Quand le sida se déclare chez un sexagénaire, les symptômes se mélangent souvent avec ceux de la vieillesse. Le patient est souvent gêné de faire part de sa vie sexuelle ou de son utilisation de drogues injectables à son médecin, et ce dernier n'associe pas ces comportements à des problèmes du troisième âge. Résultat: la maladie est diagnostiquée trop tard et les traitements fonctionnent moins bien.

«On se rend compte qu'il y a un problème de diagnostic chez les plus de 55 ans», explique Bertrand Lebouché, chercheur à l'Université Laval, qui a présenté hier ses travaux sur «l'épidémie invisible» de VIH chez les personnes âgées au congrès mondial sur le sida à Vienne. «Ils ne sont généralement pas visés par les programmes de prévention et passent dans les mailles du filet de détection dans les cliniques médicales. Une seule campagne de prévention a déjà visé les personnes âgées, au Royaume-Uni.»

Cette semaine, un rapport sur le problème vient d'ailleurs d'être dévoilé à Londres. Le nombre de nouvelles infections au VIH a doublé entre 2000 et 2007 en Grande-Bretagne, passant de 299 à 710. C'est 8% du total. Selon le Dr Lebouché, il existe peu de statistiques canadiennes sur le sujet, notamment parce que le taux de diagnostic sous-estime le nombre de personnes âgées atteintes.

En 2006, selon des statistiques de mortalité publiées cette semaine, 14% des 428 personnes mortes du sida au Canada avaient plus de 60 ans. Il y a eu 47 morts sexagénaires et 13 septuagénaires.

L'intérêt pour le sujet en Grande-Bretagne date de six ou sept ans. En 2003, la Société britannique de gériatrie avait décrit dans sa revue Age and Ageing le cas d'un homme de 83 ans qui venait de recevoir un diagnostic de VIH. Il était impotent depuis cinq ans, mais avait eu une vie hétérosexuelle active auparavant. En juin, les médias britanniques avaient fait grand cas d'une étude néerlandaise selon laquelle 6% des patients de cliniques de santé sexuelle étaient des échangistes de plus de 43 ans et que les plus de 45 ans sous-estimaient gravement leur risque d'attraper une MTS comme le sida.

«L'opprobre entourant le sida est encore plus présent chez les personnes âgées, dit le Dr Lebouché. Il y a très peu de résidences pour personnes âgées où on peut se permettre de dévoiler sa séropositivité et encore moins où on peut dévoiler son homosexualité ou vivre avec un conjoint du même sexe.»