Obèses et en santé ! Même s'ils sont corpulents, ils échappent au diabète et aux troubles cardiovasculaires. Mais pour combien de temps?

Diane Desormeaux fait grimper le pèse-personne à plus de 84 kilogrammes. Compte tenu de ce poids et de sa petite taille, le constat est indéniable: elle appartient au groupe des obèses. Mais la sexagénaire a de quoi se consoler. Alors qu'une majorité d'individus dans sa situation développeront un jour un diabète ou un problème cardiaque, celle-ci est pour l'instant à l'abri de ces maladies.

Comme pour environ 30% des personnes obèses, Diane Desormeaux appartient au groupe des gens dits «obèses et en santé». Des individus qui traînent certes un surpoids, mais chez qui les problèmes métaboliques comme le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires ne couvent pas.

Comment expliquer qu'obésité et problèmes de santé métabolique ne riment pas nécessairement? La question intrigue au plus haut point le Dr Rémi Rabasa-Lhoret, endocrinologue et chercheur affilié à l'Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM). Il en a même fait l'un de ses thèmes de recherche.

«Ce qu'on pense, c'est que les patients obèses qui développent peu ou pas de problèmes métaboliques sont probablement des gens qui ont une capacité à bien stocker leur gras, explique-t-il. Pour des raisons imparfaitement comprises, le gras sous-cutané, et en particulier celui trouvé au niveau des membres inférieurs, est associé à un bien moindre risque de développer un diabète ou une maladie cardiovasculaire que le gras intraabdominal.»

Pour l'instant, on cherche encore les raisons précises qui expliquent que certains obèses se retrouvent dans cette situation. Le spécialiste de l'IRCM avance toutefois trois possibilités, généralement acceptées dans le milieu. «Il y a une composante génétique qu'on n'a pas encore identifiée, mais ce sont aussi des gens qui bougent plus», dit-il en soulignant que la qualité de l'alimentation est probablement aussi en cause.

Le poids, un marqueur du style de vie

Bien que leur métabolisme soit à l'abri des complications normalement associées à l'obésité, les individus dits «gros et en santé» subissent d'autres conséquences associées à leur condition. «On dit qu'ils sont en santé, mais ça ne veut pas dire qu'ils sont bien avec leur obésité, qu'ils n'ont pas mal aux genoux ou qu'ils se sentent bien au niveau psychologique», décrit le Dr Rabasa-Lhoret.

C'est d'ailleurs pour ces raisons que Diane Desormeaux a approché l'équipe du Dr Rabasa-Lhoret, il y a quelques mois. Après avoir passé des examens sommaires, on lui apprenait qu'elle faisait partie du groupe des gens obèses et en santé. N'empêche, Mme Desormeaux souhaitait perdre le poids qu'elle avait accumulé depuis le début de sa ménopause. Elle a donc entrepris un programme d'entraînement sous la direction de l'équipe de l'endocrinologue et chercheur.

Ainsi, aux séances d'aquaforme et de Zumba auxquelles elle se prêtait déjà, Diane Desormeaux a ajouté un entraînement en salle de musculation à raison de trois séances par semaine, et ce, pendant quatre mois. «Je voulais vraiment maigrir», dit-elle.

Le résultat? Un kilo en moins sur le pèse-personne. Mais les changements subis par son corps sont allés bien au-delà de ce simple bilan. Selon les résultats de l'équipe du Dr Rabasa-Lhoret, elle aurait en réalité perdu 2 kilos en masse adipeuse, et gagné 1 kilo en masse musculaire.

«Quelqu'un qui n'arrive pas à maigrir, mais qui est très actif ou qui améliore sa qualité alimentaire retire un bénéfice pour sa santé, indique le Dr Rabasa-Lhoret. Plutôt que de toujours pousser les gens à maigrir, on devrait leur expliquer qu'il y a dans la qualité de l'alimentation et l'exercice physique deux choses extrêmement importantes qui peuvent apporter un bénéfice même s'ils n'arrivent pas à maigrir.»

En santé, mais pas pour toujours

Porter l'étiquette de personne obèse et en santé n'est pas un gage de santé perpétuelle. «Un obèse, même en santé, a quand même un risque plus élevé de développer le diabète et les maladies cardiovasculaires que quelqu'un de poids normal», observe Rémi Rabasa-Lhoret.

Qui plus est, on observe une prévalence plus grande de gens «obèses et en santé» chez les personnes âgées de 20 à 34 ans. Près de 50% des obèses de ce groupe d'âge en sont. Ce pourcentage décroit toutefois avec les années, signe qu'une partie des individus gros et en santé franchissent la frontière de l'obésité associée aux complications métaboliques.

C'est que le syndrome métabolique met du temps à s'installer, en effet. C'est l'avis de Paul Boisvert, kinésiologue et coordonnateur de la chaire de recherche sur l'obésité de l'Université Laval. «Ce n'est pas parce qu'ils sont métaboliquement sains qu'ils vont le rester, explique-t-il. On oublie souvent que ça prend du temps avant que le problème se développe.»

Selon lui, pour éviter la voie qui conduit au diabète de type 2 ou aux troubles cardiovasculaires, les gens obèses peuvent faire trois choses. Bien entendu, ils peuvent d'une part faire de l'exercice, et d'autre part améliorer la qualité de leur alimentation. Mais ils peuvent aussi viser à perdre de 5 à 10% de leur poids. «Ça peut avoir un impact important, ajoute-t-il, que ce soit fait indépendamment ou en combinaison avec les deux autres démarches.»