Qui, aujourd'hui, ne traîne pas dans son sac à main ou dans la poche intérieure de son manteau une petite fiole de gel désinfectant? Depuis la pandémie de grippe (A) H1N1, on ne sort plus sans son flacon que l'on dégaine à toute occasion, toujours prêt à combattre une potentielle attaque de germes. Une arme efficace qui a ses limites et ses risques. Voici quelques vérités et mensonges sur le gel désinfectant.

1. Plus le taux d'alcool est élevé, plus le gel désinfectant est efficace

Vrai et faux. L'Institut national de santé publique du Québec recommande fortement que, en milieux de soins, soient utilisées des solutions hydro-alcooliques (SHA) contenant de 60 à 80% d'éthanol ou d'isopropanol. «Les experts sont d'avis que les SHA contenant de 60 à 80% d'alcool sont considérées comme les plus efficaces. Les solutions contenant plus de 80 à 90% d'alcool sont en général moins efficaces puisque l'alcool a besoin d'eau pour dénaturer les protéines», indique l'organisme dans un avis publié en 2009. À noter: les solutions sans alcool ne sont d'aucune utilité contre les virus et les bactéries.

2. Le gel désinfectant gagne en efficacité s'il est frictionné pendant 20 secondes

Vrai. «On recommande de laver les mains avec le savon pendant 40 à 60 secondes, alors qu'une friction de 15 à 30 secondes suffit avec un gel pour une efficacité optimale», note la docteure Renée Paré, médecin-conseil en santé publique à la Direction de la santé publique de Montréal. Pour que cela soit vrai, il faut que la solution recouvre entièrement la surface des mains. «Si on se lavait tous les mains, peu importe la façon et la durée du lavage, ce serait déjà un énorme pas de fait. C'est une habitude qui est loin d'être ancrée, même chez les professionnels de la santé», indique Karl Weiss, infectiologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. On se lave les mains (ou on applique du gel) surtout: avant de manger, de cuisiner, après avoir mangé et après son passage aux toilettes.

3. Contre les virus et les bactéries, le gel vaut mieux que le lavage des mains

Vrai. «Ç'a été démontré dans plusieurs études: les solutions hydro-alcooliques sont plus efficaces que le lavage traditionnel des mains à l'eau et au savon pour éliminer la plupart des virus et des bactéries», indique le docteur Alex Carignan, professeur adjoint au département de microbiologie et d'infectiologie
 de faculté de médecine et des sciences de la santé
 de l'Université de Sherbrooke. «Ces solutions agissent en diminuant la quantité de plusieurs bactéries et virus et leur action est plus prolongée que celle du savon. Cela prendra donc plus de temps avant que les mains ne se contaminent de nouveau.» Les virus du rhume et de la grippe sont notamment bien éliminés.

4. Le gel protège contre le virus de la gastroentérite

Faux. Les solutions hydro-alcoolisées vendues en commerce ont néanmoins certaines limites: elles ne viennent pas à bout du norovirus, virus le plus commun de la gastroentérite. La bactérie Clostrodium difficile résiste aussi bien aux solutions alcoolisées. «Les bactéries qui produisent des spores forment une coquille et sont plus difficiles à déloger avec les gels. Par contre, l'action mécanique du lavage des mains sous l'eau nous débarrassera de ces bactéries», dit le docteur Alex Carignan. Voilà de bonnes raisons de ne pas délaisser le savon.

5. Le gel peut prendre feu

Vrai. Fumeurs, soyez prudents! «Les solutions hydro-alcooliques sont inflammables», souligne le Dr Carignan. Leur utilisation comporte donc des risques de brûlure si l'alcool enduit sur la peau n'est pas complètement évaporé. Par ailleurs, l'application de solution désinfectante- qu'elle soit sous forme de mousse, de gel ou de liquide - n'est pas indiquée sur une plaie ouverte ou sur les muqueuses. Le contact avec les yeux est à éviter.

