Lire deux chapitres du document ABC. Terminer l'analyse du dossier XYZ. Rédiger le rapport dû pour hier. Assister à la conférence de 10h. Ne pas oublier le dîner d'affaires ce midi. Inscrire les enfants au camp de jour pour l'été.

Ce type de liste, libérateur pour la majorité des travailleurs, s'avère catastrophique pour ceux qui souffrent d'anxiété ou de perfectionnisme. «On remarque que les personnes en épuisement professionnel ont tendance à dresser des listes qui n'ont rien de réaliste, explique Nicolas Chevrier, psychologue du travail. Elles se fixent un nombre exagéré de tâches le matin, et elles n'arrivent pas à tout faire. De retour à la maison, elles vivent un fort sentiment d'échec.»

 

Ainsi, la liste n'aurait pas que de bons côtés. Découragés par des quantités de tâches non biffées, certains travailleurs en arrivent à se démotiver. Le travail à accomplir s'accumule, et un cercle vicieux s'installe.

«Ces personnes perfectionnistes ont l'impression que plus elles placent la barre haut, mieux elles vont fonctionner, mais ça ne se produit pas. Elles ne remarquent pas qu'elles ont accompli neuf des dix tâches sur leur liste: elles ne sont préoccupées que par l'élément qui reste à faire. On voit ça souvent», ajoute M. Chevrier.

Auteure du livre L'Art des listes, Dominique Loreau s'intéresse elle aussi à ces échéanciers impossibles à maîtriser. Elle précise qu'il est facile de noter des buts à atteindre sur un bout de papier, mais qu'il est plus ardu de décortiquer chacun des objectifs de manière à rendre la liste réalisable. L'élément «rédiger un rapport» devrait donc être scindé en sous-catégories, comme «déterminer les chapitres, écrire la moitié du rapport avant midi, écrire le reste avant 15h, faire la révision, envoyer le rapport par courriel».

Simple, mais motivant, soutient-elle.

«La personne anxieuse a toujours l'impression que, si elle ne fait pas telle chose, il va arriver une catastrophe, ajoute Éveline Marcil-Denault, psychologue organisationnelle et conférencière. Elle a besoin d'apprendre à lâcher prise et de respirer un peu! La liste ne doit pas devenir un carcan.»

Quitte à lâcher le crayon pour arriver à lâcher prise sur la pile de tâches qui s'accumulent.

Ainsi, s'il peut être agréable de lister les objectifs à atteindre avant de souffler ses 50 bougies, mieux vaut prendre l'exercice pour ce qu'il est: une simple liste de buts à atteindre dans un monde idéal, dédramatise Mme Loreau.

Alors dans 10 ans, on aimerait bien avoir acheté un chalet, appris le japonais, grimpé les échelons au travail, rénové le sous-sol et trouvé le grand amour? Génial, mais «adaptons-nous en cours de route, conclut l'auteure, car les listes, elles doivent être vivantes, en quelque sorte.»