Les autorités sanitaires américaines ont demandé lundi aux fabricants de savons contenant des antibactériens chimiques de démontrer que leurs produits utilisés quotidiennement par des millions d'Américains sont vraiment efficaces et inoffensifs pour la santé.

Selon les nouvelles règles proposées par l'agence américaine des produits alimentaires et pharmaceutiques (FDA), les fabricants qui ne parviendront pas à satisfaire ces demandes devront modifier la formule de leurs antibactériens ou leur étiquetage pour pouvoir rester sur le marché.

Cette mesure intervient dans le cadre d'un réexamen plus large des agents antibactériens mené par la FDA pour s'assurer de leur efficacité et de leur innocuité, indique l'Agence. Cette décision ne concerne pas les désinfectants pour les mains ni les autres antibactériens à base d'alcool utilisés chez les médecins et en milieu hospitalier.

La décision de la FDA fera l'objet d'une période de consultation publique de 180 jours avant d'entrer, le cas échéant, en vigueur. Elle n'entraîne pas pour le moment un retrait du marché de ces produits.

Bien que les consommateurs considèrent ces produits antibactériens comme sûrs et efficaces pour lutter contre la propagation des germes, il n'existe à ce jour aucune preuve scientifique qu'ils sont plus efficaces que les savons ordinaires, affirme l'agence.

Résistance bactérienne et dérèglements hormonaux

De plus, des études indiquent qu'un usage régulier et prolongé de certains agents contenus dans les antibactériens, comme le triclosan dans les savons liquides et le triclocarban dans les savons en barre, pourrait entraîner une résistance bactérienne ou provoquer des dérèglements hormonaux.

Le triclosan, un antibactérien utilisé depuis plus de 40 ans dans de nombreux produits d'hygiène personnelle comme le savon liquide, le dentifrice ou le déodorant est non seulement soupçonné d'être un perturbateur endocrinien, mais altèrerait aussi la fonction musculaire. Le toxicologue Isaac Pessah de l'Université de Californie-Davis a notamment étudié ses effets néfastes sur le muscle cardiaque de souris et de petits poissons.

«Les savons antibactériens et autres produits similaires sont très fréquemment utilisés dans chaque foyer, sur le lieu de travail, à l'école et dans des lieux publics, où les risques d'infection sont relativement bas», a souligné la Dre Janet Woodcock, directrice du centre de recherche et d'évaluation des médicaments de la FDA.

«Du fait de cette exposition très importante à ces agents, nous pensons que leur bienfait doit être clairement établi par rapport à tous les risques potentiels», a-t-elle expliqué.

L'importante utilisation de ces produits antibactériens, l'accumulation des informations scientifiques montrant certains risques ainsi que les inquiétudes soulevées par des médecins et des groupes de défense des consommateurs ont conduit la FDA à réévaluer les agents chimiques actifs présents dans ces produits et qui sont aujourd'hui considérés comme «généralement sûrs et efficaces».

Aucun des groupes cosmétiques concernés n'avait réagi lundi à la décision de la FDA.

Mais le sénateur Edward Markey, (démocrate du Massachusetts) s'en est aussitôt réjoui. «Des substances chimiques comme le triclosan sont utilisés dans un trou noir réglementaire malgré de sérieuses inquiétudes sur ses effets sur la santé, en particulier le développement des enfants», a-t-il déclaré dans un communiqué.

Ces mêmes inquiétudes ont également été soulevées en Europe et la Commission a ouvert une consultation publique en août 2012 sur le triclosan.

Un comité scientifique européen avait conclu dans une étude publiée en 2009 que des concentrations supérieures à 0,3 % dans les cosmétiques et les savons «ne sont pas sûres pour la consommation en raison de l'importance de leur utilisation». Ces experts avaient notamment mis en garde contre le risque de développement de résistance microbienne.