Décidément, la tendance se confirme: spa nordique rime de moins en moins avec campagne, nature et, surtout, kilométrage. De plus en plus d'établissements offrent tous les bienfaits des bains scandinaves en plein coeur de Montréal. Le tout dernier en date ouvre d'ailleurs aujourd'hui même: le Bota Bota, dans le Vieux-Port.

Après, entre autres, Scandinave Les Bains, dans le Vieux-Montréal, le Strom, spa nordique à L'Île-des-Soeurs, le SkySpa, dans le quartier Dix30 et le Spa Escale Santé, dans Rosemont, voilà que le Bota Bota fête en grand son ouverture ce soir (NB: la fête d'ouverture n'est pas ouverte au grand public, et le spa ne sera d'ailleurs pas ouvert les mercredis).

Pas de doute, la tendance est aux soins corporels et au bien-être. Mais pourquoi un énième spa dans la métropole? En fait, le Bota Bota n'a pas grand-chose à voir avec les autres établissements du genre. Car il s'agit ici d'une expérience aquatique au sens propre: le spa est sur l'eau, littéralement. Dans un bateau, en fait. Traversier dans une autre vie (entre Sorel et Saint-Ignace-de-Loyola), puis bateau-théâtre d'été (L'escale), le Bota Bota a été entièrement transformé par l'architecte Jean Pelland, de Sid Lee Architecture (voir autre texte).

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

«Nous cherchions un nouvel endroit pour établir un spa à Montréal, quelque chose qui soit sur l'eau. Au tout début de nos recherches, nous sommes tombés sur ce bateau à vendre, à Saint-Marc-sur-Richelieu. Nous avons sauté sur l'occasion», raconte Nathalie Émond, copropriétaire avec sa soeur, Geneviève Émond, rencontrées cette semaine pour une tournée des lieux.

Il faut dire que les deux soeurs connaissent déjà bien l'univers du spa. C'est leur père qui a fondé, avec leur troisième soeur, le spa Balnéa, à Bromont. «On est dans les spas depuis qu'on est toutes petites, dit la copropriétaire en riant. Mais cette aventure est très différente.»

Et comment. Le bateau, construit en 1951 (dont il ne reste que la coque d'origine, la cale, transformée en vestiaires, et le pont principal), compte pas moins de cinq étages, deux bains à remous extérieurs (avec, au choix, une vue sur le club privé 357C de Daniel Langlois ou, par beau temps, une vue à 180°, du silo no 5 à la Biosphère), deux bains froids (un intérieur, un extérieur), un sauna (vue sur le fleuve), un bain de vapeur, une dizaine de salles de soins, plusieurs aires de repos (dont la salle des hublots, aux canapés-hublots géants), une salle de yoga et, tout à l'avant (ou est-ce l'arrière? Dur à dire, puisqu'il s'agit d'un traversier!), le Bota Chic - un salon de cocktails, soins des mains et des pieds.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Avec ses 678 hublots, le Bota Bota se veut d'ailleurs le plus gros bateau-spa du genre du monde. «C'est une première mondiale, affirme Geneviève Émond, sans masquer son enthousiasme. Un bateau de cette taille, avec un circuit d'eau, ailleurs, ça n'existe pas.»

On aime

>La vue, franchement imprenable. D'un côté: le silo no 5, Habitat 67. De l'autre: le Vieux-Montréal. Dur à battre.

>Les aires de détente, notamment la salle des hublots. Il y a un je-ne-sais-quoi de trippant dans le fait de se glisser, en peignoir, dans un hublot, pour contempler Habitat 67.

>Les soins du corps, notamment le «voyage tribal», avec exfoliation aux grains de café mexicain, et massage au monoï tahitien (quoiqu'on oublie, le temps du soin, qu'on est sur un bateau, tellement le Bota Bota est stable).

>Le design aéré, très léché, qui laisse toute la place au fleuve, que l'on peut admirer de partout.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Le spa Bota Bota a notamment remporté le prix du projet de l'année.

On aime moins

>Les forfaits à l'heure pour les bains: 45$ pour deux heures, 60$ pour trois heures, 75$ pour plus de trois heures. On aurait préféré un tarif à la journée, plus économique, comme il est d'usage dans la plupart des établissements du genre.

>La taille des vestiaires: comme souvent dans les spas, on se sent ici un brin à l'étroit. Les cases sont aussi vraiment petites. Laissez votre manteau long à la maison, disons...

>Lors d'un soin, vous aurez sans doute l'impression que quelqu'un entre dans votre salle, d'un coup, à l'improviste. Heureusement, l'esthéticienne aura tôt fait de vous rassurer: ce n'est que le bruit de pas des clients, à l'étage. N'empêche, c'est un poil stressant.

>Le vent sur les ponts! Attachez votre tuque cet hiver. Vous trouvez qu'il fait froid sur les quais? Imaginez en bikini...

«Délire architectural»

Jean Pelland le reconnaît: «Peut-être que notre enthousiasme frôlait l'inconscience.»

Il faut dire que le concepteur du projet, architecte associé principal chez Sid Lee Architecture, ne connaissait rien de rien aux bateaux avant de travailler sur le Bota Bota, nouveau spa sur l'eau du Vieux-Port de Montréal. «Mais j'aime ce genre de délire, c'est stimulant pour un architecte», dit-il.

C'est évident, Jean Pelland apprécie les «propositions qui ne sont pas dans le champ normal des architectes». Comme transformer un traversier «qui ressemblait à une boîte de conserve» en chic spa urbain, par exemple...

Du coup, il a dû «élargir son champ de connaissances», plancher sur les questions d'équilibre physique, chercher de l'aide auprès d'un architecte naval et surtout, surtout, trouver le moyen de maximiser un espace somme toute plutôt restreint (en construisant deux étages supérieurs, notamment).

Les complexités mécaniques et architecturales ont été telles qu'il a fallu retarder l'ouverture de plusieurs mois. «Beaucoup d'éléments ont été inventés de toutes pièces, dit-il, faisant référence aux hublots ou encore aux bains à remous (fabriqués sur mesure par une entreprise de fuselage d'avions). Nous n'avions pas de références, en fait. Il n'existe aucun point de référence!»

L'architecte se doute bien qu'il y aura, avec le temps et les commentaires des clients, plusieurs ajustements à faire. «À mesure. Parce que, au début, il y a trop de paramètres à gérer!»