On consacre plus de la moitié de sa vie éveillée au boulot, le saviez-vous ? Si on a un emploi de bureau, cela signifie qu'on passe des dizaines de milliers d'heures en posture assise prolongée. On sait maintenant que cette habitude s'avère aussi dommageable pour la santé que le tabagisme. On parle même d'une pathologie de la posture assise (en anglais, sitting disease). Peut-on s'en sauver ? Sophie Allard fait le point.

Des bobos de bureau

MAINS

Environ une femme sur 10 et un homme sur 30 souffrent du syndrome du canal carpien. On ne sait pas si le clavier peut en être responsable, mais l'usage régulier de la souris favoriserait son apparition.

COEUR

Moins on bouge (surtout si les jambes sont immobiles), moins le sang circule, moins on utilise le sucre dans le sang et moins on brûle le gras. Aussi, chez les travailleurs assis à longueur de journée, le risque de diabète augmente de 112 % et celui de crise cardiaque et d'AVC, de 147 % (en comparaison avec les travailleurs actifs), selon une étude de l'Université Leicester (2014).

JAMBES

La posture assise prolongée nuit à une bonne circulation sanguine. « On peut avoir une sensation de lourdeur dans les jambes, un gonflement des chevilles et une enflure des pieds », explique la Dre Susan Kahn, professeure de médecine à l'Université McGill. Elle parle d'un léger facteur de risque de thrombose veineuse (x 2) qui ne doit pas nous alarmer.

YEUX

Plus de la moitié des travailleurs de bureau présentent des troubles oculaires liés à l'utilisation de l'ordinateur : yeux secs, fatigue oculaire, vision trouble, maux de tête, etc. On parle ici du syndrome de la vision artificielle. Non, l'ordinateur ne blesse pas les yeux, mais il les épuise.

SEINS

Au Canada, chaque année, la sédentarité serait associée à 49 000 cas de cancer du sein, à 43 000 cas de cancer colorectal et à 30 600 cas de cancer de la prostate. Les cancers de l'endomètre et des ovaires frappent davantage les sédentaires. On suppose que l'insuline est en cause.

DOSSOPHIE

Les maux de dos sont courants chez les sédentaires : tension musculaire, hernie discale, lordose lombaire, etc. « Si notre posture assise est mauvaise et si, en plus, notre chaise de bureau est inadéquate, le dos compensera », dit Roberto Poirier.

BASE DU COU ET ÉPAULES

« Travailler devant un écran demande une attention soutenue, on porte la tête vers l'avant. Les mains sur le clavier, on adopte une posture de fermeture, on enroule et bascule les épaules vers l'avant. Si on n'agit pas, on s'usera inadéquatement, ça créera de la douleur et, à long terme, on se déformera », dit Roberto Poirier, kinésiologue et orthothérapeute. Une génération de dos ronds ?

VENTRE

Plus on s'assoit, moins on fait travailler son corps. Les abdos écrasés s'affaiblissent, le tour de taille épaissit et le métabolisme ralentit. Après une seule journée de posture assise prolongée, on remarque un déclin dans la réponse à l'insuline. Le pancréas, lui, réagit en en produisant à l'excès !

TÊTE

Les employés qui passent plus de six heures par jour à leur bureau ont trois fois plus de risques de souffrir de détresse psychologique que ceux qui y passent trois heures ou moins. La posture assise prolongée est aussi associée à un risque plus élevé de dépression. Problèmes de concentration, fatigue et maux de tête sont également observés.

HANCHES

Avez-vous des douleurs inexpliquées au pli de l'aine ? Il se peut que la sédentarité en soit la cause. Si l'on passe le plus clair de son temps assis, nos muscles et tissus se rigidifient, dégénèrent et peuvent finir par s'atrophier.

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À SAVOIR : EN VRAC

LES SPORTIFS AUSSI !

Même les plus sportifs d'entre nous n'échappent pas à la pathologie de la posture assise prolongée. Une étude publiée en 2012 dans le Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity révèle que les gens passent en moyenne 64 heures par semaine assis, 28 heures debout et 11 heures à marcher lors d'activités quotidiennes. C'est vrai pour les individus sédentaires, mais également pour les plus sportifs ! Pire, des chercheurs de l'Université de l'Illinois ont remarqué que, lors d'une journée d'entraînement, les gens étaient 30 % moins actifs dans l'ensemble de la journée que les jours sans entraînement.

COMME LA CIGARETTE

La pathologie de la posture assise frappe tout le monde, sans égard à l'âge, au sexe, à l'origine, au niveau socio-économique et même au niveau d'activité physique. Oui, les sportifs sont souvent aussi sédentaires que les autres. Mais au-delà de ce constat, on sait maintenant que les effets positifs de l'entraînement n'arrivent pas à faire contrepoids à l'effet néfaste de la sédentarité. Comme c'est le cas pour la cigarette, les risques liés à la position assise demeurent donc chez les sportifs. D'où l'expression en vogue : « Sitting is the new smoking. »

DE PLUS EN PLUS D'EMPLOIS DE BUREAU

« Quatre-vingt-cinq pour cent des nouveaux emplois au Canada sont créés dans le domaine du service, et donc du travail de bureau. On est très sédentaires et on l'est de plus en plus », dit Marie-Claude Pelletier,

présidente-directrice générale du Groupe entreprises en santé. Selon l'Organisation mondiale de la santé, plus de 150 millions d'ordinateurs seraient utilisés partout dans le monde.

DEBOUT !

Saviez-vous que l'auteur Ernest Hemingway, l'artiste Léonard de Vinci ainsi que le président Benjamin Franklin travaillaient généralement debout ? Aujourd'hui, on utilise des stations debout notamment chez Facebook, Google, AOL, à la NASA et à l'Université Harvard.

ESPÉRANCE DE VIE AUGMENTÉE

Si on diminuait de moitié le temps que l'on passe en position assise au travail (à moins de trois heures par jour), on augmenterait notre espérance de vie de deux ans. Si, en plus, on réduisait notre temps libre passé devant le téléviseur (à moins de deux heures par jour), on ajouterait à notre vie un autre 17 mois !