On dort sur ses deux oreilles presque toutes les nuits de la semaine. Mais quand arrive le dimanche soir et que la semaine de travail se pointe à l'horizon, le sommeil fuit et on surveille sans cesse le réveil au fur et à mesure que s'approche l'heure fatidique.

Le problème, parfois appelé «insomnie du dimanche», est probablement très courant, même si son ampleur est difficile à quantifier. Ce trouble du sommeil n'est pas suffisamment grave pour nécessiter une aide médicale, ni suffisamment important pour être étudié par les experts.

En fait, la présidente de l'American Academy of Sleep Medicine, la docteure Nancy Collop, n'en avait jamais entendu parler, même si elle a tout de suite compris de quoi il était question.

«Je ne l'ai jamais vu décrit comme une entité en soi. Mais tout le monde sait ce que c'est, non?»dit la directrice du Centre du sommeil Emory, à Atlanta.

Quelques facteurs expliquent probablement cette insomnie du dimanche soir, affirment les spécialistes.

Le premier, dit la docteure Maureen Ceresney du Programme des troubles du sommeil de l'université de la Colombie-Britannique, est une sorte de «décalage horaire» qu'on s'impose à soi-même. Pendant la semaine de travail, les gens essaient habituellement de respecter un horaire stable, en allant au lit et en se levant à la même heure tous les jours. Mais la fin de semaine, ils pourront se coucher et ensuite se lever plus tard.

De même, s'ils manquent de sommeil pendant la semaine, ils pourront essayer de se rattraper en dormant plus longtemps le week-end.

De telles pratiques dérèglent complètement le rythme circadien, cette horloge interne influencée par l'exposition à la lumière pendant le jour, le moment des repas, l'heure de l'exercice - et le moment du coucher et du lever. Une fois déréglée, l'horloge pourra être incapable de reconnaître que le moment est venu de dormir, le dimanche soir.

«Si vous êtes habitués à un horaire de Toronto pour la semaine mais que vous adoptez l'équivalent d'un horaire de Vancouver pendant la fin de semaine et que vous essayez de vous coucher à votre heure habituelle, votre corps ne sera peut-être pas prêt», explique Mme Ceresney.

Certaines personnes peuvent s'adapter à ces dérèglements plus facilement que d'autres, de la même manière que le décalage horaire nuit plus à certains qu'à d'autres.

Pour ceux qui luttent pour se ré-adapter à l'horaire de la semaine, une certaine constance est probablement très importante, affirme le docteur Nathaniel Watson, du Centre de médecine du sommeil de l'université de Washington, à Seattle.

«Avoir une heure de coucher et de lever constante la semaine et la fin de semaine serait probablement la chose la plus utile pour quelqu'un qui aurait ce problème», a dit M. Watson, qui rappelle aussi l'importance de s'alimenter et de faire de l'exercice au même moment chaque jour.

«Il est très important d'avoir une vie rythmée pour avoir un sommeil de santé (...). C'est quand les gens sont déréglés, quand il n'y a aucun rythme à ces choses, que les problèmes surviennent», ajoute-t-il.

L'anxiété - le fait de s'inquiéter de la semaine à venir en fixant le plafond - contribue probablement aussi au problème. Les experts le disent: le lit ne doit servir qu'au sommeil et à la sexualité - pas à la lecture, pas à la télévision et pas à l'insomnie.

L'inquiétude - puis, ensuite, s'inquiéter que l'inquiétude nous empêche de dormir - peut provoquer un trouble du sommeil appelé insomnie psycho-physiologique. Le lit n'est plus l'endroit où on dort, mais l'endroit où on ne dort pas.

«Les gens qui souffrent d'insomnie psycho-physiologique savent qu'ils vont s'endormir devant la télévision et ils entrent dans la chambre à coucher et ding! Ils sont complètement réveillés, dit le docteur Watson. Nous ne voulons pas que les gens soient allongés sans dormir. Nous voulons que le lit soit associé au sommeil.»

Donc, si vous ne dormez pas, ne restez pas allongé là à vous faire du mauvais sang. «Vous devriez sortir du lit et aller faire quelque chose qui vous détend en attendant d'avoir encore sommeil et d'essayer de retourner au lit», explique le docteur Collop.

Cette activité relaxante variera d'une personne à l'autre, mais on devrait choisir quelque chose d'ennuyant et de répétitif, a conseillé Mme Ceresney.

«Ce qui est difficile avec le sommeil, c'est que ça doit être un procédé passif, dit-elle depuis Vancouver. Plus vous forcez pour essayer de dormir, moins vous serez susceptible de réussir. Si vous n'arrivez pas à dormir, vous ne tirerez pas grand avantage à rester au lit, réveillé et frustré.»

Peu importe l'activité choisie - qu'il s'agisse de lecture, de tricot ou même de l'écoute de musique -, Mme Collop recommande de la pratiquer dans un environnement sombre et d'éviter les écrans de télévision, d'iPad et autres.

M. Watson et elle recommandent aux insomniaques de compiler un journal personnel. L'idée est de mettre de côté un peu de temps avant d'aller au lit, disons 15 ou 30 minutes, pour consigner par écrit les défis et les sources d'inquiétude de la semaine qui vient.

À la fin de la période allouée, on peut ranger le journal - ailleurs que dans sa chambre à coucher - et laisser les problèmes pourrir sur la page plutôt que dans son cerveau.