En clinique de fertilité, les femmes en surpoids obtiennent presque tous les services... sauf quand vient le temps de la fécondation in vitro. Certaines cliniques imposent une limite de poids au-delà de laquelle les femmes doivent maigrir pour entreprendre le traitement tant espéré. Paternalisme ou devoir moral ?

À 23 KG DE SON RÊVE

Julie Tremblay a toujours voulu des enfants. Elle a essayé pendant sept ans de tomber enceinte de façon naturelle, en vain. En 2007, le diagnostic est tombé : syndrome des ovaires polykystiques. S'ensuivirent une série de traitements et trois inséminations artificielles. Rien à faire, elle ne tombait pas enceinte.

Il ne lui restait qu'une option : la fécondation in vitro (FIV).

En 2011, Julie Tremblay et son conjoint ont rencontré leur médecin à la clinique Ovo pour planifier la suite des choses. On leur a alors annoncé que l'indice de masse corporelle (IMC) de Julie était trop élevé pour entreprendre un traitement de FIV et qu'il lui fallait perdre... 23 kg.

« Je suis vraiment tombée des nues et mon chum aussi, raconte Julie Tremblay, qui habite Trois-Rivières. On n'a pas eu un beau rendez-vous avec notre médecin. Oui, j'ai un surplus de poids, mais je ne souffre tout de même pas d'obésité morbide ! »

Les critères varient d'une clinique à l'autre, même d'un médecin à l'autre, selon les témoignages recueillis par La Presse. On demande parfois aux patientes d'atteindre la cible d'IMC de 35, tandis qu'une perte de poids notable (de 5 à 10 %) peut parfois suffire avec l'aval des médecins au dossier (voir autre texte).

Certaines femmes réussissent à atteindre la cible pondérale, poussées par leur désir d'avoir un enfant. Pour certaines, la chirurgie bariatrique s'avère la solution. D'autres femmes abandonnent le projet d'enfant - surtout à l'approche de la quarantaine - ou changent pour une clinique aux critères plus souples.

Julie Tremblay s'est mise à surveiller de près son alimentation et à faire de l'exercice une heure par soir. Au bout de quatre mois, elle avait perdu 7 kg.

Des femmes que Julie Tremblay a rencontrées par le truchement de l'Association des couples infertiles du Québec lui ont parlé de cliniques moins rigides par rapport au poids. C'est ainsi qu'elle a abouti en novembre 2012 au Centre de fertilité de Montréal.

Julie, qui n'a aucun problème de santé coexistant, a passé une échographie qui a confirmé que le médecin pouvait avoir accès à ses ovaires en toute sécurité pendant la ponction d'ovules. En janvier, elle a reçu son premier transfert d'embryons. Et neuf mois plus tard, son fils Lyam est né, pétant de santé, au terme d'une grossesse sans complications et d'un accouchement tout ce qu'il y a de plus normal.

« Lorsque l'infertilité n'est pas causée par le poids de la femme, comme c'est mon cas, les cliniques devraient peut-être laisser le choix au couple en leur expliquant bien les pour et les contre », croit Julie Tremblay, qui s'apprête ces jours-ci à recevoir un autre transfert dans l'espoir de concevoir une petite soeur ou un petit frère pour Lyam.

QUI RECOMMANDE QUOI ? 

Au Canada, il n'existe pas de consensus médical à propos du poids et des traitements de FIV. La Société britannique de fertilité recommande depuis 2007 de différer les traitements de fertilité jusqu'à un IMC de 35. Aux États-Unis, l'American Society of Reproductive Medicine s'apprête à publier de nouvelles instructions qui excluent l'imposition d'une limite, invitant plutôt les médecins à trouver un équilibre entre les bénéfices découlant de la perte de poids et le déclin de la fertilité avec l'âge.

ET CHEZ LES HOMMES ? 

Le surpoids diminue également la fertilité de l'homme. « Quand les hommes sont obèses, les cuisses se serrent et les testicules sont à la chaleur en permanence, ce qui diminue la qualité du sperme, explique Jacques Kadoch, directeur médical de la clinique de procréation assistée du CHUM. On leur conseille de s'asseoir en écartant les jambes et d'éviter les bains chauds. » La prise de certains médicaments (pour le cholestérol, notamment) peut aussi diminuer la fertilité de l'homme. Par ailleurs, le risque d'infertilité augmente de 20 % chez les hommes avec surpoids et de 36 % chez les hommes obèses. Plusieurs facteurs expliqueraient cette relation, dont les changements hormonaux associés à l'obésité, le style de vie et l'accumulation de toxines dans les tissus graisseux.