Quarante-cinq minutes passées dans la «grotte» de sel équivaudraient à trois jours passés à humer un air salin de bord de mer, indique-t-on sur le site du centre d'halothérapie La Salière. Mais les spécialistes sont sceptiques.

 

L'halothérapie: mode d'emploi

Partant du principe qu'un air saturé en particules de sel est bénéfique pour les voies respiratoires et les problèmes cutanés, l'halothérapie (halos signifiant «sel» en grec) recrée des conditions similaires à celles qu'on retrouve dans les grottes de sel.La thérapie par le sel aurait vu le jour après qu'un médecin du nom de Feliks Boczkowski eut observé une santé pulmonaire supérieure à la moyenne chez les travailleurs des mines de sel. Au milieu du XIXe siècle, il crée donc la spéléothérapie, un traitement visant à soigner les maladies respiratoires au moyen de cures dans les grottes de sel.

La spéléothérapie se développe particulièrement dans les pays de l'Europe de l'Est, où plusieurs stations balnéaires utilisent les mines de sel à des fins thérapeutiques. Mais la méthode comporte un léger inconvénient: les mines de sel ne se trouvent pas à tous les coins de rue!

Depuis les années 80, on arrive à recréer ces conditions artificiellement dans des pièces aux murs recouverts de sel. C'est ce qu'on appelle l'halothérapie. Pour avoir un effet curatif, ces salles salines doivent respecter certains critères: la concentration en particules de sel dans l'air doit être suffisante, les bactéries absentes et la température maintenue à un certain niveau, tout comme l'humidité de l'air.

Pour qui?

Le sel contribuerait à nettoyer les voies respiratoires et à dissoudre le mucus pour permettre son élimination. On le recommande, dans le cadre de l'halothérapie, pour traiter ou diminuer les symptômes de l'asthme et certaines affections respiratoires (sinusites, allergies, bronchites chroniques, pharyngites, toux de fumeurs, etc.). Ce traitement serait aussi indiqué pour traiter les otites et les maladies de peau, comme l'eczéma, et il aiderait à renforcer le système immunitaire.

À quelle fréquence?

On recommande généralement plus d'un traitement. La fréquence suggérée au centre d'halothérapie La Salière, à La Prairie, est de deux séances par semaine pendant d'une à quatre semaines pour le nettoyage des voies respiratoires et le bien-être général, ou une cure quotidienne de 10 à 20 jours consécutifs. À répéter d'une à trois fois par année.

Nous avons testé

L'halothérapie reste marginale et peu connue ici. Pour avoir l'occasion de s'imprégner les poumons d'air salin, il faut se déplacer à La Prairie, où se trouve le seul centre d'halothérapie dans la région métropolitaine. 

Le traitement 

On nous invite à pénétrer dans une petite pièce dont les murs sont enduits d'un épais stucco de sel et le sol, d'une couche de sel fin. Dans un coin, quelques jouets ont été déposés à même ce sable blanc pour les enfants traités en halothérapie. Nous portons des vêtements confortables, comme on nous l'a suggéré lors de la prise de rendez-vous, pour la détente, essentiellement. 

La pièce peut accueillir quatre adultes et autant d'enfants, mais, au moment de notre visite, nous sommes seuls. Malgré tout, nous avons l'impression d'être un peu à l'étroit dans cette petite pièce sans fenêtres. Le traitement ne convient assurément pas aux personnes claustrophobes.

Les indications sont on ne peut plus simples: respirer, en relaxant. Une musique douce nous accompagne durant cette pause de 45 minutes, tandis qu'un néon change de couleur pour moduler l'ambiance. À intervalles réguliers, un jet d'aérosol salin sec est pulvérisé dans la pièce.

À la fin du traitement, nous éprouvons une légère sensation de picotement au niveau des yeux et des narines. Nos voies nasales semblent légèrement moins congestionnées qu'à notre arrivée, mais le résultat est subtil. Dans notre cas, le traitement optimal comprendrait de trois à cinq séances, nous dit-on (nous cherchons à venir à bout d'un reste de sinusite).

Notre opinion

On nous a présenté l'endroit comme un spa d'halothérapie. Le décor est sans cachet et on sera déçu si on a de grandes attentes côté détente. Par ailleurs, le degré de relaxation est un facteur variable selon qu'on partage ou non l'espace, et avec qui.

Le traitement pourrait paraître long. On sera possiblement content d'avoir un peu de lecture à se mettre sous la main. Pour les enfants, prévoir des jouets, car ceux qui sont dans la pièce sont adaptés aux tout-petits.

Le sel est sans odeur, mais l'endroit a ouvert ses portes en janvier et sent encore le « neuf », ce qui n'est pas des plus agréables. On retiendra qu'il faut y aller pour les bénéfices (s'il y en a), et non pour l'expérience.

À noter

Les séances ne sont pas remboursées par les assurances privées. La facture, pour une cure, pourrait donc être... salée!

Prix

45 $ pour 45 minutes. Plusieurs forfaits sont offerts.

Au 805, chemin de Saint-Jean, La Prairie

Consultez le site web de La Salière (www.lasaliere.ca)

Photo tirée du site web de La Salière

L'avis de spécialistes

L'halothérapie: une méthode efficace? Le pneumologue Richard Gauthier, spécialisé dans les maladies pulmonaires chroniques et directeur médical des soins à domicile à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, et le chimiste Ariel Fenster, de l'Université McGill, nous donnent leur avis sur la question.

Pensez-vous que ce traitement puisse améliorer certains problèmes respiratoires?

Richard Gauthier: Il y a plusieurs décennies, les pneumologues traitaient la tuberculose avec des inhalations d'une solution concentrée en sel qui, en irritant les voies respiratoires, provoquaient la toux et les expectorations qui pouvaient être récoltées pour poser un diagnostic. Ce type de traitement n'a pas sa place pour soigner les maladies respiratoires. Par contre, il est recommandé de respirer un air avec un taux d'humidité de 45 à 50% dans nos maisons.

Ariel Fenster: Très peu d'études ont été menées sur le sujet. Toutes les données que nous avons sont surtout anecdotiques. On ne connaît donc pas vraiment la portée de ce traitement.

Le traitement peut-il comporter des dangers?

R.G.: Le danger, avec ces pseudo-thérapies, est que le patient se tourne vers cette méthode plutôt qu'un traitement médical efficace. Pour un patient asthmatique, par exemple, les conséquences pourraient être graves. Je crois qu'il faut être très prudent avec ces thérapies et, surtout, ne pas balayer du revers de la main les thérapies reconnues.

A.F.: Tout dépend de la quantité de sel contenu dans l'air, mais je ne crois pas que le fait de demeurer un certain temps dans de telles salles puisse être dangereux.

Ce type de thérapie pourrait-il être complémentaire à un traitement médical?

R.G.: L'arrêt du tabac, l'activité physique et les conseils de votre médecin et de votre pharmacien sont beaucoup plus utiles pour contrôler vos problèmes respiratoires. À mon avis, cette pseudo-thérapie n'a pas sa place dans le traitement des maladies respiratoires.

A.F.: Si cela fonctionne, c'est probablement par effet placebo.