Avec plus de 200 000 nouveaux cas chaque année dans le monde, la lèpre reste un fléau bien vivace alors que ses terribles séquelles pourraient être évitées grâce à des dépistages et traitements précoces, selon les spécialistes.

«C'est désespérant, on n'arrive pas à en voir le bout» souligne le Pr Vincent Jarlier, un infectiologue français spécialiste de la lèpre, avant la 62e journée mondiale de cette maladie, ce week-end.

«C'est avant tout une maladie de la pauvreté», relève pour sa part le médecin béninois Roch Christian Johnson qui rappelle que la lèpre continue à frapper les pays où les systèmes de santé sont «faibles» et qu'elle touche un bon nombre d'adultes jeunes dont certains auront des «séquelles à vie».

Alors qu'un million de nouveaux cas étaient découverts chaque année il y encore 20 ans, leur nombre est pour la première fois tombée sous la barre des 300 000 en 2005. Il s'est depuis stabilisé entre 200 000 et 300 000 par an, atteignant 215 000 en 2013, dont 10% d'enfants, selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Causée par une mycobactérie qui se transmet par les voies respiratoires, la lèpre est une maladie infectieuse stigmatisante connue depuis l'Antiquité, mais qui a disparu spontanément des pays occidentaux, parallèlement à l'augmentation du niveau de vie et du niveau d'hygiène.

Elle s'attaque d'abord à la peau puis aux nerfs et finit, si elle n'est pas traitée à temps, par provoquer des paralysies et mutilations des membres ainsi que des atteintes oculaires pouvant aller jusqu'à la cécité.

Son évolution extrêmement lente - l'incubation dure un à dix ans, parfois plus - en fait une maladie difficile à contrôler dans une vingtaine de  pays pauvres, en Asie du Sud, Afrique ou Amérique, où elle subsiste à l'état endémique.

Selon l'OMS, l'Inde reste le pays le plus touché (près de 127 000 nouveaux cas en 2013), devant le Brésil (31 000 cas), l'Indonésie (près de 17 000 cas) et deux pays africains, l'Ethiopie et la République démocratique du Congo (entre 3500 et 4500 nouveaux cas).

Des infirmités définitives 

Grâce aux chimiothérapies mises au point dans les années 80, avec des traitements combinant trois antibiotiques, proposés gratuitement par l'OMS aux pays pauvres depuis 1995, 15 à 16 millions de personnes ont été guéries au fil des années, dont 20 à 30% conservent des infirmités définitives.

En l'absence d'un vaccin efficace, le dépistage précoce reste à l'heure actuelle la seule arme pour limiter ces séquelles, relèvent les spécialistes.

«La lèpre peut être complètement guérie lorsqu'on intervient au niveau des taches cutanées, ce qui n'est plus le cas lorsque les nerfs sont atteints» précise le Dr Francis Chaise, chirurgien de la main et des nerfs périphériques qui réalise des interventions sur des mains «en griffe» paralysées par la lèpre pour leur redonner une mobilité.

Mais dépister des malades dans des zones déshéritées, souvent difficiles d'accès, alors même que la maladie a été éradiquée dans les villes, reste une gageure pour la plupart des pays concernés.

Au Burkina Faso par exemple, 33% des nouveaux malades sont découverts alors qu'ils présentent déjà des incapacités importantes.

Pour le Pr Jarlier, «il faudrait de surcroît revenir chaque année» pour repérer rapidement les malades «en cours d'incubation qui ne présente pas encore de signes visibles, mais qui peuvent déjà contaminer leur entourage».

Un autre grand défi reste le diagnostic bactériologique de la maladie, qui ne peut se faire qu'à travers des tests très difficiles à réaliser «lorsqu'on est au fin fond du Niger», ajoute le Pr Jarlier.

Pour soutenir la recherche, financer des dispensaires ou organiser la formation de chirurgiens pour traiter les séquelles orthopédiques de la maladie, les associations de lutte contre la lèpre mobiliseront des milliers de bénévoles de vendredi à dimanche pour collecter des dons.