Contrairement à une idée encore trop souvent admise, on guérit l'anorexie, mais au prix d'un combat acharné et prolongé, parfois émaillé de rechutes, soulignent des spécialistes à l'occasion d'une journée professionnelle sur les troubles du comportement alimentaire (TCA).

«C'est important de dire qu'on peut en sortir. Il n'y a aucune fatalité à rester anorexique toute sa vie, même au bout de 10 ans», assure le pédopsychiatre Philippe Jeammet, président d'honneur du réseau TCA Ile-de-France qui organisait cette journée vendredi à l'hôpital Sainte-Anne à Paris. «Mais c'est une vraie bagarre», ajoute-t-il.

Anorexie mentale et boulimie sont des maladies qui évoluent sur plusieurs années, avec de «vraies guérisons», même s'il peut y avoir des rechutes, souligne Nathalie Godart, pédopsychiatre à l'Institut mutualiste Montsouris.

Les deux-tiers des patients anorexiques sont considérés comme guéris à 5 ans. Pour la boulimie, le taux de guérison est estimé à 70% à 7 ans, précise-t-elle.

«Plus précoce est la prise en charge, meilleur est le pronostic», avec des complications limitées et une maladie moins longue, selon le Dr Godart.

Encore faut-il que le trouble soit diagnostiqué et correctement pris en charge, à la fois dans ses aspects physiques, psychologiques, mais aussi familiaux et sociaux.

«La moitié des patients souffrant de troubles du comportement alimentaire n'accèdent jamais à des soins», relève Jean-Claude Melchior, nutritionniste à l'hôpital Raymond-Poincaré (Garches) et président du réseau TCA Ile-de-France.

«Les TCA se caractérisent par un déni des troubles et un relatif refus de soins», ajoute-t-il. Le système de santé peut être lui aussi dans le refus.

«La boulimie ne se voit pas», glisse Renaud de Tournemire, pédiatre à l'hôpital de Poissy.

Pas facile non plus de penser à une anorexie en face d'une fillette de 8 ans, intellectuellement très brillante, qui dépérit. Ces formes très précoces existent pourtant, indique Catherine Doyen, pédopsychiatre à l'hôpital Robert-Debré, et conduisent à une rapide dégradation de l'état de santé.

Le Dr de Tournemire cite l'exemple d'une adolescente de 13 ans, dont l'anorexie a été diagnostiquée par un endocrinologue, consulté sur les conseils d'un pédiatre lui-même alerté par un retard de croissance. Suivie ensuite par un psychiatre, «trouvé par les parents dans les pages jaunes», sans concertation avec d'autres médecins, elle a été hospitalisée en urgence, pesant 25 kilos.

Chez les adultes, le trouble est parfois découvert avec 20 ou 30 ans de retard, à l'occasion d'une consultation pour un tout autre motif : fracture, ostéoporose, ou, pour nombre de jeunes femmes, une demande de procréation médicalement assistée.

Sans être une menace vitale, des formes chroniques peuvent gâcher la vie, souligne le Pr Jeammet. Elles se traduisent par un «hypercontrôle», des rituels alimentaires astreignants, une obsession des calories.

1,5% des femmes et 0,16% des hommes souffriraient d'anorexie mentale, selon le Pr Melchior. L'anorexie mentale concernerait 1% des adolescents, la boulimie 3%. Selon des estimations, entre 20 et 30% des adolescents seraient touchés par des troubles mineurs du comportement alimentaire.

Créé sous l'égide de la Fondation de France, le réseau TCA Ile-de-France (www.reseautca.idf.org) veut faciliter l'accès aux soins. Il s'inscrit dans un ensemble de réseaux régionaux, par le biais de l'Association française pour le développement des approches spécialisées dans les TCA ((www.anorexieboulimie-afdas.fr).