La majorité des femmes porte la mauvaise taille de soutien-gorge, dans la vie comme dans le sport. Trop petit, trop grand, trop usé, mal ajusté...

La course à pied, avec ses impacts répétés, fait valser la poitrine plus que toute autre activité physique. Y a-t-il des risques de ptose (relâchement des muscles) ou de blessure aux seins? Et comment choisir le soutien-gorge idéal? Notre journaliste Sophie Allard fait le point, alors que la saison de course à pied prend son envol.

L'importance d'un bon support

Saviez-vous que, pendant une séance de course à pied de 30 minutes, une femme soumet sa poitrine à environ 5000 rebonds? Une poitrine de taille D peut peser plus de 9 kg! Comme la majorité des femmes porte un soutien-gorge inapproprié, il n'est pas surprenant d'apprendre qu'au moins la moitié expérimente des douleurs à l'entraînement.

En 1984, à Los Angeles, Joan Benoit a remporté le premier marathon olympique féminin de l'histoire avec, sous son maillot USA, un soutien-gorge de dentelle. Bien visible lors de son dernier tour de piste avant de décrocher l'or, cet intime bout de tissu a fait jaser presque plus que son exploit sportif, raconte-t-on. Le soutien-gorge sportif moderne, apparu en 1977 aux États-Unis, était encore peu commun.

Trente ans plus tard, le soutien-gorge est un essentiel en course à pied. Il se décline en d'innombrables modèles, de plus en plus colorés et féminins et de plus en plus efficaces. Pourtant, jusqu'à 7 femmes sur 10 ne porteraient pas la bonne taille de soutien-gorge dans la vie comme dans le sport. Le soutien-gorge est trop grand, trop petit, trop usé ou de soutien insuffisant. Certaines femmes croient à tort qu'en enfilant deux soutiens-gorge, l'un sur l'autre, leur poitrine sera mieux soutenue.

Douloureux rebonds

« Un support inadéquat peut être source d'un embarras et d'une douleur aux seins, peut avoir un impact négatif sur la performance sportive et peut augmenter la probabilité d'irritation cutanée », indique par courriel Debbie Risius, de l'Université de Portsmouth, en Angleterre. Elle fait partie d'un groupe de recherche qui s'intéresse au support mammaire durant la pratique sportive (Research Group in Breast Health).

De 50 à 70 % des femmes expérimentent une douleur aux seins durant le sport, selon diverses études, et ce, peu importe le volume de la poitrine, peu importe la cadence. Dans certains cas, c'est un réel frein à la pratique sportive. Si le lien causal entre la pratique sportive et la mastalgie reste à démontrer, l'activité physique est un facteur important associé à sa prévalence.

Les coureuses expérimentées ne sont pas épargnées. Selon une étude publiée dans le British Journal of Sports Medicine en 2013, le tiers des femmes qui ont participé au marathon de Londres en 2012 a dit souffrir d'une douleur mammaire durant l'entraînement, surtout dans le cadre d'efforts plus intenses. « En l'absence de support adéquat, certaines femmes expérimentent également une douleur au cou et au dos, dit Debbie Risius. Il est crucial que les femmes soient à l'aise dans la pratique du sport et satisfaites de leur corps, afin qu'elles ne soient pas découragées de bouger. »

Certaines coureuses, toujours selon l'étude, en viennent à modifier leur programme d'entraînement et à consommer des antidouleurs en raison d'une mastalgie. Les médicaments fonctionnent dans 54 % des cas, tandis que le port d'un soutien-gorge de sport approprié réduit la douleur dans 80 % des cas.

Une danse involontaire

Au fil des foulées, les seins valsent dans tous les sens: à la verticale - bien sûr! -, mais aussi de façon horizontale et latérale pour former un « 8 » multidimensionnel, ont observé les chercheurs de l'Université de Portsmouth. Les déplacements les plus importants ont été observés à une vitesse supérieure à 15 km/h. L'amplitude du rebond, pour une forte poitrine, peut atteindre 21 cm!

Chez les coureuses plus jeunes, les mouvements verticaux sont plus marqués. À l'inverse, les mouvements latéraux et horizontaux sont plus prononcés chez les coureuses plus âgées, selon les travaux de Debbie Risius, qui pense qu'on devrait penser le design des soutiens-gorge selon l'âge de l'utilisatrice.

Sans un soutien-gorge approprié, les coureuses modifieraient involontairement leur dessin de course. L'impact au sol serait plus lourd et, ainsi, le stress sur les articulations serait augmenté et la dépense énergétique accrue.

De façon générale, le port d'un soutien-gorge de sport adéquat réduit jusqu'à 78 % l'amplitude de ces mouvements.

Des dommages irréversibles?

Sans un bon soutien-gorge, court-on vers la catastrophe? « On suppose qu'un support inadéquat peut mener à un affaissement irréversible de la poitrine, mais aucune étude longitudinale ne l'a encore démontré », dit Debbie Risius. Le sein tombe ou pas? Réellement, on ne sait pas.

En fait, l'affaissement de la poitrine dépend d'une multitude de facteurs: la lourdeur de la poitrine, l'âge, la génétique, l'élasticité de la peau, les habitudes de vie, etc. « Une importante variation de poids est plus dommageable pour les seins que ne l'est la course à pied. Quand on grossit, les tissus élastiques sont très distendus. Cela est irréversible et, avec la perte de poids, vient donc un affaissement », nous a indiqué la physiologiste et endocrinologue Martine Duclos, du CHU Clermont-Ferrand, en France, lors de la rédaction du livre La course à pied au féminin.

Contrairement à certaines croyances (lues dans des guides pratiques!), des rebonds excessifs du sein ne favorisent pas la rupture des tissus (ligaments de Cooper), ne créent pas de bouleversements hormonaux, pas plus qu'ils ne favorisent une production de lait imprévue. « Courir sans un soutien-gorge approprié ne peut pas blesser le sein, au sens de rupture d'un tissu », confirme au téléphone Jean-Denis Rouillon, médecin du sport à l'hôpital de Besançon et professeur à l'Université de Franche-Comté, qui étudie la question depuis une quinzaine d'années.

Les ligaments de Cooper, c'est quoi?

Il s'agit de: l'enveloppe (fascias), aussi mince qu'une membrane de ballon, qui couvre les glandes mammaires; des cloisons fibreuses qui les structurent; ainsi que du ligament suspenseur accroché à la clavicule, selon les explications du Dr Jean-Denis Rouillon.