6. Le gel agit comme un nettoyant

Faux. Le gel ne nettoie pas les mains, il agit plutôt pour détruire les bactéries, les virus et les champignons. Si nos mains sont souillées de terre ou de nourriture, par exemple, le gel sera donc très peu efficace. Il s'agit d'un désinfectant et non pas d'un nettoyant. Rien de mieux que du savon pour déloger la saleté! À noter: on ne doit pas avoir les mains mouillées lorsqu'on applique un gel, l'agent actif en est dilué.

7. On peut s'intoxiquer avec le gel

Vrai. Au Québec, entre 2005 et 2011, le Centre antipoison du Québec a reçu près de 1000 appels concernant une intoxication au Purell, selon Protégez-vous. «Dans la plupart des cas, ces intoxications sont accidentelles et surviennent chez de jeunes enfants», nous indique Anne Letarte, porte-parole du Centre antipoison du Québec. Les gels, qui contiennent de l'alcool éthylique (parfois de l'iso-propanol), peuvent causer un état d'ébriété et, à fortes doses, un coma éthylique. Une bouteille de 60 ml correspond à 4 petits verres de vodka! Aussi, l'utilisation de gels est interdite dans plusieurs écoles et garderies, à moins d'exceptions comme des sorties. «Dans les hôpitaux, les services de pédiatrie et de psychiatrie sont exempts de solutions hydro-alcooliques. Les bouteilles sont attirantes, parfumées. Il y a déjà eu des cas d'intoxication», indique Karl Weiss, infectiologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. L'automne dernier, Santé Canada a mis en garde la population après la mort de deux Ontariens qui avaient ingéré du désinfectant pour les mains de marque Bodico. On y a trouvé du méthanol (hautement toxique) non déclaré. «Chez les adolescents et dans le milieu carcéral, l'ingestion de gels désinfectants, peu coûteux, est d'ailleurs un problème», note Anne Letarte. Peut-on donner du gel à son enfant? Oui, mais on l'applique pour lui, on ne laisse jamais le flacon à sa portée et on frotte jusqu'à ce que les mains soient sèches.

8. Les gels éliminent 99% des germes

Faux. Les gels éliminent la majorité des germes uniquement là où ils sont appliqués. «Ça ne nous protège pas des virus que l'on respire», souligne Renée Paré, médecin-conseil en santé publique. Si la transmission de virus se fait plus souvent par les mains que par inhalation (on porte nos mains à notre visage plusieurs fois par minute!), l'étiquette respiratoire demeure un outil préventif important. «Pendant un éternuement, des gouttelettes du virus de la grippe sont dispersées dans un rayon d'un mètre ou deux, explique le Dr Carignan. Si quelqu'un tousse vers nous, on peut être contaminé. Il faut surtout savoir que le virus vit jusqu'à 48 heures sur les surfaces et reste actif pendant 5 minutes sur nos mains.» Et qu'une personne malade est généralement contagieuse jusqu'à 48 heures avant les premiers symptômes et 5 à 10 jours après.

9. Le gel, plus que le savon, assèche les mains

Faux. «Autrefois, les solutions étaient très irritantes, mais la plupart contiennent aujourd'hui de la glycérine, un agent barrière qui protège contre les fissures et les gerçures sur les mains, dit le Dr Carignan. Les irritations surviennent en cas de lavages des mains à l'eau répétés quotidiennement, pas avec les gels alcoolisés.»

10. Certaines études remettent en cause l'utilité des gels

Vrai. Mais attention, plusieurs de ces études comportent des lacunes, note le Dr Carignan. Par exemple, des chercheurs américains ont avancé que, dans les maisons où il y a de jeunes enfants, les désinfectants ont peu d'impact pour prévenir les infections respiratoires, tandis qu'ils seraient assez efficaces contre la propagation du virus de la gastroentérite. «Si l'on regarde les habitudes d'hygiène globalement, on remarque que les parents ont tendance à se désinfecter les mains après avoir changé une couche, ce qu'ils font peu après avoir mouché le nez de leur enfant. En milieu contrôlé, on sait que les gels sont efficaces.»