Au Québec, la chirurgie bariatrique est pratiquée depuis une trentaine d'années. «On ne vient pas d'inventer la roue», signale le Dr Simon Biron, chirurgien en chef à la chaire de recherche sur l'obésité de l'Université Laval.

Délicate et risquée, cette intervention qui, en résumant grossièrement, consiste à rétrécir de 75% la partie gauche de l'estomac? Certes. Mais si elle n'accomplit pas de «miracles», elle sauve des vies, s'empresse d'ajouter le chirurgien.

«Les gens ne nous consultent pas pour le plaisir, mais bien parce qu'ils ont tout essayé et ont échoué 10, 20 fois, dans leurs tentatives de perdre du poids. Quand ils arrivent ici, ils regardent le sol, nous demandant s'ils sont admissibles ou pas à l'opération. C'est un dernier recours.»

Cette intervention est une issue salvatrice pour des personnes souffrant d'obésité morbide (avec un indice de masse corporelle supérieur à 35). Ceux qui, après plusieurs mois de préparation - faite de rencontres avec psychologue, nutritionniste, kinésiologue - passent sous le bistouri peuvent retrouver un poids acceptable et le conserver. À condition bien sûr de s'astreindre à un régime alimentaire strict qui se traduit par une perte de poids rapide.

Le patient passe deux heures sur la table d'opération. La chirurgie consiste à faire un travail à la hauteur du tube digestif, de l'embouchure de l'oesophage et de l'estomac. Dans le cadre de la dérivation biliopancréatique, on réduit la portion «extensible» de l'estomac pour donner à cet organe la forme d'un tube.

«On pratique dans des conditions difficiles: la graisse est la pire ennemie du chirurgien, parce qu'elle cache des structures anatomiques», confie le Dr Biron, qui évalue à 92% le taux de succès de la chirurgie bariatrique. «Quand les patients reviennent nous voir, deux ou cinq ans plus tard, c'est pour nous dire qu'ils ont pris la meilleure décision de leur vie.»

En moyenne, la chirurgie bariatrique permet aux patients de s'alléger de 33% à 45%. «Pour certaines personnes qui pesaient 500 livres, ça peut aller jusqu'à 50%.»

En 2011, 450 interventions de la sorte ont été pratiquées. Et on fait la file devant la salle d'opération: 2000 Québécois sont en attente d'une chirurgie.

Après ce «rétrécissement intérieur», c'est une nouvelle vie qui commence. «Les gens opérés doivent faire très attention au sucre. Le régime recommandé est riche en protéines (lait, fromage, oeufs, poulet, poisson, boeuf) et en légumineuses.

Vivre avec nouveau corps

La Dre Sylvie Goulet, psychologue à l'hôpital Royal Victoria, assure le suivi de patients dirigés vers la chirurgie bariatrique et intervient à l'occasion dans des groupes de soutien. «La régulation émotionnelle est une question psychologique importante dans le suivi de ces patients», explique cette psychologue, qui travaille avec une approche cognitive.

Perdre autant de poids si rapidement change les relations interpersonnelles, souligne la Dre Goulet. «Souvent, ces gens deviennent plus indépendants, plus sociaux.» Le soutien psychologique amène aussi les gens à comprendre les situations qui déclenchent des émotions devant être régulées autrement qu'avec des comportements alimentaires néfastes.

«Quand on a été obèse, on sait comment le fait de maigrir peut être un objet de convoitise. Mais qu'est-ce qui arrive quand on arrive à atteindre notre poids idéal? Voilà une question importante.»

Parfois, les choses ne se passent pas comme les patients le souhaitaient.

Jean-Pierre Ménard, avocat en droit de la santé, confirme avoir traité «un certain nombre» de poursuites judiciaires de victimes de complications. «Mais attention: si dans 8% des cas, ça ne se passe pas bien, cela ne signifie pas que 8% des patients poursuivent.»

Les causes de problèmes liés à la chirurgie bariatrique sont diverses. «Dans certains cas, c'est la chirurgie qui a été mal faite. Cela peut aussi être lié à un mauvais choix du patient ou encore à un suivi inadéquat. On rencontre aussi davantage de complications dans le privé, où certains cas sont traités trop rapidement parce que ces cliniques sont mal équipées pour garder un oeil sur les patients.»

Toutes les poursuites sur lesquelles s'est penché Me Ménard se sont réglées avant d'être entendues par un juge. L'avocat met d'ailleurs l'accent sur la notion de «consentement éclairé» auquel doivent absolument adhérer ceux qui se soumettent à une telle procédure.

«Ce n'est pas un traitement magique.»

Prendre encore et encore du poids

Pourquoi certaines personnes, comme Maryse Deraîche, prennent-elles du poids de façon incontrôlée? En 100 millions d'années d'évolution, le corps humain a intégré des mécanismes qui lui ont appris à faire des réserves. En revanche, peu de mécanismes favorisent la perte de poids. Le bagage génétique peut donc s'avérer un handicap pour plusieurs obèses. «Des études sur de vrais jumeaux ont démontré que les facteurs qui peuvent faire gagner ou perdre du poids sont à 50% environnementaux et à 50% génétiques», dit le Dr Simon Biron.