Les risques pour le Canadien moyen d'avoir un diagnostic de cancer dans les 10 prochaines années sont de 1 sur 50, révèle le palmarès canadien du cancer dévoilé hier par Statistique Canada. Mais ce taux augmente avec l'âge, atteignant 90% chez les hommes de plus de 80 ans.

Le cancer du sein et celui de la prostate arrivent en tête du palmarès et représentent chacun un cancer sur cinq. Les cancers du côlon et du rectum viennent ensuite, et constituent 13% des cas de cancer.

 

«Nous avons l'étude la plus exhaustive sur le cancer au Canada», explique Larry Ellison, coauteur de l'étude. «Nous tenons compte de tous les cas inscrits au registre national du cancer, alors que les autres études prennent un échantillon.» Cet effort permettra par la suite d'avoir un portrait exact de la progression de la maladie et des traitements.

En tout, 695 000 Canadiens encore vivants ont reçu un diagnostic de cancer invasif entre 1995 et 2005, la période couverte par l'étude. Cela représente 2,2% de la population. Les auteurs de l'étude soulignent que les taux canadiens sont jusqu'à 10% plus élevés que ceux de la France et de l'Italie, mais que de meilleurs programmes de dépistage et une méthodologie différente (la France ne recense directement que 15% de ses cas de cancer) peuvent expliquer cette différence.

 

Phil Gold, oncologue qui dirige le Centre de recherche clinique de l'Université McGill, estime que l'étude confirme les avancées importantes des cancers les plus meurtriers. «On a fait des progrès immenses pour la leucémie, le cancer du sein, et ceux de la prostate et des intestins, dit le Dr Gold. La leucémie, en particulier, est presque toujours guérissable chez les jeunes. Mais on a encore du travail pour certains cancers assez fréquents, comme celui du pancréas, et pour les mélanomes.»D'une manière générale, les hommes sont plus touchés que les femmes, à cause des taux très élevés de cancer de la prostate. Avant 55 ans, les femmes sont presque deux fois plus susceptibles d'avoir un cancer que les hommes, à cause du cancer du sein. Mais le cancer de la prostate, qui survient plus tard dans la vie, change la donne.

Le dilemme de la prostate

Deux autres études parues hier compliquent cette analyse. Elles visaient à vérifier si les antigènes spécifiques de la prostate (PSA selon le sigle anglais) permettent de prédire qui a besoin de chirurgie contre le cancer de la prostate. Une étude européenne a conclu que la mortalité baisse de seulement 20% durant une période de suivi de neuf ans, soit 7 morts de moins sur 10 000 hommes. Une étude américaine semblable n'a pas trouvé d'impact positif sur la mortalité sur une période de suivi de 10 ans.

Les deux études, publiées dans le New England Journal of Medicine, ont porté sur plus de 250 000 cobayes. La Société américaine du cancer les a jugées «dignes de figurer parmi les plus importantes études sur la santé masculine».

Cette absence de résultats positifs pour ce test sanguin s'explique par un nombre élevé de «faux positifs», des tumeurs qui évoluent trop lentement pour causer la mort du patient. Les auteurs de l'étude américaine ont appelé ces tumeurs des «lions sans dents». «On peut penser que la prévalence élevée du cancer de la prostate est en partie due à ces faux positifs, qu'ils soient détectés par l'examen traditionnel ou par le test PSA, dit le Dr Gold. D'ailleurs, l'inventeur du test PSA estime lui-même qu'il crée trop de faux positifs.»

Ces faux positifs pourraient expliquer une partie des différences entre hommes et femmes après 60 ans. D'ailleurs, devant l'incertitude, la seule décision qu'a prise l'USPSTF - l'agence gouvernementale américaine responsable des recommandations sur le dépistage - à propos du cancer de la prostate est de le décourager pour les hommes âgés de plus de 75 ans, parce qu'ils sont trop vieux pour mourir de ce cancer à progression lente. À titre de comparaison, l'USPSTF recommande le dépistage pour le cancer colorectal entre les âges de 50 et 75 ans.

PRÉVALENCE ET INCIDENCE

L'étude de Statistique Canada ne recense que les personnes vivantes qui ont eu le cancer. Il s'agit de la prévalence. Le nombre total de cas, l'incidence, qui inclut les gens qui en sont morts, est plus élevé. Mais la différence diminue sans cesse, selon Larry Ellison, l'auteur de l'étude, parce que les traitements sont de plus en plus efficaces. «Pour le cancer de la prostate, par exemple, la prévalence et l'incidence sur cinq ans sont presque identiques, parce que 95% des patients survivent plus de cinq ans. Mais pour le cancer du poumon, où la survie à cinq ans n'est que de 15%, c'est une autre chose.» En d'autres mots, si la prévalence sur cinq ans d'un cancer augmente, cela peut vouloir dire que les traitements sont meilleurs, et non qu'il est plus fréquent.

 

Évaluez vos risques d'avoir le cancer dans les 5 prochaines années.