Avez-vous un certificat de secourisme à jour ? Bien peu de Québécois sont formés pour intervenir en cas d'urgence. Chaque année, à peine 1 personne sur 20 suit une formation en premiers soins ou en secourisme, même si nous considérons - à l'unanimité ou presque ! - qu'il est primordial de connaître les gestes qui sauvent des vies.

« Il devrait y avoir au moins un secouriste par famille, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Trop peu de gens savent intervenir en cas d'urgence », indique Susan Barthe, chef de la direction d'Ambulance Saint-Jean au Québec.

En moyenne, 1 Canadien sur 20 (5 %) suit une formation de secourisme chaque année.

Comment explique-t-on la situation ? « La notion de suivre des cours est rébarbative chez les adultes. Les gens trouvent que ça coûte cher, ils ne savent pas où aller et manquent de temps, dit Sylvie Santerre, coordonnatrice principale à la Croix-Rouge canadienne. C'est vrai, les familles sont aujourd'hui très occupées. Mais un cours de quelques heures donne des outils pour sauver une vie. » Et souvent, cette vie est celle d'un proche.

Deux personnes sur cinq ont déjà eu à administrer des soins d'urgence, le plus souvent auprès d'un membre de la famille.

Si le nombre de formations en secourisme offertes au Québec reste plutôt stable avec les années, c'est essentiellement parce qu'on compte sur un bassin de secouristes qui souhaitent mettre leurs connaissances à jour, selon Susan Barthe. Difficile d'aller chercher de nouveaux venus. La clientèle intéressée ? « On voit surtout des employés qui sont nommés secouristes sur leur lieu de travail, comme l'exige la CSST, ainsi que des parents de jeunes enfants », dit Sylvie Santerre.

Une jeune relève commence à faire changer la donne. Les enfants sont de plus en plus conscientisés aux premiers soins, notamment par l'entremise des programmes Gardiens avertis et Secouristes avertis de la Croix-Rouge canadienne. L'an dernier, l'organisme a offert 25 000 formations aux adultes, comparativement à 33 000 aux enfants. « On touche principalement les enfants du primaire dans les écoles qui offrent les formations sous forme d'activité parascolaire ou qui l'incluent dans les cours, dit Sylvie Santerre. Plus on les conscientise jeunes, plus il y aura un continuum. On veut que, une fois adultes, ces enfants aient le réflexe de mettre à jour leur formation. »

Car un seul cours ne fera pas de vous un bon secouriste à vie. On estime qu'il faut renouveler sa formation tous les trois ans. D'ailleurs, les certificats de secourisme sont délivrés sur cette base. « Si notre formation a été suivie il y a longtemps, certaines notions seront oubliées et les réflexes de poser certains gestes auront disparu, indique Susan Barthe. On se pense prêt jusqu'à ce qu'une urgence survienne. C'est à ce moment qu'on se rend compte qu'on aurait besoin d'un rappel. » Si la formation a été suivie à l'intérieur des trois ans, il est possible d'assister à un cours de mise à niveau condensé. La formation complète (d'une durée de 16 heures) reste à privilégier.

125 $. C'est le coût approximatif d'une formation de secourisme général d'une durée de 16 heures.

Peut-on apprendre le secourisme par les livres ou en ligne ? « Si les guides consultés sont conçus par des organismes reconnus, c'est un bon premier pas. Mais rien ne vaut une formation pour son aspect pratique, parce que les informations sont à jour et parce qu'on peut poser toutes nos questions », dit Sylvie Santerre. Les recommandations de secourisme faites par l'ILCOR (International Liaison Committee on Resuscitation) sont revues tous les cinq ans, à la lumière des nouvelles données scientifiques. D'où l'importance de renouveler ses acquis.

Peut-être n'aura-t-on jamais l'occasion d'intervenir lors d'une urgence, « mais on acquiert en formation beaucoup de notions de prévention et on limite ainsi les occasions d'intervenir », dit Susan Barthe. Ça vaut le coût, non ? « C'est un beau cadeau à s'offrir », ajoute Sylvie Santerre.

Comment choisir son formateur ? 

Malheureusement, n'importe qui peut s'improviser formateur en secourisme et prodiguer des conseils bidon. Assurez-vous de choisir une entreprise qui délivre un certificat de secourisme d'un des organismes suivants : Croix-Rouge canadienne, la Fondation des maladies du coeur du Canada, Ambulance Saint-Jean et la Société de sauvetage.

* Les statistiques en exergue sont tirées d'un sondage réalisé par la Croix-Rouge canadienne en 2012.

Témoignages

Urgence à la salle de quilles

Lundi, 2 septembre 2013. C'était jour férié à l'occasion de la fête du Travail. Marc Pronovost jouait aux quilles dans une salle de la région de Québec. À un certain moment, un homme dans une allée voisine s'est senti mal et s'est effondré subitement. « Il s'est mis à vomir et à déféquer. Il a perdu connaissance. Après avoir appelé le 911, les gens autour de lui restaient figés. Il fallait agir vite », raconte M. Pronovost. Avec son ami Paul Émile Kack, ils sont allés porter secours à la victime. Les deux ont une formation en premiers soins.

