Quand Gilbert (nom fictif) s'est présenté à sa première thérapie de groupe pour combattre sa dépendance aux drogues, il a été incapable de prendre la parole.

Gilbert voulait pourtant «se prendre en main», comme lui répétaient sans cesse ses proches. Mais, en plus de sa toxicomanie, il souffrait de troubles psychotiques qui le rendaient méfiant envers les autres. La thérapie de groupe n'était pas adaptée à sa condition. Il n'y est plus jamais retourné.

 

Le cas de Gilbert n'est pas unique. Entre 50% et 70% des gens qui souffrent de problèmes de santé mentale ont aussi un problème de toxicomanie, selon les observations rapportées par les cliniciens québécois. Ces gens ont souvent besoin d'un traitement adapté pour s'en sortir. Et surtout, ces malades ont besoin que l'on reconnaisse leur toxicomanie comme un véritable problème de santé.

Hier soir, ceux qui travaillent pour faire avancer les causes de la toxicomanie et de la maladie mentale étaient à l'honneur à l'hôtel Fairmont Reine-Elizabeth.

Fondation Kaiser

Montréal a été choisi cette année pour accueillir la quatrième remise des prix de la Fondation Kaiser, seuls honneurs nationaux qui récompensent le travail réalisé dans ces deux domaines.

Sept personnes et organisations de partout au Canada ont été honorées, dont Michel Perron, le président-directeur général du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. André Picard, journaliste au Globe and Mail, a également été récompensé pour des articles sur la maladie mentale publiés en juin 2008.

«Ces gens nous aident à atteindre le but que nous nous sommes fixé il y a 25 ans: faire reconnaître la toxicomanie et la santé mentale comme des problèmes de santé publique, et non comme de simples problèmes moraux», a dit hier Edgar F. Kaiser, président de la Fondation Kaiser.

En effet, la toxicomanie est étroitement liée à la santé mentale, selon Rémi Quirion, vice-doyen à la recherche de la faculté de médecine de l'Université McGill et membre du conseil d'administration de la Fondation Kaiser.

«Les recherches démontrent de plus en plus de liens entre les deux domaines», a expliqué le Dr Quirion, hier, en marge de la cérémonie. Les gens qui souffrent de dépression, de schizophrénie et d'anxiété ont davantage de risques de présenter des dépendances, souligne-t-il.

Comment expliquer ce lien? Selon une théorie, les gens affectés mentalement tentent d'atténuer leurs symptômes avec de l'alcool ou des drogues. L'hypothèse socio-économique suggère quant à elle que les gens qui souffrent de problèmes psychologiques proviennent plus souvent de milieux défavorisés, où l'accès aux drogues est plus facile.

Certains chercheurs vont plus loin: ils considèrent la toxicomanie comme une maladie mentale à laquelle les gens sont prédisposés génétiquement.

Mais peu importe les causes, les gens qui souffrent des deux problèmes ont souvent besoin de ressources spécialisées pour les aider. Et à ce chapitre, il reste encore du travail à faire, estime Rémi Quirion.