Personne n'aime afficher des cernes de sueur aux aisselles ni offrir une poignée de main détrempée. Or, pour 3% de la population, l'excès de sueur constitue une source d'inconfort, et cela gêne même leurs interactions sociales. Les antisudorifiques classiques ne fonctionnent pas? D'autres solutions existent.

Couché sur le dos, torse nu et les bras repliés au-dessus de la tête, David* offre une vue imprenable sur ses aisselles fraîchement rasées. Ce n'est pas la posture la plus élégante qui soit, mais il faut ce qu'il faut: ce matin, la peau tendre de chacune de ses aisselles recevra une vingtaine d'injections. Le jeune homme ne bronche pas. Il a l'habitude de se faire chatouiller par des aiguilles.

David reçoit depuis environ quatre ans des injections de Botox sous les bras pour contrôler un problème de transpiration excessive, condition que les médecins appellent «hyperhidrose». Ce désordre des glandes sudoripares peut toucher différentes parties du corps. Pour Fabien, par exemple, ce sont les mains et les pieds. David est un cas classique: son problème, c'est les aisselles. «Au début, je venais aux neuf mois, explique-t-il. Mais depuis deux ans, c'est plus aux six mois.»

Ce matin, par contre, ce n'est pas du Botox que le Dr Manish Khanna lui injecte sous les bras, mais un anesthésiant. Aux grands maux, les grands remèdes: David a décidé d'expérimenter un traitement appelé MiraDry, qui fonctionne à l'aide d'une technologie micro-ondes et qui brûle littéralement les glandes sudoripares. D'où la nécessité de geler les zones à traiter.

Il fait partie du 2 à 3% de la population qui a un réel problème de transpiration. David transpire constamment, généreusement, qu'il soit actif ou au repos. «Ça écoeure», résume-t-il. Personne ne lui a jamais passé de commentaires, mais lui en est toujours conscient. Il craint de mal paraître.

Ce n'est pas une coquetterie de sa part. Le Dr Antranik Benohanian, qui traite l'hyperhidrose depuis plus de 30 ans, estime justement qu'il est temps de consulter «lorsque la transpiration cause une atteinte grave sur les plans fonctionnel et psychosocial». Ou lorsqu'un problème d'odeur est perçu par l'entourage, ce qui est plus susceptible de se produire si le problème touche les pieds.

«Ça dérange la qualité de vie personnelle et professionnelle», a aussi observé le Dr Khanna, dermatologue expert en médecine esthétique et spécialiste du cancer de la peau. Le médecin estime d'ailleurs que le traitement qu'il propose pourrait bénéficier à une population bien plus importante que ceux qui souffrent d'hyperhidrose. Comme les gens fréquemment appelés à faire des présentations en public. «Ça donne confiance», dit-il.

Contrôler la sueur

Se présenter devant un groupe, Vanessa le fait justement tous les jours puisqu'elle enseigne dans un cégep de la couronne nord de Montréal. Elle a pris conscience de son problème de sudation excessive à l'adolescence. «Là d'où je viens, il y avait une mode de chemise orange quand j'étais adolescente, se rappelle-t-elle. Imaginez les spots que ça peut faire en dessous des bras!»

La femme de 33 ans contrôle son problème à l'aide de méthodes moins draconiennes que David. Son médecin lui a recommandé un antisudorifique appelé Drysol. Véronique Marcil, qui est technicienne à la clinique Peau - Esthétique Médicale du Dr Khanna, connaît ce produit. «Il a tendance à provoquer de l'irritation», dit-elle.

«C'est un vrai calvaire, confirme Vanessa. Il faut mettre ça le soir et ça pique, mais tu ne peux pas te gratter. Alors, je passe une nuit d'enfer. Après, je suis blindée pour trois jours.» Cet inconvénient l'incite d'ailleurs à trouver une solution de rechange au Drysol. Que fait-elle? «Je m'arrange pour ne pas avoir l'air de suer», répond-elle.

L'enseignante porte un soin extrême au choix de ses vêtements. Elle évite les couleurs franches, qui laisseraient voir des cernes de sueur sous ses bras, et privilégie le noir et le blanc.

«C'est un cercle vicieux, juge cependant David, qui a aussi testé cette astuce. Tu sues, tu stresses, alors tu rajoutes une couche et tu as chaud. Alors tu sues, tu stresses...» Sans compter que la sueur abîme prématurément les vêtements.

Efficacité et risques

David n'a pas pris la décision de passer à la technologie MiraDry à la légère. L'incitatif financier était là, bien sûr: après avoir dépensé de 3000 à 4000$ par année en injections de Botox depuis quatre ou cinq ans, il voit d'un bon oeil un traitement à 3500$ dont les résultats sont censés être permanents. «Il y a une crainte que ça revienne», admet toutefois David.

Le Dr Khanna estime que ses patients notent en général une amélioration de 30 à 50% après un seul traitement. Après deux traitements, le chiffre grimpe à 90%, selon lui. Environ 5% des cas exigeraient une troisième séance de micro-ondes.

Et les risques? David les connaît : perte potentielle et temporaire de sensibilité autour de la zone traitée et enflure sous les bras. D'une taille qui peut parfois atteindre une «balle de baseball», souligne la technicienne Véronique Marcil. «Ça ne me stresse pas», assure David.

Trois jours après son premier traitement, il a d'ailleurs confirmé à La Presse que tout se passait bien pour lui. «J'ai suivi les conseils de Véronique et j'ai mis beaucoup de glace, écrit-il, précisant qu'il a quand même subi une légère enflure. J'étais peu engourdi et je n'ai pas de perte de sensation.» Et la douleur? Déjà partie...

Sueur=odeur?

Les gens qui suent abondamment ne sentent pas plus mauvais pour autant. Il existe deux types de glandes sudoripares: les eccrines et les apocrines. Ces dernières sont responsables de l'odeur.

«La sueur fraîchement sécrétée provenant des glandes apocrines est inodore. Ce n'est que sous l'action bactérienne que certains de ses composés azotés se transforment en substances malodorantes, explique le Dr Antranik Benohanian. En cas de transpiration excessive aux aisselles, la sueur eccrine lave constamment la sueur apocrine, ne donnant presque pas de chance aux bactéries d'agir.»

* Les prénoms ont été changés.