On connaissait la 30. On s'est habitué à la 45 pour les enfants. On a trouvé que la 65, c'était une bonne idée pour les peaux hypersensibles. Mais les fabricants de crème solaire ont peut-être dépassé les limites. Depuis l'an dernier, des crèmes solaires avec des facteurs de protection solaire (FPS) 75, 85 et même 100 ont fait leur entrée sur le marché.

En 2007, la FDA américaine, qui réglemente les produits pharmaceutiques, avait proposé de limiter à 50 le FPS. Comme les règles n'ont pas encore été mises en application, Neutrogena a pu lancer l'an dernier aux États-Unis une crème à FPS 70, et une autre à FPS 100 cette année, après que son concurrent Banana Boat eût lancé une crème à FPS 85. Au Canada, les FPS 70 et 85 de Neutrongena sont arrivés cette année.

 

La différence est minime. Un FPS 30 bloque 96,7% des rayons UVB du soleil, contre 98,3% pour un FPS 70. Neutrogena annonce une amélioration de 50%, mais il s'agit évidemment de très petits nombres absolus. Le FPS d'une crème est calculé en fonction du temps qu'il faut pour que la peau d'une personne devienne rouge. Un FPS 15, par exemple, protégera pendant cinq heures (300 minutes) la peau d'une personne qui prend un coup de soleil en 20 minutes quand elle n'a aucune protection. La mécaniques des tests européens et américains varie légèrement, ce qui rend difficile la comparaison des crèmes produites des deux côtés de l'Atlantique.

«Ce n'est pas une si grosse différence, même avec un FPS 100», estime Sandrine Grégoire, pharmacienne au Pharmaprix du coin Mont-Royal et Saint-Laurent. «Ça peut même être problématique si la personne qui en met a une fausse sécurité. Il y a des gens qui vont s'en mettre le matin et croire qu'ils sont bons pour la journée. Mais la crème ne reste pas plus longtemps sur la peau.»

Un récent article du New York Times sur la course au FPS citait plusieurs dermatologues tout aussi sceptiques que Mme Grégoire. Le quotidien américain ajoutait que les rayons UVA, moins bien contrôlés par les crèmes, causent aussi le cancer, et que de toute façon seulement le quart à la moitié des gens qui s'exposent au soleil mettent la quantité requise (l'équivalent d'un verre à «shooter»). De plus, l'article citait un expert de l'Université de New York qui affirmait que la protection d'une crème mal appliquée suit une courbe quadratique plutôt qu'une ligne directe: une crème deux fois moins abondante que nécessaire offre quatre fois moins de protection.

Selon Mme Grégoire, un FPS 30 suffit pour les gens ayant la peau pâle, les rouquins et ceux qui ont des taches de rousseur. Un FPS 45 convient parfaitement aux enfants. Et un FPS 60 devrait être réservé aux gens qui ont des historiques familiales ou personnelles de cancer de la peau, des allergies au soleil ou qui prennent des médicaments rendant photosensibles, comme certains antibiotiques. Et surtout, il faut remettre de la crème à tous les deux heures, et après la baignade et les activités ayant généré beaucoup de sueur.

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Typologie du bronzage

Tous les bronzeurs ne sont pas nés égaux. Certains en font une religion. D'autres sont heureux sous le soleil, mais n'organisent pas leurs journées autour du bronzage ou de la crème solaire. Il y a aussi ceux qui craignent les UVB comme la peste, et passent leurs journées sous le parasol ou avec un chandail.

Curieusement, les plus craintifs sont presque aussi exposés au soleil que les deux autres groupes, et n'utilisent pas beaucoup plus la crème solaire. Ces conclusions d'une équipe d'oncologues australiens spécialistes du bronzage amènent de l'eau au moulin des sceptiques des FPS extrêmes.

Les chercheurs australiens ont observé en détail une centaine de personnes à Hawaii, pendant une journée, avant de les interroger. Ils ont découvert trois classes très homogènes de bronzeurs.

Les insouciants (premier groupe) avaient le même risque de coup de soleil que les inquiets (troisième groupe), environ un tiers dans les 48 heures précédentes. Ils avaient une protection à l'aide de la crème équivalente, même si les inquiets utilisaient presque tous un SPF supérieur à 30, contre la moitié des insouciants. Les inquiets avaient toutefois l'habitude de porter des chandails à manches courtes ou même longues et de passer du temps sous le parasol. Les fanatiques du bronzage, eux, étaient les champions de la crème, mais avaient 50% plus de risque de coup de soleil. Les trois groupes avaient sensiblement la même exposition réelle aux UVB. Détail intéressant, il y avait beaucoup plus d'hommes chez les inquiets (72% contre 50%).