À la faveur de l'épidémie d'obésité, le diabète explose au Québec.

Entre 2001 et 2007, la proportion des adultes de plus de 20 ans qui en souffrent est passée de 6% à 7,6%. Plus de 16 000 diabétiques meurent chaque année, ce qui signifie que le diabète est responsable de plus du quart des décès dans la province.

Ces chiffres frappants poussent les endocrinologues et les épidémiologistes à disséquer leurs statistiques afin de mieux cerner l'ampleur du problème.

 

Il existe des disparités régionales importantes; les taux bondissent de 50% quand on franchit le fleuve pour passer du Bas-Saint-Laurent, la région la moins touchée au Québec, à la Côte-Nord, la plus touchée en excluant le Grand Nord.

Et surtout, ces données sous-estiment le problème, parce que de 30% à 40% des diabétiques s'ignorent.

Pour compliquer le tout, les hommes sont beaucoup plus touchés que les femmes, mais seulement dans certains groupes d'âge.

Entre 20 et 44 ans, les taux sont identiques, puis ils divergent de façon marquée entre 45 et 64 ans (6,9% chez les femmes et 9,9% chez les hommes, selon l'Institut national de la santé publique du Québec), pour se rapprocher au troisième âge (19,1% chez les femmes et 24,1% chez les hommes).

En septembre, des épidémiologistes de Harvard ont estimé le taux réel de diabète dans chaque État américain, le premier exercice du genre.

Les taux augmentaient de deux à quatre fois, selon un calcul mis au point pour évaluer les taux de cardiopathies non diagnostiquées.

C'est un total beaucoup plus élevé que les évaluations antérieures.

« En général, on considère que 30% des diabètes ne sont pas diagnostiqués «, explique Isabelle Larocque, chercheuse à l'INSPQ.

Ce taux de malades non diagnostiqués a justement été corrigé à 40% dans un récent article de l'endocrinologue de l'Institut national du diabète des États-Unis qui l'avait mis au point. Ce spécialiste américain a aussi évalué à 30% les personnes ayant des signes précurseurs du diabète, un taux augmentant à 75% chez les personnes âgées.

Les principaux facteurs de risque du diabète sont l'obésité et la sédentarité, eux-mêmes liés au faible revenu -et très fréquents chez les autochtones, selon l'INSPQ. La haute proportion d'autochtones dans la Côte-Nord et la Gaspésie, et le haut taux de pauvreté en Gaspésie, expliquent qu'ils se trouvent en tête du palmarès.

Diabète double

En 2003, un endocrinologue de l'Université de Pittsburgh a inventé un nouveau terme : le diabète double. Il décrit un patient ayant en même temps les deux types de diabète.

Ce cas a attiré l'attention de Paolo Pozzilli, un endocrinologue de l'Université Bio-Medico à Rome, qui a décidé de vérifier si d'autres patients se trouvent dans cette situation.

Son verdict : le diabète double est un phénomène déjà bien établi appelé à se répandre comme une traînée de poudre.

«Le traitement du diabète double est compliqué parce que les complications sont multipliées et interagissent entre elles», explique le Dr Pozzilli, en entrevue téléphonique.

Le diabète de type 1 apparaît à l'enfance et est une maladie auto-immune : le système immunitaire attaque les molécules produisant l'insuline utilisée dans la transformation du sucre en énergie.

Le type 2 survient plus tard dans la vie et est lié à l'obésité : le gras rend les cellules humaines résistantes à l'insuline et à un moment donné, le pancréas ne parvient plus à en produire suffisamment. Des gènes distincts ont été liés aux deux types.

Depuis quelques années, des chercheurs proposent qu'il s'agit d'une seule et même maladie. Un endocrinologue britannique, T.J. Wilkin, de l'école de médecine Peninsula à Plymouth, en Angleterre, affirme que le «diabète double», aussi appelé «diabète de type 1.5», est le chaînon manquant entre les deux types de diabète.

Selon le Dr Wilkin, l'obésité est toujours à la base de la maladie. La résistance du corps à l'insuline force le pancréas à en produire davantage, ce qui le stresse et le rend vulnérable aux attaques auto-immunes.

La seule différence est que certains gènes accélèrent le processus, qui peut durer des décennies chez les gens qui ont des gènes les protégeant contre le diabète auto-immune. Ce modèle a l'avantage d'expliquer pourquoi le diabète de type 1 ne cesse d'augmenter (de 3% à 5% par année au Canada) : l'augmentation du poids moyen des enfants expliquerait cette hausse, selon l'endocrinologue britannique.

Sa thèse a fait scandale en Grande-Bretagne, parce que les parents d'enfants diabétiques ont eu l'impression, malgré les dénégations du Dr Wilkin, qu'il les accusait d'avoir trop nourri leurs enfants et donc d'être responsables de leur diabète.

«Il faudra attendre davantage d'études pour pouvoir trancher, estime le Dr Pozzilli. Mais ce qui est certain, c'est que le diabète double existe bel et bien.» Environ 10% des adultes souffrant du diabète de type 2 ont des réactions auto-immunes, selon lui.