La FAO et l'OMS ont pointé du doigt mercredi à Rome un système alimentaire trop industrialisé qui ne parvient pas à éradiquer la faim et encourage l'obésité, nouveau défi pour la communauté internationale.

«Une partie de notre monde déséquilibré meurt encore de faim. Et une autre partie se gave jusqu'à l'obésité à tel point que l'espérance de vie recule à nouveau», a souligné Margaret Chan, directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à l'ouverture de la deuxième Conférence internationale sur la nutrition (CIN2).

Lors de la dernière conférence de ce genre en 1992, plus d'un milliard d'êtres humains ne mangeaient pas à leur faim. Aujourd'hui, ce total est tombé à 805 millions, alors que la population mondiale a augmenté.

Mercredi, leur calvaire n'a pas été oublié, en particulier lorsque la princesse émiratie Haya Bint Al Hussein a raconté à la tribune la mort au Malawi d'un bébé auquel sa mère n'avait même pas donné de nom, sachant la fillette condamnée comme ses aînés par la faim.

Mais ce sont aussi les deux milliards de personnes souffrant de carences en vitamines, en iode, en fer... - la «faim cachée» -, et surtout les 500 millions d'adultes et 42 millions d'enfants en surpoids qui ont mobilisé l'attention.

Le ministre thaïlandais de la Santé, Rajata Rajatanavin, a évoqué les ravages provoqués par l'augmentation de l'apport en sucres, en sel et en matières grasses dans les habitudes alimentaires de son pays au fur et à mesure qu'il se développait.

«Le système alimentaire mondial ne fonctionne plus, à cause de sa dépendance à une production industrialisée de nourriture toujours moins chère et mauvaise pour la santé», a insisté Mme Chan, en relevant que pour certaines grandes villes d'Afrique et d'Asie, il était plus économique d'importer de la nourriture industrielle que de faire venir des produits frais des campagnes alentour.

«Rendre appétissant»

Dans un monde où les mères n'ont plus le temps de cuisiner, «il faut faire avec la nourriture industrielle. Leurs ventes montrent qu'il y a un marché, alors il faut les aider à préparer des plats moins gras, moins sucrés, moins salés, et à les rendre appétissants», a-t-elle expliqué.

Mais pour John Connelly, représentant de l'industrie de la pêche présent à la conférence au titre du secteur privé, l'obésité n'est pas due seulement à la production alimentaire, surtout dans les pays développés où l'activité physique a pratiquement disparu.

«Dans les pays en voie de développement en revanche, il est clair qu'il y a un phénomène de ''calories vides'', des aliments qui ne sont pas nourrissants», a-t-il reconnu en assurant que l'industrie cherchait à y remédier, ne serait-ce que pour éviter de se voir imposer à terme des normes trop strictes.

«Les pays du monde ont la créativité nécessaire pour travailler avec la société civile, la communauté scientifique et le secteur privé pour trouver les bonnes solutions», a assuré Mme Chan.

Dans cette optique, les représentants de 172 pays présents à cette conférence de trois jours, dont 93 ministres, ont adopté mercredi une «Déclaration de Rome» sur la nutrition et un «Cadre d'action» comprenant 60 recommandations pour lutter contre la sous-alimentation, les carences alimentaires et l'obésité.

«Il ne faut pas s'arrêter là. Notre responsabilité est de transformer ces engagements en des résultats concrets», a insisté José Graziano da Silva, directeur général de l'Organisation de l'ONU pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO).

«Il y a déjà assez de nourriture pour que tout le monde mange correctement» et nous pouvons devenir «la génération qui aura relégué la faim et la malnutrition dans l'histoire», a-t-il fait valoir.

Les débats et tables rondes doivent se poursuivre jusqu'à vendredi au siège de la FAO à Rome, où le pape François est attendu jeudi matin.