Le très long hiver a eu au moins un avantage, celui de retarder le début des allergies aux pollens. Un Québécois sur cinq souffre d'allergies respiratoires (aux pollens, acariens, animaux ou moisissures). Bonne nouvelle: de nouveaux traitements de désensibilisation aux allergènes, offerts en comprimés, viennent d'être approuvés par Santé Canada. Troquez enfin vos mouchoirs contre de l'espoir.

Enfin un traitement en comprimés

Bonne nouvelle pour ceux qui éternuent, se mouchent et se frottent les yeux à répétition de la fin du mois de juillet au mois d'octobre, allergiques au pollen de l'herbe à poux. Santé Canada a autorisé, le 10 avril, la vente de Ragwitek, le premier comprimé qui vise à traiter l'allergie à l'herbe à poux, fabriqué par Merck Canada. Vous avez bien lu: il ne s'agit pas d'un nouvel antihistaminique, mais d'un traitement de désensibilisation sous forme de pilules, garanti sans piqûres.

Le Dr Rémi Gagnon, président de l'Association des allergologues et immunologues du Québec, prédit «un engouement» pour le Ragwitek. Déjà, Santé Canada avait donné son aval, en mars 2012 et en décembre 2013, à deux premiers comprimés d'immunothérapie contre l'allergie aux graminées, Oralair et Grastek. Cette allergie - dont la saison s'étire de mai à juillet - est toutefois moins fréquente que celle à l'herbe à poux, «qui est très proéminente dans la région de Montréal», indique le Dr Gagnon.

L'immunothérapie dite sublinguale - parce que les allergènes sont placés sous la langue - «est probablement une des meilleures nouvelles qui soient arrivées dans le monde de l'allergologie au Québec, depuis des lunes, dit le Dr Guy Tropper, de la clinique privée Avant Garde Médical. Ça change notre façon d'aborder le traitement des allergies respiratoires.»

Guérir l'allergie

Longtemps, les patients allergiques se sont fait dire de prendre des antihistaminiques (Claritin, Reactine, Aerius, etc.), des corticoïdes et de s'encabaner à l'air conditionné. «La grande nouvelle, c'est qu'on a maintenant une façon de traiter l'allergie, pas juste les symptômes», souligne le Dr Tropper.

Le principe de l'immunothérapie est connu depuis longtemps. Il consiste à administrer de petites doses de la substance à laquelle l'organisme est allergique, afin de lui faire acquérir, peu à peu, une tolérance à cet allergène.

Au Québec, jusqu'à tout récemment, ce n'était offert que par des injections répétées, faites sous supervision médicale. Ce qui implique de prendre rendez-vous, se déplacer, se faire vacciner, puis patienter 30 minutes dans la salle d'attente du médecin... chaque semaine.

«L'immunothérapie par injection, ça fonctionne chez les gens très motivés, environ 1 à 2% des allergiques, observe le Dr Tropper. Mais en réalité, ça laisse 98 % des gens sans traitement.»

Se traiter à la maison

Le traitement sublingual est beaucoup plus simple. Seule la première dose d'Oralair, des Laboratoires Paladin, doit par exemple être prise sous supervision médicale. Le patient peut s'autoadministrer les autres doses. Il suffit de placer un comprimé sous la langue jusqu'à sa dissolution complète, puis de l'avaler. Et ce, tous les jours à partir de quatre mois avant le début de la saison pollinique des graminées, et jusqu'à la fin de celle-ci, trois années de suite.

«On s'est aperçus que la muqueuse qui est sous la langue oriente la réaction immunitaire vers la tolérance, explique le Dr Tropper. Quand les bébés se mettent toutes sortes de choses dans la bouche, c'est une façon d'amener leur système immunitaire à ne pas réagir de façon allergique.»

De 50 À 60% d'amélioration

Le plus beau, c'est que ça marche. À la demande du Collège des médecins, l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a fait une revue de la littérature portant sur l'immunothérapie sublinguale, datée de septembre dernier. Il en ressort que ce traitement engendre «une diminution significative de l'ensemble des symptômes de la rhinite allergique et de la conjonctivite allergique» et de «la consommation de médicaments contre la rhinite allergique».

L'immunothérapie sublinguale est jugée sûre, car elle n'a causé ni anaphylaxie ni mort. Ce traitement est d'ailleurs utilisé «depuis plusieurs années dans la plupart des pays de l'Europe et de l'Amérique du Sud, ainsi qu'en Asie et en Australie», souligne l'INESSS.

«Les études nous montrent de 50 à 60 % d'amélioration dès la première année de l'immunothérapie sublinguale, indique le Dr Gagnon. C'est au moins aussi efficace que le sous-cutané.»

Est-ce à dire - rêvons un peu - qu'un patient traité avec des comprimés de désensibilisation à l'herbe à poux pourrait se passer d'antihistaminiques en août? «Certainement», répond le Dr Gagnon.

Le principal hic semble le coût élevé des pilules, d'environ 4 à 5$ par jour pour les traitements de l'allergie aux graminées, remboursés par plusieurs assureurs. Malgré ce prix, «beaucoup de gens se sont intéressés à la désensibilisation sublinguale aux graminées, peut-être plus que ce à quoi on s'attendait, note le président de l'Association des allergologues. Pour l'herbe à poux, ils devraient être encore plus nombreux».

Autre excellente nouvelle pour ceux qui se mouchent à l'année: des comprimés de désensibilisation aux acariens devraient arriver d'ici «un an et demi ou deux ans», prévoit le Dr Gagnon. Ceux contre l'allergie au pollen de bouleau devraient suivre, ce que Santé Canada refuse de confirmer. Toute demande reçue «est de nature confidentielle et exclusive jusqu'à ce qu'elle soit approuvée», précise Leslie Meerburg, de Santé Canada.