Il n'y a pas de fatalité à vieillir mal : maintenir des rapports sociaux prévient la perte d'autonomie, avoir une alimentation riche en acides gras polyinsaturés réduit le déclin cognitif, estiment des spécialistes réunis cette semaine à Paris.

La majorité de la population ne devient pas forcément dépendante avec l'âge «sauf en phase terminale», mais elle devient «vulnérable, du fait de petits handicaps notamment cognitifs», a souligné devant la presse le professeur Robert Moulias, gérontologue et président de l'association Alma France consacrée à la maltraitance des personnes âgées, en marge du 19ème Congrès mondial de gérontologie et de gériatrie.

«On peut aujourd'hui être en bon état de santé jusqu'à la mort», a assuré de son côté la gériatre nutritionniste Monique Ferry.

Sur 14 millions de plus de 60 ans en France, «10% seulement sont en perte d'autonomie, dont 87% du fait de syndromes démentiels», a noté le Pr Moulias. Pour lui, «le problème majeur du XXIème siècle, en France, c'est la place des 12,5 millions de personnes valides, lucides, capables, et exclues de tout rôle social». Aux Etats-Unis, relève le sociologue Jean-Philippe Viriot-Durandal, auteur d'un livre sur «le pouvoir gris», les retraités, dont le journal est tiré à 50 millions d'exemplaires, constituent le plus gros lobby.

Pour le Pr Moulias, une meilleure inclusion dans la vie sociale constitue «une prévention de la dépendance».

De fait, selon les spécialistes, l'apathie, perte d'intérêt pour une stimulation ou absence d'auto-initiative, constitue un aspect dominant du vieillissement mal conduit. «94% des gens qui souffrent de dépression et 55% des malades d'Alzheimer souffrent d'apathie», note le Pr Philippe Robert, du CHU de Nice.

Pour la combattre, il suggère au premier chef une approche non pharmacologique, à base de «stimulation». Selon lui, «il faudrait idéalement que les Epad (Etablissements publics pour personnes âgées dépendantes) s'adaptent au malade» et que les soignants aient une «connaissance personnalisée» des facteurs d'intérêt du patient.

Il prône aussi une formation des soignants aux troubles du comportement. «Si je comprends pourquoi quelqu'un devient agressif, je réagis différemment», dit-il.

Des nutritionnistes, s'appuyant sur plusieurs études (étude Paquid, sur le vieillissement cérébral et fonctionnel après 65 ans, étude des Trois cités, sur pathologies vasculaires et démence), insistent pour leur part sur le lien entre nutrition et qualité de la vieillesse.

Les acides gras polyinsaturés riches en Oméga 3 (DHA ou EPA), que l'on trouve particulièrement dans le poisson et dans certaines huiles, peuvent «contribuer à diminuer le déclin cognitif relié à l'âge», affirme le Pr Pascale Barberger-Gateau, de l'Inserm et du CHU de Bordeaux.

Ils seraient particulièrement efficaces chez les sujets déprimés ou ceux qui ont des risques génétiques de souffrir de la maladie d'Alzheimer.

«Quand on vieillit, on ne doit pas manger moins mais mieux», «car il y a un moins bon rendement métabolique des nutriments», a souligné Monique Ferry, comparant le corps à une 2 CV «qui consomme plus d'huile et d'essence en vieillissant».

Elle note aussi la nécessité de continuer à absorber des protéines pour «conserver la fonction musculaire». Et ce, plutôt à midi, dans la mesure où l'exercice que l'on peut faire ensuite «augmente la possibilité de fabriquer du muscle». Attention également au déficit en vitamine B12, mauvais notamment pour le cerveau, et en vitamine D, pour laquelle une supplémentation, dit-elle, est recommandée pour les personnes âgées.