Les femmes exposées dans le ventre de leur mère au Distilbène, premier oestrogène de synthèse utilisé dès 1940, souffrent de nombreux problèmes de reproduction et sont soumises à un net accroissement du risque de certains cancers, selon une vaste étude publiée mercredi.

Les résultats de cette analyse effectuée entre autres par des chercheurs de l'Institut national américain du cancer (NCI) sur le diéthylstilbestrol ou DES --prescrit en France sous les marques Distilbène ou Stilboestrol-Borne-- sont publiés dans le New England Journal of Medicine (NEJM) daté du 6 octobre.

Selon les auteurs de l'étude portant sur plus de 6500 femmes -- 4600 exposées au Distilbène et 1900 non exposées -- suivies à partir de 1992, les filles des mères traitées avec cette hormone pour éviter certaines complications lors de leur grossesse ont un plus grand risque d'être affectées par douze maladies et autres problèmes médicaux.

La probabilité chez ces femmes de souffrir d'infertilité est deux fois plus grande, le risque d'accoucher prématurément est quintuplé et celui d'avoir un enfant mort-né est multiplié par huit comparativement à celles n'ayant pas été exposées à l'hormone de synthèse dans le ventre de leur mère.

Ces femmes courent également un risque 40 fois plus grand de développer une forme peu courante de cancer du vagin appelé adénocarcinome à cellules claires, précisent les chercheurs.

Ce cancer reste néanmoins rare avec un cas sur mille chez ces femmes exposées au DES. Les auteurs de l'étude soulignent toutefois que le risque de développer cette maladie subsiste jusqu'à au moins 40 ans.

De plus ces femmes exposées au stade foetal au Distilbène ont deux fois plus de chances de développer des cellules précancéreuses dans le col de l'utérus ou du vagin et un risque accru de 80 % d'avoir un cancer du sein après 40 ans.

L'analyse des données indique qu'à 55 ans, une de ces femmes exposées à l'hormone sur 25 développera des changements cellulaires anormaux dans le cervix ou le vagin et une sur 50 souffrira d'un cancer du sein.

Cette recherche n'a pas étudié l'effet du Distilbène sur les garçons exposés au stade foetal. Mais de précédentes études ont indiqué un accroissement du risque de certaines anomalies des testicules.

Dans les années 50, des recherches cliniques avaient révélé que le DES était inefficace pour traiter des complications de la grossesse.

À la fin des années 60, les médecins ont observé l'apparition inhabituelle d'adénocarcinome à cellules claires parmi les jeunes femmes, par la suite liée à une exposition du foetus au DES.

En 1971, l'Agence américaine des médicaments a demandé aux médecins de ne plus prescrire le DES aux femmes enceintes.

Mais il est estimé que de cinq à dix millions de femmes et de foetus avaient déjà été exposés à cette hormone synthétique fabriquée sous différents noms de produits. Le DES se présentait aussi sous différentes formes dont des comprimés, des crèmes et des suppositoires vaginaux.

En France, le Distilbène a été prescrit entre 1950 et 1977 aux femmes enceintes pour prévenir les fausses couches, les risques de prématurité et traiter les hémorragies de la grossesse. En 1977, le fabricant du Distilbène, UCB Pharma, a décidé de rendre publique sa contre-indication aux femmes enceintes en France.

Plusieurs procès ont déjà eu lieu dans ce dossier.