Du jus pour stimuler le cerveau. De la margarine anticholestérol. Des biscuits pour renforcer le système immunitaire. Les aliments fonctionnels - dont la consommation est censée améliorer la santé - se multiplient. Un boom est à prévoir: Ottawa vient d'annoncer que le processus d'approbation des allégations santé allait être plus rapide. Aliments miracles ou promesses exagérées?

Quatre milliards de dollars en ventes de yogourts probiotiques, jus enrichis de zinc et capsules d'oméga-3. Quatre milliards, ce sont les revenus annuels des entreprises du secteur des aliments fonctionnels et des produits de santé naturels au Canada (Statistique Canada, 2007).

On n'a rien vu encore. «Le marché des aliments fonctionnels, qui ont des effets positifs sur la santé, pourrait croître de 3 à 12 milliards supplémentaires par an», a dit à La Presse Derek Nighbor, vice-président de Produits alimentaires et de consommation du Canada, une association de fabricants.

Ce boom est imminent. Jean-Pierre Blackburn, ministre d'État à l'Agriculture, a lancé lundi un plan d'action pour «développer le secteur canadien de la transformation des aliments». Au menu: des mesures pour accélérer l'examen des nouveaux aliments et des allégations en matière de santé.

«Des aliments fonctionnels, il y en aura de plus en plus, confirme Marie-Josée Leblanc, nutritionniste d'Extenso, centre de référence en nutrition de l'Université de Montréal. Et il y aura toujours du bon et du moins bon.»

Rêve ou réalité?

Ces aliments améliorent-ils vraiment notre santé? «Il y a des choses démontrées, d'autres qui sont intéressantes et prometteuses, d'autres encore qui sont folkloriques», répond Benoît Lamarche, directeur de l'Institut des nutraceutiques et aliments fonctionnels de l'Université Laval.

L'effet des probiotiques - notamment ceux que l'on ajoute aux yogourts - sur la santé intestinale «est assez convaincant et a un avenir prometteur», indique-t-il. Par contre, rien ne prouve à 100% que les probiotiques stimulent vraiment le système immunitaire, dit-il. En revanche, les bienfaits des oméga-3 ont été démontrés scientifiquement. Même chose pour les vertus anticholestérol des stérols végétaux (voir autre texte).

M. Lamarche achète-t-il ces aliments fonctionnels pour sa famille? «Pas beaucoup, admet-il. On préconise l'équilibre alimentaire. Je prends mes oméga-3 en mangeant du poisson et mon calcium dans les produits laitiers.» Mais si quelqu'un a un taux de cholestérol élevé, est intolérant aux produits laitiers, dédaigne le poisson ou craint un dérangement intestinal en voyage, ces aliments enrichis sont les bienvenus.

Nancy Lantagne, de Blainville, mère de trois enfants, achète régulièrement des aliments fonctionnels. «On achète du yogourt probiotique et du jus enrichi de calcium parce que mon fils de 7 ans n'aime pas beaucoup de lait, explique-t-elle. On est de plus en plus conscients de l'importance de bien manger.» Son aliment de rêve? «Un produit anti-rhume de bébé!» dit-elle en riant.

Émélie-Anne Desjardins, de Dorval, se dit quant à elle «indifférente aux produits magiques». Un biscuit «peut contenir du thé vert et en avoir les vertus, mais les quantités de sucre et de gras qu'il contient peuvent être nocives quand même», souligne-t-elle.

Réglementation plus stricte en Europe

Ce scepticisme se répand en France, où le secteur des aliments fonctionnels - beaucoup plus important qu'ici - a reculé pour la première fois de son histoire en 2009, selon une étude du cabinet Xerfi citée par le quotidien 20 Minutes. La réglementation européenne s'est resserrée, si bien que Danone a dû retirer temporairement toute allégation sur ses produits Activia et Actimel (appelé DanActive ici).

«Danone demeure fermement engagée à investir dans la science des probiotiques et à faire valider leurs bienfaits dans le cadre de nouvelles études rigoureuses», assure Anne-Julie Maltais, chef des communications externes de Danone Canada.

Le problème ne se pose pas ici, où Danone est plus sobre. En France, l'entreprise affirmait qu'Activia aidait «à réguler le transit dès 15 jours». Au Canada, elle dit que ses probiotiques «contribuent à la santé de la flore intestinale», ce qui est approuvé par Santé Canada.

La situation pourrait changer puisque l'industrie demande à Ottawa d'harmoniser ses règles avec celles des États-Unis, plus permissives, s'inquiète François Décary-Gilardeau, analyste agroalimentaire à Option consommateurs. «Ça a pourtant un effet inverse à ce qui est recherché, dit-il. Aux États-Unis, il y a tellement d'allégations que plus personne n'y croit.»