« J'ai tourné l'homme sur le côté pour vider sa bouche. Je l'ai retourné sur le dos. On a vérifié sa respiration, il ne respirait plus. On a vérifié son pouls, il n'en avait plus. Il s'est mis à avoir des spasmes, il a vomi encore. On l'a remis de côté pour nettoyer sa bouche. » L'homme, inconscient, n'avait toujours pas de pouls. Le duo a alors commencé les manoeuvres de réanimation cardiorespiratoire (RCR). L'un s'occupait du massage cardiaque, l'autre de la bouche. Ç'a duré comme ça une dizaine de minutes, jusqu'à ce que les ambulanciers arrivent. Ceux-ci ont utilisé le défibrillateur, puis ont repris la RCR pendant 15 minutes avant de transporter la victime à l'hôpital. « Il avait changé de couleur, on ne pensait pas qu'il s'en sortirait. » Ce soir-là, Marc Pronovost n'a pas très bien dormi.

Contre toute attente, la victime a survécu. On a réussi à la réanimer une fois à l'hôpital. Deux semaines plus tard, l'homme, en convalescence, s'est rendu à la salle de quilles saluer ses héros. « Ça nous a fait chaud au coeur de le voir. C'était une agréable sensation. Sans notre intervention, serait-il mort ? Peut-être pas, mais il aurait probablement eu des séquelles au cerveau en raison du manque d'oxygène. »

Ancien instructeur en secourisme pour Ambulance Saint-Jean, Marc Pronovost n'en était pas à sa première intervention d'urgence. Il a déjà sauvé la vie d'un bébé de 3 semaines. « Le petit ne respirait plus, il s'était étouffé. Sa mère hurlait, c'était très émotif. » Chaque fois, néanmoins, il agit machinalement, poussé par un réflexe. « C'est après coup que surgissent les émotions. » Des émotions fortes qui lui confirment l'importance de mettre à jour ses compétences.

Sauver son bébé 

En février 2013, Christine Morin a donné à Louis, son fils, un morceau de pomme à gruger en espérant soulager sa poussée dentaire. Mais Louis s'est plutôt étouffé, et le morceau a complètement obstrué ses voies respiratoires. Il ne toussait pas, ne respirait pas, ne crachotait pas et ne pleurait pas. Rien ne se passait. Il a viré au rouge, puis au bleu, ses yeux sont devenus globuleux. Heureusement, Christine est monitrice de premiers soins de la Croix-Rouge et savait exactement quoi faire.

Après avoir composé le 911, elle a immédiatement commencé les manoeuvres de désobstruction des voies respiratoires : « J'ai appliqué la technique, le corps incliné, la tête en bas... Le morceau n'a pas fait "pop". Ça a pris du temps ! »

Louis a fini par vomir et crachoter. Pendant plusieurs minutes, il respirait à peine. Les secours sont arrivés rapidement et le personnel médical a félicité Christine pour son intervention.

Christine est bien consciente que sa formation a sans doute sauvé la vie de son fils. Dès son retour à la maison, elle a envoyé un courriel à tous ses amis qui ont des enfants pour leur raconter son histoire. « Je me suis dit que ça pourrait peut-être motiver d'autres parents à prendre des cours de premiers soins. Honnêtement, je me demande vraiment si j'aurais su quoi faire sans mes cours de premiers soins. »

Ce témoignage est tiré du site de la Croix-Rouge canadienne (avec autorisation).

À la rescousse d'un collègue

Mère de deux enfants, Caroline Léveillé est secouriste en milieu de travail au Canadian Tire de Joliette. En 2012, deux jours à peine après avoir suivi sa formation en premiers soins, la caissière en chef a été appelée à intervenir. « On est venu me chercher parce qu'un commis s'était effondré. » Le jeune homme, âgé de 33 ans, a été victime d'un malaise cardiaque. On avait déjà joint le 911. « Quand je suis arrivée à ses côtés, ça faisait déjà quelques minutes qu'il était inconscient. Il avait changé de couleur. Il n'avait pas de pouls et il ne respirait plus. J'ai fait le massage cardiaque et j'ai continué jusqu'à l'arrivée des ambulanciers », raconte-t-elle.

Son collègue a été réanimé dans l'ambulance. Il a repris le travail et ses études à l'université depuis. Aujourd'hui, il porte un pacemaker. « Pendant trois jours, on a été sans nouvelles. Mais quand j'ai appris qu'il était hors de danger et sans séquelles, j'étais vraiment contente. J'étais fière d'avoir fait la différence. Si je n'avais pas réagi aussi vite, par instinct, il y serait probablement resté. »

L'employeur de Caroline a décidé de munir le magasin d'un défibrillateur. Six employés y sont secouristes en milieu de travail, mais plusieurs collègues de Caroline ont décidé de suivre une formation en premiers soins de leur propre initiative. « Une situation d'urgence peut survenir n'importe où, peut frapper n'importe qui. Nos proches aussi », dit-elle.

