problèmes plus sérieux, comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires.

« Quand je rencontre des travailleurs de nuit, je leur dis qu'ils doivent mener une vie de sainteté », lance-t-elle.

Quand les quarts de travail varient

Les chercheurs ne s'entendent pas : est-ce qu'il est préférable de travailler toujours de nuit ou d'avoir des quarts de travail qui varient dans le temps ?

« Il y en a qui disent qu'avec un horaire fixe, le système va s'habituer et il y aura synchronisation de l'horaire, raconte Marie Dumont. Mais la majorité du temps, il n'y a pas d'adaptation. »

Elle note que les travailleurs de nuit sur horaire fixe vont rarement garder cet horaire pendant les fins de semaine et les congés.

« La plupart des travailleurs veulent faire des activités familiales. Ils retournent sur un horaire de jour et sont donc en rotation quand même. »

Il n'y a pas non plus de consensus sur les avantages d'une rotation rapide (sur quelques jours) ou d'une rotation lente (sur quelques semaines).

« Pour ceux qui ont de la difficulté à dormir pendant la journée, c'est sûr que les rotations rapides seront préférables, soutient pour sa part la Dre Dumont. Ils ne vont pas accumuler de privation du sommeil. Ceux qui ont peu de difficulté préféreront les rotations longues : après la période de travail de nuit, ils auront un grand bout de congé ou de travail de jour. »

Le travail de nuit pas toujours nécessaire

Certaines personnes, environ 10 % de la population, s'adapteraient plus facilement au travail de nuit.

« Ce n'est pas assez pour fournir tout le personnel hospitalier, les pompiers ou les policiers dont nous avons besoin », note Marie Dumont.

S'il est nécessaire d'avoir des infirmières ou des policiers qui travaillent de nuit, est-il vraiment nécessaire d'avoir des travailleurs d'usine qui suivent ce type d'horaire ?

« Ils travaillent de nuit pour des raisons strictement économiques, pour augmenter la productivité et maximiser l'utilisation des équipements industriels », souligne la Dre Dumont.

Dans certaines industries, comme l'industrie pétrolière, il y a des équipements qui doivent fonctionner 24 heures sur 24 parce qu'en cas d'arrêt, il faut trois bons jours pour les remettre en marche. Ce n'est pas le cas de toutes les industries.

« J'ai rencontré des travailleurs de nuit dans une usine d'emballages, raconte Marie Dumont. On s'entend que ce n'est pas nécessaire de faire des emballages pendant la nuit. »

Des trucs pour bien dormir le jour

> Avoir la chambre la plus noire possible, avec des rideaux très opaques.

> Manger un peu au retour du boulot, avant de se coucher, pour que la faim ne nous réveille pas quelques heures plus tard.

> Ne pas s'empêcher de faire une sieste bien reposante, notamment le soir, avant de partir travailler.

> Selon le type d'horaire, faire sa « nuit » de sommeil en après-midi, avant d'aller travailler, au lieu de la faire le matin en arrivant du boulot.