Variations génétiques, imagerie cérébrale : les spécialistes en alcoologie entendent bien profiter des progrès scientifiques pour avancer vers un traitement personnalisé de la dépendance à l'alcool, un peu comme c'est déjà le cas pour le cancer.

«On assiste à une fantastique ébullition de la recherche», a constaté mardi devant la presse Michel Reynaud, président du 15e congrès mondial de recherche en alcoologie qui se tient de lundi à jeudi à Paris.

Il s'agit notamment de repérer les différents types de relations à l'alcool, pour traiter les patients avec des médicaments de mieux en mieux ciblés.

«Il n'y aura pas de gène de l'alcool comme il n'y aura pas de médicament miracle de l'alcoolisme», a toutefois clairement mis en garde le Pr Reynaud.

L'objectif, a expliqué Karl Mann, président de l'Isbra (International Society for Biomedical Research on Alcoholism), est de donner «le bon médicament», celui dont le mécanisme d'action est adapté au profil du patient, pour «augmenter les chances d'avoir des résultats». Même si le médicament n'est qu'un élément de la prise en charge.

Un des moyens de repérage est la génétique. La recherche a ainsi montré que certaines caractéristiques génétiques induisent une meilleure réponse à un des deux principaux médicaments aujourd'hui utilisés, le naltrexone (nom commercial: ReVia). D'autres variations génétiques pourraient caractériser les malades qui répondent mieux à l'acamprosate (Aotal).

L'imagerie cérébrale peut aussi fournir des informations sur le fonctionnement du cerveau. Par exemple, on montre des photos de boissons alcoolisées et on observe comment réagit le cerveau du patient.

Le problème, ont souligné les spécialistes, est qu'il s'agit de techniques relativement coûteuses, et que la représentation sociale de l'alcoolisme -encore difficilement considéré comme une maladie- est un frein à leur utilisation, en dehors de la recherche.

«Ces patients ne sont pas traités avec le même intérêt que les malades cancéreux. Il y a des freins sociaux qui font qu'on ne peut pas utiliser tout ce qui serait possible», a regretté le Pr Reynaud.

Une des pistes serait de développer des moyens de repérage «plus simples», par exemple par le biais de questionnaires, a suggéré le Pr Mann. On a ainsi pu montré que les malades qui rechutent dans des conditions festives répondent mieux au naltrexone que ceux qui ont tendance à être déprimés, mal dans leur tête.

De nouvelles molécules sont «dans les tuyaux», comme le nalméfène, qui cible plus particulièrement les nouveaux modes de consommation excessive d'alcool, avec l'objectif de ramener les patients à une consommation contrôlée.

Un essai clinique à l'échelle européenne est en cours, dont les résultats sont attendus pour 2011.

Les propriétés de «vieux médicaments», utilisés dans des indications différentes que l'alcoolo-dépendance, sont également explorées: le baclofène (prescrit en neurologie) ou le topiramate (antiépileptique).

Des recherches empiriques ont montré une certaine efficacité, mais les médecins manquent de preuves scientifiques. «Un projet d'évaluation du baclofène en France a du mal à démarrer», a indiqué le Pr Reynaud.

En tout état de cause, «il est hors de question d'abandonner la stratégie psychothérapeutique et l'accompagnement social» de la personne dépendante au profit du seul traitement médicamenteux, a martelé le Pr Reynaud.