Que faire si...?

1. Julie tombe sur le trottoir.

Que faire? 

Julie a mal à la cheville. Est-ce une entorse, une foulure, une fracture? Elle ne doit pas bouger immédiatement. On la couvre pour la tenir au chaud. En aucun cas, on ne retire sa botte. Si, après quelques minutes, ça reste douloureux, qu'on a entendu un craquement ou qu'il y a une malformation évidente, on file à l'hôpital. On prend soin de bien immobiliser la cheville (dans un oreiller, par exemple). « Si le membre potentiellement cassé n'est pas le poignet ou la cheville, on appelle l'ambulance. En bougeant, un membre cassé peut coincer des nerfs, occasionner des problèmes de circulation », dit Sylvie Santerre.

Comment prévenir? 

On s'assure d'être bien chaussé. On déglace et déneige le balcon et l'entrée. On porte des crampons si on doit se déplacer sur des trottoirs glacés.

2. Béatrice tombe sur la tête en luge.

Que faire? 

Si la blessure de Béatrice semble superficielle, sans saignement, on applique une compresse d'eau froide ou de la glace pour diminuer l'enflure. Si l'on craint une blessure grave ou une fracture au cou ou à la tête, on immobilise la tête de Béatrice, on ne lui enlève pas son casque et on compose le 911, conseille Naître et Grandir. On alerte également les services d'urgence si Béatrice manifeste les symptômes suivants : confusion, étourdissements, maux de tête, sang ou liquide qui sort du nez ou des oreilles, perte de connaissance, convulsions. S'il y a commotion cérébrale, il faudra surveiller Béatrice pendant les jours qui suivent, selon les directives du médecin.

Comment prévenir? 

On voit à ce que les enfants portent un casque protecteur. On inspecte notre équipement avant de partir, on préfère un toboggan facile à manoeuvrer, on évite les pistes glacées et celles avec des obstacles (trous, arbres, clôtures, etc.), recommande-t-on au Conseil canadien de sécurité. On s'assure que le chemin est libre, qu'on ne prend pas trop de vitesse et qu'on dégage la voie une fois en bas.

3. Pendant une randonnée, Martin est frigorifié.

Que faire? 

Martin a des frissons incontrôlables, il a de la difficulté à parler et à bouger les bras. Il a tous les symptômes de l'hypothermie. « On met la personne à l'intérieur, à l'abri, on retire les vêtements mouillés, on met des vêtements secs, une couverture, on fait du corps à corps. On offre un liquide chaud, comme un bouillon de poulet. Si l'hypothermie est légère, la situation devrait rapidement revenir à la normale », dit Sylvie Santerre. Si l'hypothermie est sévère, que la personne montre des signes de confusion, qu'elle a les lèvres bleues, on signale le 911.

Comment prévenir? 

On s'habille adéquatement. On évite l'alcool et le tabac. On traîne son téléphone portable, à utiliser en cas de pépin. En cas de grand froid, on sort pendant de courtes périodes. On surveille les enfants de près.

4. La glace du lac cède sous Dominic.

Que faire? 

« Si on juge que la situation n'est pas sûre, on ne va pas le chercher. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire s'il s'agit d'un proche », indique Sylvie Santerre. On appelle le 911 et, si cela est possible, on tente d'atteindre Dominic en prolongeant notre portée. Pour ce faire, on utilise une branche, un foulard, une échelle.

Comment prévenir? 

« Sait-on quelle épaisseur a la glace, et ce, partout sur le lac? En cas de doute, on n'y va pas. Même si le lac est gelé, on préfère marcher près de la rive. En motoneige, on reste sur les sentiers balisés qui sont inspectés », suggère Sylvie Santerre.

5. Pelle à la main, oncle Michel s'effondre de douleur.

Que faire? 

« Si la douleur thoracique survient après l'effort, on appelle le 9-1-1 sans attendre », conseille Susan Barthe. Michel est essoufflé, il transpire et se plaint de nausées. Il présente les symptômes classiques d'une crise cardiaque. On reste à ses côtés. S'il peut marcher, on se rend dans la maison, on lui retire son manteau et on le met au repos, tout en écoutant les conseils au bout du fil. On ne doit jamais prendre une douleur après l'effort à la légère.

Si Michel est inconscient, c'est qu'il est probablement en arrêt cardiaque. On pratique la réanimation cardiorespiratoire. Si on est incapable, on peut faire des compressions thoraciques seules, selon la Croix-Rouge canadienne. Il s'agit de compressions continues à un rythme d'environ 100 compressions à la minute, sans administrer la respiration artificielle. Elles permettent de faire circuler l'oxygène.

Comment prévenir? 

« Quand vous déblayez un passage, allez-y doucement, surtout si c'est votre seul exercice. Si vous êtes actif, ne faites pas d'efforts trop intenses. Et surtout, il ne faut pas penser que la douleur va passer. Une intervention rapide peut vous sauver », dit Susan Barthe.