Difficile, en 2011, d'être encore épaté par un exploit sportif. Surtout la semaine même du retour au Québec de Jean Béliveau, après 11 ans de marche autour du monde. Pourtant, quand on prend le temps de regarder de près, on réalise que certaines personnes réussissent encore à trouver des idées totalement hors champ, spectaculaires, comme celles de la marathonienne Lysanne Goyer.

Psychologue de formation - elle a fait son postdoc à Harvard - mère de trois enfants, joggeuse depuis huit ans, Lysanne Goyer a décidé d'aller courir un marathon au pied de l'Everest.

Au point de départ, à plus de 5184 m d'altitude - soit au moins 300 m plus haut que le célèbre mont Blanc en France -, il y aura 11% d'oxygène dans l'air.

Pas besoin de vous dire que le chrono qu'elle y fera ne l'aidera pas à se qualifier, une fois de plus, pour le marathon de Boston. Peu importe.

«Oui, je veux le terminer, mais juste être capable de partir sera un défi énorme», explique-t-elle en entrevue. Il lui faudra passer par-dessus le mal de l'altitude, les troubles intestinaux qui affectent fréquemment les voyageurs dans ce coin de pays et la fatigue. Celle de la randonnée pour se rendre au point de départ, de l'acclimatation et ce manque de sommeil inévitable quand on fait trois semaines de camping avant de partir...

Les meilleurs coureurs, des sherpas essentiellement, réussissent à faire le marathon en quatre heures. Elle pense à une épopée de huit heures. Peut-être. «Mais je n'ai aucune référence. Ce que je veux surtout, c'est être au départ!»

Lysanne, qui a comme coach professionnel Dorys Langlois (un grand marathonien bien connu des fous de la course à Montréal), a parcouru plusieurs fois la distance mythique dans sa vie. Chicago à deux occasions, New York, Boston aussi, un parcours réservé aux meilleurs, pour lequel il faut se qualifier. Faire une autre fois 42,2 km lui semblait un projet louable, mais pas suffisant. «Je voulais faire une course qui ne soit pas juste pour moi, dit-elle. Je voulais que ce soit plus.»

Pendant que d'autres comparaient les vertus des marathons de Venise, Philadelphie ou Stockholm, elle s'est mise à la recherche d'un projet fou. Un projet qui l'aiderait à amasser de l'argent, pour la fondation Enfants en coeur à Montréal et aussi, a-t-elle ajouté ensuite, la fondation Sir Edmund Hillary pour les enfants népalais. Mais un projet qui servirait en plus de rampe de lancement pour attirer l'attention sur une cause: la nécessité d'aider nos enfants à profiter d'une meilleure santé que la nôtre.

C'est ainsi qu'est venue l'idée du marathon de l'Everest, le plus haut du monde, qui, à sa connaissance, n'a pas encore été couru par un Québécois.

Aujourd'hui, Salomon et La Cordée la commanditent. Le comédien Vincent Graton, l'animatrice France Beaudoin et le joueur de hockey Mathieu Darche ont décidé de donner leur appui officiel à son initiative. «Courir un marathon, c'est déjà très impressionnant, mais le marathon de l'Everest, c'est phénoménal, explique Mathieu Darche. Quoi de mieux qu'un événement aussi grandiose pour faire passer un message à tous sur la santé?»

Parce que Lysanne a quelque chose à dire: il faut agir maintenant pour que nos enfants ne développent pas les mêmes mauvaises habitudes de vie que nous. Et ne retrouvent pas avec les mêmes maladies.

Une psy sur la route

La course a lieu le 2 décembre, mais se rendre jusque-là sera en soi toute une épreuve. La super joggeuse quittera Montréal le 12 novembre, pour aller d'abord à Katmandou, puis à Lukla... Le départ est à Gorak Shep, à 5184 m donc. L'arrivée est à Namche Bazaar à 3446m d'altitude. Toutefois, le parcours n'est pas qu'une vaste descente. Il y a quand même quelques importantes grimpées. D'ailleurs, les participants, qui sont triés sur le volet, doivent démontrer leurs connaissances en randonnée en montagne avant d'être acceptés. Lysanne croit que c'est le marathon qu'elle a couru sur la muraille de Chine, en 2008, qui a convaincu le comité de sélection.

En plus de beaucoup s'entraîner, en ajoutant à la course la marche en montagne, Lysanne cherche à attirer l'attention sur son projet, surtout du côté des écoles. «J'aime dire aux enfants que je ne suis pas spéciale», dit-elle. Jamais première de classe. Jamais la meilleure dans rien. Pas la fille qui aurait dû être aux Olympiques. Juste une personne super déterminée qui a avancé par petits pas...

Psy spécialisée dans l'intervention en santé et en prévention, Lysanne a des idées très pratico-pratiques pour lier son projet à des actions concrètes dans les écoles, embrassées notamment par l'académie Saint-Clément à Mont-Royal.

Mais elle espère que son message ira plus loin et secouera de façon générale les clichés actuels sur la sédentarité et la santé.

D'une part, elle veut que l'on comprenne que chercher la forme et la santé n'a pas à être ennuyeux et qu'on peut tous faire des pas avec elle, avoir nos petits Everest à nous. Et d'autre part, tous ces efforts ne peuvent être détachés de notre forme dans notre tête. Cette psychologue est de ceux qui croient que si on veut aider jeunes et adultes à changer réellement leurs modes de vie pour éviter les écueils de notre époque - hypertension, cholestérol, diabète, etc. -, c'est le bonheur, pratiquement, qu'il faut réinventer ou apprendre à chercher ailleurs. «Moi, je veux qu'on me parle de nos petits plaisirs du jour», explique-t-elle. La psychologie doit être au coeur de la santé, dit-elle, une conviction qu'elle a d'ailleurs mise en oeuvre dans le cadre d'un programme de recherche en prévention cardio-vasculaire à l'Institut de recherches cliniques de Montréal.

Bien manger, bouger et prévenir les maladies, ce n'est pas quelque chose que l'on impose, hors contexte, croit-elle.

Encore faut-il que cela nous aide à être un peu plus heureux.

Fondation Enfants en coeur: www.fondationencoeur.com

Fondation Sir Edmund Hillary: www.thesiredmundhillaryfoundation.ca