À la suite du diagnostic de cancer du sein de la chanteuse pop australienne Kylie Minogue, les prises de rendez-vous pour des mammographies ont augmenté de 40% dans quatre États du pays des kangourous. Traitée pour ce même cancer, l'actrice américaine Christina Applegate a plutôt fait la promotion du dépistage précoce par résonance magnétique. Or, cet examen n'est recommandé qu'aux femmes qui présentent un risque élevé de contracter le cancer du sein. Pas à toutes les fans de Mme Applegate.

Les conseils médicaux des vedettes sont très écoutés, pour le meilleur comme pour le pire. Pourquoi? C'est ce qu'a voulu savoir Steven J. Hoffman, professeur adjoint au département d'épidémiologie clinique et de biostatistiques de l'Université McMaster, en Ontario, dans une revue de littérature parue récemment dans le British Medical Journal.«Je suis toujours surpris de constater que les gens écoutent les célébrités et considèrent leurs avis comme étant avisés, explique M. Hoffman. D'un point de vue logique, il est très clair qu'elles ne sont pas une bonne source d'information sur la santé, que les médecins sont une meilleure référence. Mais quand on étudie l'économie, la psychologie, la sociologie et le marketing, on réalise que nos cerveaux sont programmés pour suivre les conseils des célébrités. Les humains sont faits de telle façon qu'ils trouvent les célébrités plus crédibles que ce qu'elles méritent, selon leur réelle expertise.»

Plus souvent faux

Ça a du bon, quand ça permet à la fondation de l'acteur Michael J. Fox d'amasser plus de 350 millions pour la recherche sur le parkinson, admet M. Hoffman. Mais c'est dangereux quand l'actrice et playmate Jenny McCarthy diabolise la vaccination des enfants.

«Il y a longtemps que je recense les allégations des stars relatives à la santé, et je dirais qu'elles sont le plus souvent fausses, évalue le chercheur. À tout le moins, elles sont rapportées hors contexte, ne prennent pas en compte les risques, ne disent pas que chaque cas est différent. C'est potentiellement très dommageable. Au mieux, c'est une grande perte d'argent.»

Évidemment, ni vous ni moi ne sommes influencés par les vedettes (surtout pas!). «Mais c'est étonnant de voir à quel point les dés sont pipés d'avance, souligne M. Hoffman. On est probablement influencés par nos amis, notre famille, nos collègues de travail qui, eux, écoutent peut-être les conseils des célébrités. »

Les médecins doivent s'y intéresser

Annoncer à son docteur qu'on suit le régime sans gluten comme le joueur de tennis Novak Djokovic ou l'actrice Jennifer Aniston risque de le faire soupirer. «J'espère convaincre les médecins qu'il s'agit d'un problème sérieux, qu'il faut considérer, indique le chercheur. Au lieu d'être frustrés quand un patient leur parle de vedettes, ils doivent voir cela comme une occasion de fournir des sources crédibles d'information sur la santé.»

Obliger les célébrités à déclarer leurs conflits d'intérêts - notamment financiers, plusieurs étant payés pour faire la promotion de produits ou de méthodes - serait utile, ajoute M. Hoffman. Utiliser positivement l'attrait des vedettes, en les faisant participer à des messages de santé publique, permet aussi de lutter à armes égales. Le mannequin Christy Turlington est, ainsi, le visage d'une campagne antitabac. Les bonnes intentions n'empêchent toutefois pas la controverse, comme l'a prouvé chez nous la promotion de l'allaitement glamour par l'animatrice Mahée Paiement.

Pourquoi faisons-nous confiance aux conseils des célébrités, selon Steven J. Hoffman

1. Économie

Quand une célébrité appuie un produit ou une idée, elle lui permet de se différencier. Bombardés d'informations contradictoires sur la santé, les gens en viennent à chercher les sources qui sortent du lot. C'est aussi par esprit de troupeau qu'on suit les vedettes.

2. Marketing

On consomme les produits qu'appuient les stars dans l'espoir d'acquérir les caractéristiques qu'on admire chez eux. L'effet de halo - ou effet de notoriété - fait quant à lui en sorte qu'on généralise la confiance qu'on a en une vedette à des domaines loin de son expertise.

3. Psychologie

Par conditionnement classique, on réagit positivement en voyant notre vedette préférée et le produit qu'elle approuve. Plus tard, on réagit positivement au produit, même sans la star adorée. «On tend aussi à imiter les gens qui sont comme on voudrait être», dit Steven J. Hoffman. C'est enfin pour éviter la dissonance cognitive - un état de tension mentale inconfortable - qu'on n'ignore pas les conseils des célébrités qu'on admire.

4. Sociologie

«Les conseils des vedettes rejoignent la population parce qu'elles ont accès à des milliers de fans, notamment par l'intermédiaire des médias sociaux», souligne M. Hoffman. Dans nos sociétés modernes, la célébrité est, par ailleurs, vue comme une commodité qu'on peut acheter et vendre. Pourquoi ne pas se procurer sa part de gloire en reproduisant le mode de vie des étoiles?