Depuis juillet 2008, le Dr Mirko Gilardino et une équipe de spécialistes de l'Hôpital de Montréal pour enfants reconstruisent le visage et le crâne d'enfants atteints de malformations qui, il y a quelques années encore, pouvaient leur être fatales. Ariane Lacoursière et David Boily ont assisté à la délicate opération d'un bébé.

L'été dernier, Imad Obeid et sa femme attendaient avec impatience la naissance de leur premier fils, Mahdi. Mais le jour de l'accouchement, leur monde s'est écroulé.

 

Dès la naissance du poupon, les médecins ont noté un problème: son crâne était en forme de flèche. L'enfant n'avait aucune déficience mentale, et l'anomalie n'avait aucune répercussion sur sa santé.

«Le problème était principalement esthétique. Mais il y avait aussi un danger. On nous a expliqué que la malformation du crâne irait en empirant et que ça pourrait avoir des conséquences sur le développement de son cerveau. Ça a été un choc», raconte M. Obeid.

Au Québec, environ un enfant sur 2500 naît avec des problèmes de développement crânien causés par des symptômes rares ou des problèmes génétiques.

Les crânes de ces bébés, qui sont soudés prématurément, se développent de façon anormale. Les conséquences peuvent être désastreuses, car le cerveau, qui essaie de grandir, se retrouve coincé.

«Le cerveau croît d'environ 300% dans la première année de vie. Il faut lui donner de l'espace pour le faire», explique le Dr Mirko Gilardino, chirurgien maxillo-facial à l'Hôpital de Montréal pour enfants.

Il y a quelques années, les enfants atteints de ces anomalies pouvaient mourir. Mais plus maintenant. Des interventions chirurgicales de pointe permettent de briser le crâne des poupons et de le remodeler pour faire de la place au cerveau.

Depuis l'été dernier, c'est le Dr Gilardino qui accomplit ces miracles à l'Hôpital de Montréal pour enfants. C'est lui qui a pris en charge le petit Mahdi dès sa naissance.

Après avoir réalisé plusieurs tests et observé attentivement le développement du crâne de Mahdi pendant quelques mois, le Dr Gilardino a décidé de l'opérer.

Les parents ont appuyé le médecin dans cette décision. «On ne voulait pas prendre de risques», dit M. Obeid.

Le 13 février, La Presse a assisté à la spectaculaire opération, qui a permis au petit Mahdi de retrouver un crâne d'apparence normale.

 

Une grande angoisse

Couché sur sa civière dans la salle d'opération no 2 de l'Hôpital de Montréal pour enfants, le bébé, âgé d'à peine 8 mois, a l'air bien vulnérable. Mahdi vient tout juste d'être endormi. Autour de lui, les infirmières et les techniciens le préparent pour l'opération.

Dans la salle d'attente, les parents se rongent les sangs. «C'est stressant. C'est une très grave opération. On ne pensait pas que ce serait si grave», souffle M. Obeid. Incapable de parler, la mère fixe le plancher, l'air triste.

Vers 9h, le Dr Gilardino entame l'opération. Il trace tout d'abord un long zigzag sur le front de Mahdi. Avec son scalpel, il coupe délicatement la peau du front en suivant le trait et la replie sur le nez du bébé. Un peu comme un masque de caoutchouc, la peau se décolle facilement et n'offre aucune résistance. En quelques minutes, le crâne du bébé est complètement exposé.

L'os du front doit être retiré. Parce que cet os touche au cerveau, c'est le neurochirurgien Jeffrey Atkinson qui prend la relève.

À l'aide d'un vilebrequin, le Dr Atkinson perce quatre trous sur le dessus du crâne de Mahdi. Des bouts d'os s'échappent comme des serpentins. Le Dr Atkinson introduit ensuite un pic de métal dans les trous pour décoller les méninges du crâne.

«Les méninges, c'est la couche protectrice du cerveau. C'est ça qui s'infecte quand on fait une méningite. Il faut les décoller avant de pouvoir enlever l'os du front», explique le Dr Atkinson.

Le neurochirurgien empoigne une petite scie qui ressemble à une fraise de dentiste et coupe l'os du front. Quand il le retire, le cerveau est entièrement exposé.

Le Dr Gilardino peut maintenant procéder à la restructuration du front. Il prend d'abord des mesures afin de pouvoir parfaitement reconstruire le visage du bébé. Débute alors la délicate reconstruction des os. Le Dr Gilardino les manipule pour leur redonner une forme courbe. Il coupe, plie et aplatit les os. «Les os de bébé sont mous. Ils peuvent prendre la forme qu'on veut», dit-il.

Pour qu'ils gardent leur forme, les os sont attachés avec des plaques et des vis de sucre, qui fondront au bout d'un an.

Ce travail, qui relève à la fois de «l'art et de la menuiserie», selon le Dr Gilardino, ne s'apprend pas en quelques mois. Le chirurgien a dû étudier plus de 15 ans pour y arriver.

Les os du front sont prêts. Le Dr Gilardino les fixe au visage du petit Mahdi. Le travail terminé, le chirurgien remonte la peau du visage afin de voir le résultat. Le front du bébé est tout plat. Les médecins remettent en place la peau du visage. Quelques minutes plus tard, Mahdi laisse entendre des pleurs. En tout, l'opération a duré six heures.

Quelques jours après l'intervention, La Presse a rencontré le petit Mahdi, qui se remettait tranquillement de l'opération.

Pour les parents, les premiers temps ont été difficiles. «Il fallait s'habituer à son nouveau visage!» dit M. Obeid. Mais aujourd'hui, tout est revenu à la normale. L'opération a été un succès, et jamais plus Mahdi n'aura à subir pareille opération.

Photo: Courtoisie de la famille

Le petit Mahdi.