Quand une personne reçoit un diagnostic d'asthme causé ou exacerbé par le travail, elle a une chance sur quatre de guérir complètement en changeant de profession ou en travaillant dans de meilleures conditions.

Quand le pneumologue Jean-Luc Malo a décidé de comprendre pourquoi certains patients ne guérissaient pas, les résultats lui ont montré l'urgence d'agir: le principal facteur est la durée de l'exposition aux agents qui causent l'asthme professionnel.

 

«Quand il y a de l'inflammation chronique des bronches, leur structure change de manière irréversible», explique le Dr Malo, qui travaille au du centre Asthme et travail de l'hôpital du Sacré-Coeur.

«L'asthme devient permanent, ajoute-t-il. C'est la même chose avec un enfant qui fait trop longtemps de l'eczéma et que sa peau devient rugueuse. Si on ne retire pas les travailleurs atteints d'asthme professionnel le plus rapidement possible, leurs chances de guérison s'amenuisent. Au-delà d'un an, elles sont beaucoup moins grandes, même si les symptômes s'améliorent avec la fin de l'exposition à l'agent irritant. Les patients qui sont retirés rapidement gardent des séquelles aux bronches, mais ils n'ont plus de symptômes, même après 10 à 15 ans de suivi.»

Une personne sur 100 fait de l'asthme relié au travail.

Ce chiffre se décompose comme suit: entre 5% et 10% de la population générale fait de l'asthme et 10% à 15% des asthmatiques connaissent une aggravation de leur maladie à cause de leur travail.

«Il y a des cas où l'asthme est causé par la farine; par exemple un boulanger peut devenir allergique à la farine, dit le Dr Malo. D'autre fois l'asthme est exacerbé par le travail; ce peut être le cas d'un patient dont le chat domestique est la cause de l'asthme, qui est empiré par le froid ou la poussière ou d'autres irritants non spécifiques à son lieu de travail.»

Bon an, mal an, entre 50 et 60 personnes ont un diagnostic d'asthme professionnel reconnu par la CSST. Sur 100 personnes référées pour cette raison, selon le Dr Malo, le tiers a un asthme causé par le travail, un autre tiers un asthme exacerbé et pour le reste il s'agit d'autres problèmes respiratoires liés au travail, comme des rhinites ou de l'hyperventilation.

Le problème se complique par le fait qu'entre la moitié et les deux tiers des asthmatiques s'ignorent.

«Environ 15% de la population générale a les bronches plus irritables que la normale quand on fait un test objectif, dit le pneumonologue montréalais. Ça pose problème avec l'asthme professionnel, parce qu'ils vont le tolérer ou l'ignorer parfois assez longtemps pour que les dommages aux bronches deviennent irréversibles.»

Deux grandes catégories d'agents peuvent causer l'asthme professionnel: les produits chimiques et les protéines.

«Un boulanger va être vulnérable aux protéines du blé, comme un asthmatique saisonnier sera sensible aux protéines du pollen, dit le Dr Malo. Pour les produits chimiques, on ne sait pas très bien pourquoi un produit chimique peut causer une allergie, quels sont les mécanismes et les cellules du système immunitaire impliqués.»

Les recherches actuelles visent à déterminer les facteurs qui prédisposent certaines professions à engendrer la maladie.

«Il n'est pas clair qu'une personne au passé allergique sera toujours plus vulnérable, dit le Dr Malo. Nous avons créé un modèle pour différentes professions, des boulangers aux hygiénistes dentaires en passant par les soudeurs et les peintres. On veut intégrer ces informations à la formation. Par exemple, si vous commencez comme apprenti pâtissier et que vous êtes allergique au pollen de graminées, vous êtes plus vulnérable et il vous fait faire attention.»

L'objectif est de mieux comprendre qui doit carrément changer de travail, «une décision qu'on ne prend pas à la légère», souligne le Dr Malo.

En 2003, une étude belge a découvert que le taux de chômage chez les asthmatiques professionnels est plus bas au Québec (25%) que dans d'autres pays industrialisés (34% à 41%), à cause des programmes de réorientation professionnelle incluant de la formation et de la flexibilité des employeurs quant à un changement de poste au sein de la même entreprise.

Le tiers des asthmatiques professionnels pouvaient changer de poste, comparativement à seulement 15% à 21% dans d'autres pays industrialisés, selon une étude de l'Université catholique de Louvain publiée dans le European Respiratory Journal.