La barbe est actuellement à la mode. Fournie et bien taillée. Une tendance hipster, dit-on. Synonyme de virilité, elle se conjugue bien mal au féminin. Pourtant, de nombreuses femmes ont du poil au menton et vivent douloureusement cet excès de pilosité appelé hirsutisme. Pire, ces poils cachent parfois de graves problèmes de santé. Sophie Allard fait le point.

1. Pourquoi tous ces poils?On parlait autrefois de femmes à barbe. L'hirsutisme est, chez la femme, un excès de poils au visage, mais aussi partout où, habituellement, ceux-ci poussent sur le corps de l'homme: sur le visage (lèvre supérieure, menton, tempes), sur la poitrine, autour des mamelons, sur la ligne médiane autour du nombril, sur la partie interne des cuisses et dans le bas du dos. Ces poils (terminaux) sont plus épais et plus foncés que le duvet. Cette hyperpilosité est souvent provoquée par un taux anormalement élevé d'hormones mâles, les androgènes.

2. De mères en filles

Vous êtes poilue? Votre maman l'est sûrement tout autant. L'hirsutisme familial est le plus fréquent. «L'hirsutisme familial ou idiopathique survient en raison d'une variante génétique, sans cause médicale sous-jacente. Le taux d'androgènes est normal, mais il y a une suractivité des récepteurs du follicule pileux aux androgènes», explique Louise Lapensée, gynécologue-obstétricienne au Centre hospitalier de l'Université de Montréal et à la clinique de fertilité OVO. La prévalence de l'hirsutisme familial varie selon les populations. Les Européennes d'origine méditerranéenne sont les plus touchées.

3. Des ovaires dysfonctionnels

En Amérique du Nord, 1 femme sur 10 développerait dans sa vie un syndrome des ovaires polykystiques, aussi appelé syndrome de Stein-Leventhal. C'est une des causes d'hirsutisme. «Ce trouble génétique se manifeste souvent à l'adolescence et est associé à une surproduction d'androgènes. Cet hyperandrogénisme, lié à une résistance à l'insuline, engendre divers symptômes, dont une augmentation de la pilosité», explique la Dre Lapensée, aussi professeure adjointe de clinique à l'Université de Montréal. Plusieurs de ses patientes, qui la consultent pour des problèmes de fertilité, souffrent d'hirsutisme lié à ce syndrome.

4. Plus de kilos, plus de poils

«Les femmes obèses sont plus à risque de souffrir d'hirsutisme parce que les oestrogènes sécrétés sont transformés en androgènes dans le tissu graisseux. Généralement, plus la femme est obèse, plus l'hirsutisme sera important», explique la Dre Lapensée. La responsable? L'insuline. En cas d'obésité, il y a une résistance à l'insuline - ou surproduction d'insuline - qui provoque une surproduction d'hormones mâles. Et tous les symptômes associés.

5. La faute aux androgènes

La pilosité excessive n'est qu'un symptôme d'une surproduction d'androgènes. Les autres? Une peau grasse, de l'acné, une voix rauque, une musculature plus développée, des cycles menstruels irréguliers ou une aménorrhée, l'hypertrophie du clitoris et l'atrophie des seins.

6. Alerte!

«L'apparition et la progression rapide de poils peuvent suggérer une tumeur», indique la gynécologue-obstétricienne Louise Lapensée. Il peut s'agir alors d'une tumeur ovarienne, d'une tumeur surrénale ou d'une tumeur de grossesse. Mais rassurez-vous, il ne s'agit pas à tout coup de cancer. La prise de certains médicaments peut également être à l'origine d'une pilosité soudaine et généreuse. C'est le cas de certains médicaments pour traiter l'hypertension artérielle et l'épilepsie. Par ailleurs, l'hirsutisme compte parmi les effets secondaires des stéroïdes anabolisants et des hormones de croissance.

7. La pilule à la rescousse

Pour venir à bout de cette pilosité malvenue, les médecins prescrivent en premier lieu des contraceptifs oraux, de préférence ceux qui contiennent de l'acétate de ciprotérone (Diane) ou de la drospirénone (Yaz ou Yasmine). Ceux-ci ont un effet anti-androgène marqué. «Le résultat se manifestera après six mois d'utilisation. Si ça ne fonctionne pas, on se tourne alors vers une médication», dit la Dre Lapensée. Pour venir à bout des poils existants (que la pilule ne chassera pas!), elle recommande le laser ou l'électrolyse, à commencer six mois après la prise de contraceptifs. «Chez les femmes obèses, la perte de poids peut améliorer l'hirsutisme», souligne-t-elle. Et si l'hirsutisme est familial, le traitement sera uniquement esthétique.

8. Pas de panique

Des femmes qui cessent de prendre leur contraceptif oral au bout de 15 ou 20 ans s'inquiètent de voir leur pilosité augmenter soudainement. «Ces femmes arrêtent la pilule, parce qu'elles veulent donner une pause à leur corps ou devenir enceintes, et elles se mettent à avoir des boutons et se trouvent plus poilues. Il ne faut pas paniquer», dit la Dre Lapensée. En fait, la pilule masque les effets des androgènes, produits naturellement, qui reviennent au galop une fois la pilule arrêtée.

9. Et la ménopause?

À la ménopause, plusieurs femmes se plaignent de nouveaux poils qui poussent ici et là, au menton comme ailleurs. «C'est tout à fait normal. À la ménopause, il y a une chute d'oestrogènes. Comme la production d'androgènes reste la même, il y a un déséquilibre hormonal, d'où l'apparition de poils. L'effet est souvent minime, toutefois», note la spécialiste.

10. Très mal vue

La pilosité au féminin est souvent mal vécue. «Dans une société où l'on déteste les poils, certaines femmes viennent me voir complètement désespérées, dit la Dre Lapensée. Des femmes sont obligées de se raser tous les matins, comme les hommes. Les traitements cosmétiques sont très chers et, à ma connaissance, ils ne sont pas remboursés, même dans les cas sévères.»