La grossesse est généralement un moment de pur bonheur, une expérience hautement exaltante. Malheureusement, il en va parfois autrement. Moins fréquente que la fausse couche, la grossesse extra-utérine se distingue néanmoins par son caractère urgent, parfois fatal.

La grossesse extra-utérine, ou nidation ectopique, frappe 1 femme enceinte sur 50, souvent de façon aléatoire. C'est peu fréquent, il est vrai. On compte 1 grossesse extra-utérine pour 13 fausses couches. Leur nombre a tout de même «triplé en 10 ans et les grossesses extra-utérines représentent encore de 4 à 10% des causes de décès chez les femmes enceintes», selon le Larousse médical.

Il suffit d'en parler pour réaliser que, dans notre entourage, plusieurs femmes ont vécu cette pénible expérience: une collègue, une voisine, une cousine. Pourtant, les guides pratiques en parlent peu. Parfois un paragraphe, voire quelques mots. Parfois rien du tout. Aussi, quand la grossesse extra-utérine se présente, plusieurs femmes se sentent désemparées, mal informées.

«C'est un gros problème, très peu d'informations sont transmises aux femmes enceintes. La grossesse extra-utérine survient dans les premières semaines, avant le suivi médical et, dans la littérature, c'est très peu abordé, explique Chantal Verdon, professeure-chercheuse au département des sciences infirmières de l'Université du Québec en Outaouais. On ne veut pas les alarmer, mais les femmes doivent savoir que ça peut être grave, elles doivent être à l'affût. Il est encore possible de mourir durant la grossesse.»

La grossesse extra-utérine (GEU) survient lorsque l'oeuf fécondé s'implante hors de l'utérus, le plus souvent dans une trompe de Fallope (plus de 95% des cas). Mais la nidation peut aussi bien se faire sur un ovaire ou dans la cavité abdominale. «Plus c'est loin de la cavité utérine, plus c'est rare», souligne Isabelle Girard, présidente de l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. Très rarement, il y a un embryon. Le plus souvent, il s'agit de cellules placentaires. Si l'on comprend encore mal le problème, on a tout de même établi certains facteurs de risques: l'âge avancé de la mère, une malformation congénitale, certaines infections pelviennes (chlamydia, gonorrhée), la présence d'endométriose, une intervention abdominale antérieure, les traitements contre l'infertilité, le tabagisme et la présence d'un stérilet.

Parfois, la grossesse ectopique se pointe sans raison connue. Comment expliquer l'augmentation du nombre de GEU? «Avant toute chose, parce qu'on assiste à une augmentation du nombre de naissances», répond l'obstétricienne-gynécologue. On parle de 88 700 naissances québécoises en 2012. Dans les statistiques officielles, on ne distingue pas les fausses couches des grossesses extra-utérines. Il est donc difficile de savoir, dans l'absolu, si la proportion de GEU est plus élevée. On sait que les femmes ont aujourd'hui des enfants à un âge plus avancé. On observe aussi une recrudescence du nombre d'infections telles que la gonorrhée (en hausse de 407% entre 1997 et 2011). Si augmentation de GEU il y a, elle est donc multifactorielle.

À ne pas prendre à la légère

En raison du danger potentiel de la GEU, on doit consulter au moindre symptôme, au moindre doute. Les signes se présentent généralement entre la 5e et la 10e semaine d'aménorrhée. Plus la grossesse est avancée, plus le risque est grand.

Quels sont ces symptômes? «La femme enceinte présentera souvent de légers saignements de type spotting avec une douleur abdominale latéralisée », dit la Dre Girard. À noter que, dans certains cas, il n'y aura aucun saignement. Certaines femmes ne présentent pas de symptômes précurseurs, tandis que d'autres les ignorent. «Les femmes qui sont sous contraception et les plus âgées qui ne se croient plus fertiles seront moins attentives.»

Dès la présence d'un ou plusieurs symptômes, il est nécessaire de se rendre à l'hôpital et de faire part de ses soupçons. Heureusement, la plupart des cas sont aujourd'hui diagnostiqués de façon précoce. Si le diagnostic tarde, la vie de la femme peut être en péril. «On assiste alors à une symptomatologie catastrophique, explique la spécialiste. En cas de rupture de la trompe ou de l'ovaire, la femme présentera une douleur intense intra-abdominale. Il y aura des symptômes de choc vagal, soit des palpitations, de la pâleur, des sueurs ou un évanouissement, en raison de la douleur ou de l'hypovolémie [baisse importante du volume sanguin].» La mort peut survenir rapidement. «Il faut alors intervenir de toute urgence.»

Plus on intervient tôt, moins lourde sera l'intervention médicale. Une grossesse extra-utérine précoce pourra être traitée avec une chimiothérapie (le méthotrexate), antiacide folique. «L'acide folique sert à construire la charpente cellulaire. Si on l'élimine, les cellules ne peuvent plus se multiplier et la grossesse se résorbe», dit la Dre Girard.

Si la grossesse est avancée ou qu'il y a rupture et hémorragie, il faudra opérer. On optera pour la salpingotomie (incision dans la trompe et retrait de la grossesse). Si la trompe est trop endommagée, on procédera plutôt à une salpingectomie (ablation de la trompe). Dans le cas d'un ovaire, on parle d'une ovariectomie. Si l'hémorragie est trop importante et que la patiente est dans un état critique, le chirurgien pratiquera une laparotomie, soit une ouverture de l'abdomen.

«Dans 10% des cas où la trompe est conservée, il y aura persistance des cellules qui recommenceront à se multiplier», explique Isabelle Girard. Une nouvelle chimiothérapie ou une intervention sera alors nécessaire. La patiente, sous suivi, doit donc rester aux aguets et consulter au moindre symptôme.

Une nouvelle grossesse

Même avec une trompe en moins, la fertilité n'est aucunement compromise, à condition que la trompe restante soit en santé. Une seule trompe ou un seul ovaire suffisent pour concevoir. Selon une étude parue dans Human Reproduction, 7 femmes sur 10 réussissent à tomber enceintes après une grossesse extra-utérine, peu importe le traitement. «La trompe est mobile et peut aller chercher un ovule d'un côté comme de l'autre. Le niveau de fertilité demeure le même, souligne l'obstétricienne-gynécologue Isabelle Girard. Si la trompe endommagée est maintenue, la cicatrice peut faire en sorte qu'elle soit plus collante. Il faut essayer pour le savoir.» Par ailleurs, au moment du retrait d'un ovaire, l'autre prend la relève tous les mois. C'est une erreur de croire que les ovaires fonctionnent en alternance, un mois sur deux. Les ovules sont plutôt expulsés de façon aléatoire.

Cela dit, on suggère d'attendre deux ou trois cycles avant la reprise des «essais bébé». «Si on a déjà fait une grossesse ectopique, les risques sont plus élevés à la grossesse suivante», souligne la spécialiste. On parle de récidive dans au moins 10% des cas. «Dès que l'on se sait enceinte, on doit prendre contact avec son médecin rapidement. Avec les prises de sang et l'échographie précoce, on s'assurera que l'embryon se trouve bel et bien dans l'utérus.»