Les sportifs qui courent pieds nus ou avec des semelles très fines posent en général leur pied sur le sol de manière beaucoup plus progressive que les coureurs chaussés et ménagent ainsi leur corps, selon une étude publiée mercredi dans la revue Nature.

Les coureurs sans chaussures ont l'habitude de poser en premier l'avant du pied. Et même ceux qui posent directement le plat ou le talon amortissent davantage l'impact avec leurs articulations que les sportifs équipés de chaussures de course, a constaté l'équipe de chercheurs issus d'universités américaines, kenyane et britannique.

Si, aujourd'hui, courir chaussé sur de longues distances est beaucoup plus fréquent, il n'en a pas toujours été ainsi.

«Le genre humain pratique la course de fond depuis des millions d'années, mais la chaussure de course moderne n'a été inventée que dans les années 1970», relèvent les chercheurs qui ont étudié la foulée de personnes courant au moins 20 km par semaine, les unes chaussées, les autres non, aux États-Unis et en Afrique de l'Est, région d'où sont issus de nombreux coureurs de fond.

En 1960, l'Ethiopien Abebe Bikila remportait pieds nus le marathon des jeux Olympiques de Rome, après avoir échoué à trouver chaussure à son pied...

Bien à l'abri dans leurs chaussures de sport molletonnées, les trois quarts des joggeurs modernes encaissent pourtant à chaque foulée deux à trois fois leur poids lorsque leurs talons entrent en contact avec le sol.

Cette action étant répétée 600 fois par kilomètre, elle finit par provoquer des lésions chez 30% à 75% des personnes qui pratiquent régulièrement la course à pied.

Aussi, les bienfaits des chaussures assurant «protection et maintien du pied» sont-ils désormais contestés, et les fabricants commencent déjà à mettre sur le marché des modèles minimalistes.

«Les gens qui courent déchaussés ont une foulée très différente. En atterrissant sur le milieu ou sur l'avant du pied, ils n'encaissent pratiquement pas de choc» lorsqu'ils entrent en contact avec le sol, explique Daniel Lieberman, du département de Biologie de l'Evolution humaine à l'université de Harvard (États-Unis).

Chez le coureur qui atterrit avec l'avant du pied, «les muscles du mollet contrôlent l'abaissement du talon, et il peut pleinement tirer parti d'un stockage d'énergie élastique dans le tendon d'Achille et la voûte plantaire», détaille de son côté dans un commentaire également publié par Nature William Jungers, du CHU de Stony Brook, à New-York.

Pour autant, il ne sera pas aisé de changer d'habitude. «Courir pieds nus ou dans des chaussures minimales est amusant mais fait appel à des muscles différents», précise M. Lieberman. «Si vous avez utilisé le talon toute votre vie, il faut opérer une transition douce afin de renforcer les muscles de vos mollets et de vos pieds», met en garde ce scientifique.