Les dernières avancées en neurosciences montrent qu'intervenir auprès des enfants défavorisés permettra d'éviter des sommes énormes en soins et en coûts de santé et de société, affirme une neuropsychologue montréalaise dans la prestigieuse revue Nature Neuroscience Review. Contrairement au stress qui survient à l'adolescence ou à l'âge adulte, celui qu'éprouvent les enfants pauvres ou soumis à des abus peut être contrebalancé parce que leur cerveau a encore la capacité de s'adapter.

«Si on prend des abus survenus avant ou après 12 ans, par exemple, les effets sur le cerveau sont différents», dit Sonia Lupien, qui dirige le Centre d'études sur le stress humain de l'Université de Montréal. «Les enfants sont par la suite plus susceptibles à la dépression, et les adolescents sont plus vulnérables au syndrome de stress post-traumatique. On peut même pense qu'on arrivera à dater les épisodes d'abus en observant quelles parties du cerveau sont plus ou moins atrophiées.»

La principale avancée théorique proposée par la neuropsychologue, qui a passé les derniers 18 mois à lire les dernières études sur le sujet, est que le stress a des effets différents selon l'âge. «Quand le cerveau est en changement, à l'enfance et au troisième âge, la structure va changer, dit Mme Lupien. À l'adolescence et surtout à l'âge adulte, le cerveau va s'adapter.» En d'autres mots, il faudra beaucoup plus de stress pour causer des dommages permanents au cerveau adulte, mais une fois qu'ils sont survenus, le cerveau est moins capable de s'autoréparer que celui des enfants. Chez les personnes âgées, le stress accélère le déclin, peut-être irrémédiablement.

«Chez les personnes âgées, on peut penser que des programmes de support social et de soutien cognitif pour limiter l'isolement et ses effets permettront de ralentir la dégradation du cerveau, dit Mme Lupien. Chez les enfants, des programmes à l'école qui soutiennent les professeurs prenant certains enfants sous leur aile, ou des programmes de sport, pourraient augmenter le volume de l'hippocampe, qui est affecté par le stress de la pauvreté. Une étude a montré que dans les familles d'accueil qui ont suivi une formation de dix semaines, le niveau d'hormones de stress des enfants a diminué significativement. On ne parle pas nécessairement d'interventions de plusieurs années.»

Le rôle et l'identité sexuels entre aussi en ligne de compte. «Les filles ont plus de risque de dépression, les garçons d'autisme, dit Mme Lupien. Je ne pense pas que ce soit dû uniquement aux chromosomes, il doit y avoir un lien avec l'identité sexuelle. On peut penser que la dépression est à la base aussi fréquente chez les femmes que chez les hommes, mais que les symptômes sont différents. Les hommes vont moins admettre la dépression, ils vont attendre d'être à bout, et vont faire quelque chose d'irréparable, un acte violent par exemple.»