«Sans le tatouage, il manque vraiment quelque chose au sein reconstruit», tranche la Dre Bernier, qui se retrouve souvent sans réponse satisfaisante à offrir à ses patientes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale ou dont le budget est restreint et qui ne peuvent débourser les centaines de dollars que coûte le tatouage. «Dans un monde idéal, c'est une intervention qui devrait être faite à l'hôpital.»

Pourtant, dans le cahier de charge des plasticiens qui exécutent la reconstruction mammaire, le tatouage a bel et bien son «code», ce qui atteste qu'il s'agit d'une étape légitime qui doit être prise en charge par la RAMQ. Curieusement, les résidents en chirurgie plastique n'entendent jamais parler de cette étape dans leur formation. Au Québec, les femmes opérées pour un cancer du sein n'ont rien à débourser, en principe, pour une reconstruction mammaire.

Puisque les reçus pour la pigmentation réparatrice ne sont pas produits par un médecin ou un pharmacien, la RAMQ refuse de dédommager les patientes. Selon Christina Bernier, qui réalise une centaine d'interventions de reconstruction mammaire par année, environ une assurance privée sur deux rembourse ces frais. Les deux tiers des femmes qu'elle opère souhaitent recourir au tatouage pour refaire leurs mamelons.

«Les femmes qui viennent de traverser la chimio et la radio sont déjà affaiblies et appauvries. La reconstruction des seins est une étape heureuse, qui signifie la fin. Donc quand elles s'aperçoivent qu'elles doivent payer, c'est décevant.»

La plasticienne a déjà joint la Société canadienne du cancer, en quête d'une solution financière de rechange à la RAMQ et à l'assurance privée. Le programme Belle et bien dans sa peau, par exemple, fournit gracieusement aux femmes atteintes qui ont font la demande des prothèses capillaires, des séances de maquillage et des conseils sur les soins de la peau, «pour garder le moral». Mais pour les «sans mamelon» qui n'ont pas les moyens de payer la pigmentation réparatrice, c'est le néant.

«Si c'était à refaire...»



Par un frisquet 8 mars, Rose Brouillette, 54 ans, a rendez-vous chez Johanne Brouillette pour faire exécuter des retouches de couleur sur son mamelon recréé par dermopigmentation réparatrice, en août dernier.

«Si c'était à refaire aujourd'hui, je resterais sans sein gauche, avec seulement une prothèse», lâche la femme qui a reçu son diagnostic de cancer du sein en 2009 et est aujourd'hui en rémission.

Certes, elle a été déçue par la Régie de l'assurance maladie (RAMQ) qui n'a pas épongé les frais encourus pour le tatouage du mamelon. Mais plus encore que la facture salée, l'impact de la reconstruction mammaire sur sa vie intime l'a laissée avec des cicatrices physiques et des sensations amoindries.

«Pour que les deux seins soient de même taille, ils ont dû diminuer le droit. Quand on fait l'amour, on ne ressent plus la même sensation. Je n'avais pas posé de question à cet effet, parce qu'on m'avait dit que ça ne changerait rien. Et pour le conjoint, ce n'est pas la même chose...»