Les révélations publiques d'Angelina Jolie ont remis le cancer du sein - en fait, la prévention du cancer du sein - à la une. La mastectomie préventive existe depuis environ 10 ans au Québec, mais peu de femmes y ont pour l'instant recours. Trois experts répondent à nos questions.

La mastectomie préventive, c'est pour qui ?

Les femmes qui se croient à risque doivent d'abord rencontrer un conseiller génétique, explique John Keyserlingk, directeur médical du centre du sein VM Médical, afin d'évaluer leur bagage génétique. Si les risques sont évalués à plus de 10 %, un test génétique est proposé afin de déterminer la présence de gènes BRCA1 ou BRCA2, preuve d'une mutation génétique. Comme ce dépistage est couvert par la Régie de l'assurance maladie, il faut prévoir d'un à deux ans d'attente. Enfin, si le dépistage s'avère positif (comme dans le cas d'Angelina Jolie), la mastectomie préventive peut être envisagée. Mais attention, il ne s'agit pas de la seule option possible : un suivi serré et une médication peuvent aussi être proposés. En matière de prévention, dans un cas de haut risque (jusqu'à 85 %) comme celui-ci, « la mastectomie sous-cutanée est la meilleure solution, et de loin «, tranche le chirurgien oncologue.

Est-ce une opération importante ?

« Ça n'est pas une opération complexe comme une transplantation cardiaque «, précise le chirurgien. Pour vulgariser, il compare la mastectomie à l'art de vider un oeuf. « On préserve l'écaille, la peau, et on vide l'intérieur, par une petite incision. On se débarrasse du terrain où pourrait pousser une tumeur. «

Pour la reconstruction, généralement immédiate, on insère par la même incision un « expandeur «, une sorte de prothèse gonflable. En tout, l'opération dure environ quatre heures, et la patiente peut repartir le lendemain.

Est-ce que beaucoup de femmes y ont recours ?

Pour l'instant, environ 8 % des Québécoises porteuses de cette mutation génétique ont recours à une mastectomie préventive, révèle une étude de l'Université de Toronto. En Ontario, la proportion est de 22 %, et dans l'Ouest, de 46 %. Mais cette proportion est appelée à augmenter. « Parce qu'on en parle plus, et que de plus en plus de femmes sont dépistées «, croit John Keyserlingk, dont le nombre d'opérations a plus que doublé en 10 ans.

Aux États-Unis, c'est la norme. « La plupart des femmes chez qui l'on détecte un gène BRCA1 ou BRCA2 finissent par subir une mastectomie «, confirme Todd Tuttle, chef du service en oncologie chirurgicale à l'Université du Minnesota.

Y a-t-il des risques ?

Bien sûr, toute opération comporte des risques en terme d'infection. Psychologiquement, la mastectomie peut aussi avoir des conséquences sur le rapport au corps et l'estime de soi. « Mais c'est surtout l'énorme soulagement d'être libérée du stress de vivre avec une mutation génétique qui ressort «, signale Kelly Metcalfe, professeure en infirmerie à l'Université de Toronto.

Faut-il craindre un effet Angelina Jolie ?

C'est l'inquiétude du chercheur Todd Tuttle. « J'espère que les femmes qui vont aller de l'avant vont le faire pour elles, et non parce qu'une vedette l'a fait... « Au contraire, rétorque la chercheuse Kelly Metcalfe : « Je crois qu'Angelina Jolie a fait beaucoup pour la cause. Bien des femmes viennent d'apprendre qu'il existe des tests de dépistage. Et qu'une fois dépistées, elles peuvent agir. Alors oui, je crois que c'est une bonne nouvelle. «