Des Oscars aux Jutra, en passant par la première du spectacle de Céline Dion à Las Vegas, les célébrités occupent une place importante non seulement dans l'espace public, mais aussi dans l'espace privé. L'identification à des vedettes se produit de plus en plus tôt dans la vie des jeunes. Question de psychologie: est-ce que cela pose problème?

Identification

L'influence de l'identification à des vedettes ou à des personnages n'est plus à démontrer. Pour l'enfant et pour l'adolescent, il est dans l'ordre des choses de rechercher des modèles auxquels s'identifier, à partir desquels construire sa propre identité. Ce n'est pas le processus d'identification comme tel qui a changé. C'est l'accès à des modèles plus ou moins fictifs, loin de sa propre réalité et avec lesquels une relation interpersonnelle est quasi impossible. La petite fille ne joue plus à la madame pour imiter sa mère ou sa voisine. Elle joue à la chanteuse pour imiter Britney Spears. Le petit garçon ne se contente pas d'imiter son père ou le policier. Il veut ressembler à Sidney Crosby. Cela permet de voir plus grand et plus loin et peut inspirer certains à développer leurs talents. Mais cela peut aussi créer un fossé entre soi et l'autre à qui on cherche à ressembler.

La dynamique par laquelle un modèle peut nous aider à apprendre et à nous développer est bien connue. Il faut que le modèle soit attirant, qu'on le valorise, qu'il soit apprécié et aimé, mais il faut aussi qu'il soit atteignable. La détresse ressentie par certains jeunes pourrait bien être le résultat d'une recherche d'identification à un autre qu'ils ne connaissent que dans ses atouts glorieux, ce qui les laisse seuls avec leurs propres failles et leur impuissance à se rapprocher de cet idéal. La solution n'est sûrement pas de les priver de ces modèles, mais plutôt de permettre que, dans leur réalité, ils aient l'occasion de côtoyer des personnes plus accessibles, qui les inspirent, à qui ils souhaitent et peuvent ressembler.

Image publique

Les célébrités, les galas, les vidéos diffusées sur YouTube nous permettent un accès au magnifique et à l'extraordinaire. Cela a des effets bénéfiques, ne serait-ce que de donner l'occasion d'être ensemble pour admirer, rêver, critiquer, se réjouir ou avoir de la peine. Partager une admiration commune, c'est déjà être moins seul. Avoir le sentiment qu'il faut provoquer une telle admiration pour être aimé, que le nombre de personnes qui nous connaissent est un gage de valeur personnelle, qu'il faut une image publique pour exister comme personne, voilà ce qui pose problème. Lorsque l'identification aux vedettes ne s'arrête pas à les imiter dans le choix des vêtements, mais pousse à adopter des comportements autodestructeurs, comme la consommation de drogue et d'alcool, lorsque le besoin de transformer son corps pour devenir l'autre entraîne des troubles alimentaires, oui, il y a là un problème.

La caméra n'a pas le pouvoir de nous donner une identité réelle. Compter sur une présence médiatique ou virtuelle pour définir son identité, c'est miser sur la coquille et risquer que l'oeuf ne se développe pas. Or, c'est ce que vit la personne, intérieurement et extérieurement, qui constitue sa véritable identité. Ce sont les relations qu'elle construit dans son environnement qui lui donnent l'amour dont elle a besoin pour se définir positivement. Les célébrités peuvent alors l'inspirer à devenir davantage ce qu'elle est et non à se nier pour devenir une image, un personnage plutôt qu'une personne.

Rose-Marie Charest est présidente de l'Ordre des psychologues du Québec. Vous pouvez lui faire part de vos commentaires ou suggérer des thèmes de chroniques à vivre@lapresse.ca