Mélissa Boulanger cherchait un massothérapeute désirant masser ses garçons, qui ont des troubles du spectre de l'autisme, du déficit de l'attention et de modulation sensorielle. À sa grande déception, elle n'a pu en trouver. Qu'à cela ne tienne: elle-même est devenue massothérapeute spécialisée en massage d'enfants à besoins particuliers, dûment membre de la Fédération québécoise des massothérapeutes.

Adapter les soins

Des adultes en peignoir ? Mélissa Boulanger, massothérapeute, en rencontre peu. Sa spécialité, c'est le massage d'enfants et d'ados à besoins particuliers, souffrant d'autisme, du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, d'anxiété, etc. La Presse l'a jointe à sa clinique, Massothérapie familiale des Moulins, à Mascouche.

Q Comment êtes-vous devenue massothérapeute pour enfants à besoins particuliers ?

R Ce sont mes enfants qui m'ont amenée sur ce chemin-là. J'ai deux garçons, qui vont bientôt avoir 8 et 11 ans. Le plus jeune a un diagnostic de trouble du spectre de l'autisme et le plus vieux est Asperger.

On a fait beaucoup d'ergothérapie avec le plus jeune, au privé, à 110$ ou 120$ l'heure. Pendant la première demi-heure, mon garçon était très excité, pas coopératif. L'ergothérapeute lui faisait des compressions articulaires et des pressions profondes, pour le calmer.

Je me suis dit: pourquoi ne pas créer un métier qui ferait ces massages, avant que l'enfant aille voir un spécialiste? Les parents en auraient plus pour leur argent. Ça a mijoté dans ma tête, puis j'ai décidé de devenir massothérapeute pour intervenir auprès de ces enfants.

Q J'imagine qu'on ne peut pas emmener un enfant autiste chez n'importe quel massothérapeute?

R Non. Il faut vraiment connaître ça, c'est tellement complexe. On doit aussi y aller avec ce que l'enfant peut nous donner. Parfois, l'enfant est assis, d'autres fois, il est couché, il bouge. Ce n'est pas grave, je trouve toujours une façon de faire un massage qui lui fait du bien. À la fin, il est relax.

Q Quel genre de massage pratiquez-vous?

C'est adapté du shiatsu. Le massage est au sol, l'enfant garde ses vêtements, je fais des pressions profondes, des étirements, des mobilisations. J'utilise un cadran Time Timer, pour que les enfants puissent voir le temps qui passe, parce que les repères dans le temps sont super difficiles pour eux. J'ai développé une routine de 30 minutes qui couvre le corps au complet. J'ai des supports visuels, des pictogrammes, pour qu'ils puissent suivre chaque mouvement.

Q Ça porte des fruits?

R Oui. Je travaille aussi à la clinique d'intervention Mon monde à moi, à Terrebonne, où, après leur demi-heure de massage, les enfants vont voir des spécialistes comme des orthophonistes et des orthopédagogues. Les intervenants voient vraiment une belle différence. Les enfants sont calmes, disponibles, prêts à apprendre.

Membre de la Fédération québécoise des massothérapeutes, Mme Boulanger peut donner des reçus pour les assurances. Son tarif est de 35$ pour 30 minutes de massage.

AUSSI À LONGUEUIL

Des massages pour enfants autistes sont aussi offerts à la Clinique de santé l'Oasis, à Saint-Hubert. Ailleurs? Pas à la connaissance de la Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM), qui compte 5500 membres, dont 237 ont officiellement reçu une formation pour traiter des enfants.

Au Québec, aucune formation n'est offerte pour masser spécifiquement les enfants à besoins particuliers, indique Sandrine Martinez, agente de communication à la FQM. «Il n'y a pas eu, non plus, d'études scientifiques à ce sujet», précise-t-elle.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Mélissa Boulanger traite son fils Williams, 10 ans, attient du syndrome d'Asperger. 

Témoignage d'une mère

«Je suis sincèrement surprise des résultats», dit Mélanie Trudel, de Mirabel. Son fils Olivier, 6 ans, a un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité. Depuis quelques mois, il consulte Mélissa Boulanger, massothérapeute pour enfants à besoins particuliers.

«Je m'attendais à ce qu'Olivier soit détendu, indique Mme Trudel. Mais à ce point-là ? Non. Après les massages, il lui arrive de s'asseoir tout seul pour faire des dessins ou de prendre un livre d'histoire. Il ne faisait pas ça, avant.»

AU LIEU D'AUGMENTER LA MÉDICATION

Au printemps, les professeurs d'Olivier ont indiqué que le garçon manquait toujours de concentration. «Je me suis dit : il doit y avoir d'autres possibilités que de toujours augmenter la médication», explique sa mère. En fouillant sur l'internet, elle est tombée sur le site de Mme Boulanger.

«Dès la première rencontre, Olivier a adoré ça, témoigne Mme Trudel. On a vu le changement. Il est devenu plus calme, plus zen. On a décidé d'y aller aux deux semaines. Son professeur et moi avons vu la différence. C'est une demi-heure qui vaut la peine, parce qu'elle permet que l'enfant se sente mieux et que ce soit plus facile pour nous aussi.»

PHOTO FOURNIE PAR MÉLANIE TRUDEL

Olivier, 6 ans, consulte Mélissa Boulanger, massothérapeuthe pour enfants à besoins particuliers. 

Ce qu'en dit la science

La massothérapie a-t-elle des effets positifs sur les enfants autistes ? Aucune étude scientifique sérieuse ne l'a démontré, à la connaissance de Jacques Forget, professeur au département de psychologie de l'UQAM. Cela ne veut toutefois pas dire que les effets des massages sur les jeunes autistes sont inexistants. «À certains égards, on pourrait penser que si c'est bon pour les enfants en général, c'est bon pour les autistes», observe-t-il.

«Dans le cas de la zoothérapie, qui est très à la mode, on commence à voir des études qui démontrent une diminution du stress de l'enfant», indique M. Forget.

Les enfants autistes ont-ils particulièrement du mal à se faire toucher ? « C'est une grande question, a répondu le professeur. Il y a autant d'autismes que d'enfants autistes. » Les nouveaux critères de diagnostic de l'autisme, « ce ne sont pas telles ou telles caractéristiques, explique-t-il. C'est plutôt la difficulté à avoir des interactions sociales et la présence d'intérêts très stéréotypés ».

FAMILLES SATISFAITES? TANT MIEUX

Si les massages améliorent la qualité de vie des enfants autistes et de leur famille, tant mieux, souligne M. Forget. «Est-ce la massothérapie ou l'effet placebo? La différence est importante pour le chercheur, mais pas pour le praticien ou le parent.»

Attention, toutefois, de ne pas y voir de solution miracle. «Les diètes sans gluten et sans caséine ont été très populaires, illustre-t-il. Les parents d'enfants autistes témoignaient d'effets positifs, mais quand on a fait des recherches scientifiques, ça s'est évanoui. Le danger, peu importe l'approche, c'est de susciter de faux espoirs.»

PHOTO FOURNIE PAR THINKSTOCK