La patiente est tranquillement assise alors que le médecin lui enserre le bras d'un tensiomètre pour mesurer sa pression artérielle, le gonfle puis laisse doucement s'échapper l'air tout en écoutant avec son stéthoscope le bruit du sang qui retourne dans l'artère.

En raison de l'âge et du style de vie de la patiente, le médecin est surpris par le résultat - 165/90, beaucoup plus élevé que ce à quoi il s'attendait.

Il appert que la femme souffre du «syndrome de la blouse blanche», une hypertension «circonstancielle» ou «réactionnelle» causée par l'anxiété, qui affecte de 20 à 25 pour cent des patients chez qui on mesure une pression artérielle trop élevée. Pour ces individus, le seul fait de se trouver dans le cabinet d'un médecin ou un centre de soins déclenche une anxiété qui pousse la pression artérielle à la hausse, même si celle-ci peut être normale dans la vie de tous les jours.

«Cela ne signifie pas qu'un patient ou une personne est constamment anxieux», affirme le docteur Martin Myers, cardiologue au Synnybrook Health Sciences Centre à Toronto.

Cette hausse de la tension artérielle causée par l'anxiété peut survenir chez les hommes comme chez les femmes, jeunes et vieux, mais est plus répandue chez les femmes plus âgées, explique le Dr Myers. La réaction touche principalement la pression systolique (le premier nombre), le faisant généralement augmenter de 10 à 20 points.

Le Dr Myers affirme qu'il a constaté des changements dramatiques dans la pression artérielle qui étaient entièrement dus au «sarrau blanc». Le record parmi ses patients est détenu par une femme de 84 ans dont la pression systolique a atteint la stratosphère lorsqu'il était dans la pièce au moment de la mesure.

«Et en moins d'une minute après ma sortie de la pièce, la tension artérielle est tombée de 100 points!», a-t-il lancé.

Malgré tout, ce n'est pas toujours la peur des médecins qui cause une hausse de la pression artérielle. Certaines mesures élevées peuvent être obtenues lorsque la personne appliquant la procédure utilise une technique «non optimale», explique le Dr Myers.

«Par exemple, si le médecin ou l'infirmière parlent lorsque la pression artérielle est mesurée ou si le patient est autorisé à parler, les mesures tendent à être plus élevées que si le patient est immobile et que personne ne parle.»

Si on ne reconnaît par le syndrome de la blouse blanche, on risque de poser un diagnostic faux, et de prescrire un traitement superflu contre l'hypertension.

Pour surmonter la peur chez les patients vulnérables, le Dr Myers suggère que les médecins utilisent des appareils automatiques qui prennent des mesures répétées au cours d'une période de cinq minutes, tandis que le patient est tranquillement assis dans une pièce, sans médecin ni personnel médical.

Le Dr Myers emploie lui-même un tel appareil.

Dans une étude de deux ans publiée le mois dernier dans le British Medical Journal, le Dr Myers et des collègues de Montréal et de Saint-Jean, à Terre-Neuve, ont comparé des prises de pression artérielle automatiques et manuelles, avec une différence moyenne marquée entre les deux pour la pression systolique.

S'assurer de mesurer la bonne pression est donc primordiale pour offrir un diagnostic juste et un traitement efficace.

À l'inverse, une telle procédure automatique pourrait permettre d'identifier les huit à 10 pour cent de patients qui sont trop détendus lors d'un test manuel, ce qui donne des mesures plus basses que la réalité.

Connues sous le nom d'hypertension masquée, ces mesures erronées peuvent signifier qu'un patient est mal diagnostiqué et traité, ce qui fait augmenter ses risques de crise cardiaque et d'accident vasculaire cérébral.

Le Dr Myers a indiqué qu'on compte environ 10 000 appareils de prise automatique de tension artérielle dans les hôpitaux, cliniques et cabinets de médecins au Canada, et qu'Hypertension Canada a approuvé leur utilisation, l'an dernier, en tant que mesure alternative à la méthode standard.