En 2005, la Cour suprême a couronné de succès le combat de Jacques Chaoulli, ce médecin québécois qui se battait depuis près de 10 ans pour créer un système médical privé.

Ce n'est pas un hasard si ce changement est venu du Québec: c'est la province qui fait le plus de place au privé.

«Ailleurs au Canada, il est même difficile d'avoir une clinique privée de médecine générale qui offre des services remboursés par l'assurance maladie», explique Zoltan Nagy, directeur de l'Association des cliniques médicales indépendantes du Canada.

 

«Au Québec, il y a 200 médecins qui ne font pas partie du régime public. Ailleurs au Canada, on parle de 10 à 20. Il y a des gens d'autres provinces qui se rendent au Québec pour se faire opérer, à la hanche par exemple, parce que c'est impossible de le faire au privé là où ils habitent.»

Croissance rapide

La croissance du nombre de médecins désaffiliés de la Régie de l'assurance maladie (RAMQ) a été rapide au Québec. Leur nombre a doublé depuis 2006. En 2002, ils n'étaient que 60.

Les interventions orthopédiques, qui pourront sous peu être couvertes par des régimes d'assurances privés grâce au jugement Chaoulli, sont parmi les services privés les plus chers, pouvant dépasser 10 000$ pour une prothèse de hanche, par exemple. D'autres services sont plus abordables, par exemple 80$ pour une consultation ponctuelle ou 160$ pour un examen complet à une clinique privée de médecine générale à Boucherville.

Ces récents développements ne doivent pas faire oublier que le privé occupe d'autres zones grises du système de santé, prévient André-Pierre Contandriopoulos, professeur de gestion de la santé à l'Université de Montréal.

«Quand l'assurance maladie publique est entrée en vigueur en 1970, pour des questions de simplicité, les paiements étaient réservés aux services médicaux en hôpital et offerts par des médecins. Mais la médecine a beaucoup changé et beaucoup de choses qui se font aujourd'hui n'existaient pas ou alors peuvent se faire ailleurs qu'à l'hôpital.»

Services diagnostiques

Par exemple, le secteur des services diagnostics a fait une large place au privé.

«Pour une échographie en clinique privée, la RAMQ rembourse les honoraires du radiologue, mais pas les frais afférents, alors qu'à l'hôpital tout est couvert, dit M. Contandriopoulos. Et d'autres services diagnostics comme la résonance magnétique ne sont pas faits par des radiologues mais par des techniciens. Si ce n'est pas fait à l'hôpital, la RAMQ ne paie pas. Dans l'esprit de la loi, ça aurait dû être pris en charge. Ça a permis que progresse tout un secteur, couvert par les assurances privées, qui permet à plusieurs patients d'éviter les attentes du système public et même d'avoir accès à un service d'une autre qualité, par exemple les examens «exécutifs» où les patients sont traités aux petits oignons.»

L'autre caractéristique des cliniques privées hors RAMQ et de celles qui offrent un service «or» moyennant des frais annuels, c'est un accès parfois facilité aux spécialistes.

Par exemple, la firme Medecina garantit un rendez-vous en moins de trois jours avec une gamme de spécialités médicales, pour des frais allant de 90$ si le médecin fait partie du régime public à 260$ s'il pratique hors RAMQ.

Un médecin hors RAMQ est parfois plus facile à trouver dans certaines spécialités, comme la dermatologie.

Les cliniques privées de chirurgie ont aussi une clientèle importante d'agences publiques, comme la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société d'assurance automobile, qui ont le choix de payer une opération hors RAMQ si les délais sont moins longs que dans le système public et les frais comparables à ceux de la RAMQ, selon M. Contandriopoulos.