Lilly se rappelle l'immense fatigue ressentie après son passage sur la table d'opération pour sa chirurgie bariatrique. Pourtant, elle n'est jamais passée sous le bistouri. Son opération a été complètement hallucinée sous hypnose. Onze jours plus tard, elle avait perdu cinq livres. «Je ressens vraiment que mon estomac est réduit de moitié. Je suis stupéfaite.» Trop beau pour être vrai ?

Depuis quelques mois, l'hypnologue montréalais Gabriel Politis propose à ses clients, comme Lilly, la pose d'un anneau gastrique hallucinée sous hypnose. Il dit être le premier à utiliser la méthode au Québec. L'hypnogastroplastie ajustable, ou «Gastric Mind Band», a été mis au point en 2008 par des hypnologues britanniques dans leur clinique d'Espagne. Le «traitement», offert dans une quinzaine de pays, est une réussite chez 80 % des clients, soutiennent ceux qui en font la promotion.

La proposition est d'autant plus alléchante que la chirurgie bariatrique est une technique lourde, réservée en cas d'obésité morbide. Actuellement, 6000 personnes sont sur la liste d'attente au Québec. Pour obtenir un premier rendez-vous, il faut attendre de six à huit mois. L'attente pour une chirurgie peut aller jusqu'à quatre ans.

«Cette chirurgie est maintenant bien connue du public et, quand elle fonctionne bien, elle a des résultats spectaculaires. On peut désormais l'offrir à tous en la rendant virtuelle», indique en entrevue Gabriel Politis. L'hypnologue réserve ses services aux personnes obèses «très motivées». Les femmes qui souhaitent perdre quelques livres pour entrer dans leur maillot de bain sont refusées. «Leurs attentes seraient irraisonnables.»

L'opération hallucinée n'est cependant pas à la portée de toutes les bourses. Elle fait partie intégrante du programme «Maigrir sans régime» de l'Institut d'hypnose appliquée de Montréal (IHAM) offert au coût de 2000 $ pour trois séances d'une demi-journée ou 3000 $ pour 21 rencontres de 60 minutes, payable en entier avant la première séance.

Se faire opérer sans être charcuté ? L'image est frappante. «Il vous sera bien plus difficile de vous empiffrer par dépit, frustration ou ennui si les aliments ne passent simplement pas, si l'idée d'avaler une bouchée de plus vous lève le coeur parce que vous avez la sensation d'être déjà «gavé»», promet Gabriel Politis sur son site web. Le témoignage-choc de Lilly laisse d'ailleurs croire à des résultats sensationnels.

En entrevue, Gabriel Politis avoue mettre l'accent sur l'anneau gastrique pour attirer l'attention. «Je ne peux me prononcer sur l'efficacité de la technique puisque c'est nouveau pour moi. Mes collègues sont surtout contents de l'effet commercial. Tant mieux si ça m'apporte quelques clients de plus», dit celui qui a conçu et participé à l'émission Sexe et hypnose diffusée au printemps sur la chaîne érotique Vanessa. Des sujets hypnotisés y vivaient leurs fantasmes sexuels à la caméra.

«L'hypnogastroplastie n'est pas une baguette magique et j'en avise mes clients, souligne M.Politis. C'est un outil complémentaire utilisé après quelques séances. C'est une béquille, ça ne règle pas le problème lié à la nourriture. J'apprends à mes clients à être à l'écoute de signaux de faim et de satiété.» Ça ne l'empêchera pas de tester sous peu l'opération hallucinée comme unique outil d'amaigrissement. «Certains clients n'ont pas besoin de se faire prendre la main.»

Les experts se prononcent

Maigrir grâce à l'hypnose n'est pas aussi farfelu qu'il n'y paraît. Les experts misent néanmoins sur la prudence. «Il y a trop peu d'études pour en tirer des leçons définitives sur le plan de l'efficacité clinique, indique le chercheur en neuropsychologie Pierre Rainville, professeur à la Faculté de médecine dentaire de l'Université de Montréal. Quelques études suggèrent néanmoins que cette approche pourrait améliorer l'efficacité des thérapies cognitives comportementales pour le contrôle alimentaire.»

Que penser de l'opération hallucinée ? Selon le psychologue Denis Houde, aussi hypnothérapeute, «l'hallucination en hypnose n'est pas à la portée de tous les sujets. Il faut être un virtuose, c'est-à-dire être un excellent sujet hypnotique pour arriver à vivre une hallucination.» À peine 10% de la population serait en mesure d'y arriver.

Depuis plusieurs années, Jean Marc Benhaiem, médecin-hypnothérapeute de réputation internationale, suggère à ses patients d'imaginer une pince qui serre l'oesophage. «Des personnes ressentent la pression de l'anneau durant la séance et certaines arrivent à conserver cette sensation. Chez plusieurs, cette sensation s'estompe. Ça fonctionne très bien chez 15 à 20% pas plus. C'est malhonnête de prétendre que ça marche dans 80% des cas.»

Pour favoriser la perte de poids par hypnose, il est préférable de varier les imageries. Le docteur Isabelle Marc, professeur adjoint au département de pédiatrie de l'Université Laval, s'est intéressé aux femmes enceintes obèses. La chercheuse a utilisé l'hypnose comme un motivateur de changements positifs sur les habitudes de vie. «On leur proposait de regarder, sentir, goûter un fruit ou un légume et d'y associer une sensation positive. On leur proposait de se visualiser en train de faire leur marché. « Les résultats ne sont pas encore analysés, mais certaines femmes ont depuis modifié leurs habitudes. «Est-ce en raison de l'hypnose? On ne sait pas.» L'hypnose est un outil complémentaire à considérer dans un cadre thérapeutique plus large, dit-elle. «Si on veut un effet à long terme, l'hypnose ne suffit pas.»

Les experts sont unanimes, l'hypnothérapeute doit être un professionnel de la santé, comme un médecin, un dentiste ou un psychologue. Les comportements alimentaires sont complexes. « Le professionnel pourra faire une bonne évaluation au départ et sera capable d'aider un patient selon ses besoins. Par exemple, certains cas d'obésité morbide sont liés à des traumatismes sexuels dans l'enfance, indique le psychologue Denis Houde. Si l'intervenant n'est pas bien formé, ça peut représenter un danger. Malheureusement, l'hypnose n'est pas réglementée et l'obésité, c'est un important marché. «