Vous avez tout essayé: les amis d'amis, les soirées de célibataires, les bars de rencontre, le Réseau contact, Facebook, Twitter. Rien ne marche. Vous êtes encore, toujours, résolument célibataire. Mais avez-vous pensé à la magie?

Jeudi midi. Au Trèfle enchanté. Nous sommes dans une petite boutique dite de «magie blanche», à Longueuil. Dans un demi-sous-sol. Au bout d'une porte quelconque, sur le chemin de Chambly. Il faut connaître. Et manifestement, plusieurs connaissent.

En fait, la boutique est pleine. Pleine de gens de tous les âges, de tous les styles. Ici, une mère et son jeune fils. Ils suivent des cours de magie. «Depuis que papi est décédé, on a eu le désir de communiquer avec des énergies invisibles», explique-t-elle sans se faire prier. Là, un jeune homme, plutôt séduisant. «Moi, ces résines m'ont permis de régler mon problème. Quel problème? J'avais une entité chez moi...»

Au comptoir, une jeune et jolie blonde, Jessie Bernard, présente le talisman d'aphrodite. «Moi, je n'en ai plus besoin, ça a déjà marché! J'ai acheté ce talisman parce que je cherchais l'amour dans ma vie. Et 24 heures plus tard, on était ensemble!» dit-elle en rougissant vers son amoureux.

Il faut dire que ces jours-ci, entre les boules de cristal, baguettes, livres de sorcellerie et autres bols chantants, trônent aussi plusieurs philtres d'amour (des mixtures d'herbes, notamment de patchouli, de rose et de horny goat, «le viagra des temps anciens»), chandelles à brûler, encens de rose, sans oublier les kits complets pour passer une soirée romantique. «Oui, la Saint-Valentin est une grosse saison pour nous», confirme Michel-Érick Liou, le propriétaire. Et il suffit de faire un tour au Mélange magique, ou chez Charmes et sortilège, à Montréal, pour en être convaincus: ici aussi, les chandelles, bains magiques et autres Eaux d'estime de soi règnent fièrement en vitrine ce mois-ci.

Et comment ça marche? «À l'aide d'un assortiment de chandelles, d'huiles et d'herbes, on fait un sortilège, reprend Michel-Érick Liou. Surtout le vendredi, la journée de Vénus, la journée de l'amour. Et avec ce sortilège, on s'ouvre aux occasions, on ouvre les portes de l'amour.»

Attention, pas n'importe lesquelles. Les adeptes de magie blanche ont une éthique: oui, on peut s'ouvrir aux autres, mais pas n'importe quels autres, et surtout pas contre leur volonté. «Le retour de l'être affectif, c'est quelque chose qu'on me demande très, très souvent. Mais moi, je suis un peu contre ça. On peut faire de la magie, mais on ne veut pas contrôler les gens autour de nous.»

Même son de cloche de la part de Marie-Renée Bourgie, médium. «Séduire, c'est défier le destin, dit-elle. Or, le destin a peut-être autre chose à nous offrir. Si on veut attirer l'amour, il faut rester ouvert à ce que la vie a à apporter. Et moi, c'est ce que je fais: de la guidance.»

Sceptiques? Danièle Parent, auteure, conférencière et coach de vie, est loin d'être convaincue. «C'est comme la crème anticellulite, on sait très bien que ces choses-là ne fonctionnent pas! Ce sont des échappatoires. Les gens sont désespérés, et font appel à ça. Mais il y a des choses tellement meilleures à faire pour rencontrer quelqu'un que cela!» lance celle qui vient de publier Séduire, c'est facile.

«Il y a une clientèle assez forte au Québec pour ce genre de chose, se désole aussi Pierre Cloutier, le porte-parole des Sceptiques du Québec. Plus le pays est moderne et riche, plus les gens ont le temps de s'intéresser à ça. Et nous, on ne se prive pas. C'est devenu un loisir. Je n'ai rien contre, sauf que moi, je pose la question: est-ce qu'il y a un fondement? Et malheureusement, cela fait 23 ans qu'on cherche, et non, il n'y en a pas!»

D'après les derniers chiffres de Statistique Canada, les adeptes de magie blanche, païens, et autres wiccans se chiffraient à plus de 1330 en 2001 (la dernière fois que la question a été posée), un bond de 533% en 10 ans. Alain Bouchard, sociologue des religions au cégep de Sainte-Foy et à l'Université Laval, n'est pas surpris. «De tout temps, l'être humain a eu l'espoir qu'il y avait quelque chose d'autre que le matériel et le strictement rationnel. Quelque chose de plus émotif», dit-il. Alors que l'on s'attendait à un «désenchantement» avec la modernité, on assiste plutôt à un «réenchantement» passant non plus par la religion, mais bien par la magie, par définition plus individualiste. «Non, ça ne m'inquiète pas. L'être humain a besoin de symbolique, conclut-il. La magie est une action. Je ne vois pas cela comme quelque chose de névrosant. Je vois plutôt cela comme quelque chose de ludique.»