Est-ce que Girone sera bientôt la nouvelle Copenhague du sud, avec tourisme en explosion, cote de «branchitude» au plafond et restaurants en constante multiplication?

La question se pose maintenant que ce haut lieu du nationalisme catalan vient pour la seconde fois de voir une de ses tables couronnée meilleur restaurant au monde par la liste des 50 Best, ce palmarès publié par le magazine britannique Restaurant et commandité la marque par San Pellegrino.

Le Celler de Can Roca, une table tenue par les trois frères Roca - Joan le chef, Joseph le sommelier et Jordi le pâtissier -- institution familiale jadis tenue par leurs parents, longtemps numéro deux est passée numéro un en 2013, pour ensuite retomber d'un cran l'an dernier. La revoilà au sommet, à la place tenue quatre fois par le danois Noma. On y mange une cuisine accessible mais néanmoins hautement créative dans la lignée moderniste de ce que faisait jadis Ferran Adria chez elBulli, meilleur restaurant au monde lui aussi pendant plusieurs années.

Imaginez un dessert au fruit de la passion et au dulce de leche en hommage à un but de Lionel Messi, servi avec une radio pour écouter la description, et ça vous donne une idée. 

«On est juste tellement content», ont commenté les trois frères sur le site des 50 Best, pratiquement en direct après l'annonce de la nouvelle liste à Londres lundi en fin de journée. «Pour nous, pour notre équipe.» L'an dernier, en conférence de presse, ils avaient fait état, comme la ville de Copenhague l'avait fait auparavant, d'un impact important sur le tourisme de la consécration de leur établissement par la liste britannique.

Noma, qui était premier, tombe en 3e place car le chef italien Massimo Bottura, avec son Osteria Francescana, à Modène, est monté d'encore une marche pour se glisser au 2e rang sur le podium.

Le palmarès, qui sera annoncé à New York l'an prochain, est toutefois de plus en plus controversé. En France, bien des chefs estiment que la liste a pris trop d'importance pour que son processus soit encore trop peu rigoureux. Un mouvement «Occupy 50 Best» a même été lancé sur les réseaux sociaux. On demande notamment que les juges fournissent des preuves de leur passage dans les restaurants et qu'ils aient obligatoirement à payer leur facture, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Il est vrai que la qualité des restaurants qui se hissent peut paraître inégale. Gaggan à Bangkok (10e) où on fait de l'indien moléculaire, mérite-t-il vraiment d'être plus haut que L'Arpège (12e), la très grande table pionnière d'Alain Passard? André à Singapour (46e) est-il vraiment mieux que le Plaza Athénée d'Alain Ducasse (47e)?

Chaque année, donc, la liste attire ses critiques. C'est pourquoi cette année on a demandé à la firme Deloitte d'agir comme vérificatrice pour surveiller le processus de vote. Les juges - dont je fais partie - doivent choisir sept restaurants qu'ils estiment les meilleurs au monde, dont pas plus de quatre dans leur propre région. Ceci encourage les juges, triés dans le monde entier, à mettre de l'avant leur coin du globe. C'est ainsi qu'on entend parler depuis plusieurs années maintenant de ce qui se fait en Asie et en Amérique latine, par exemple.

Cette année, le restaurant péruvien Central, installé à Lima et piloté par les chefs Virgilio Martinez et Pia Leon, est grimpé au 4e poste sur la liste, devant le D.O.M.  du chef brésilien Alex Attala (9e) et de Pujol (16e), la table hautement célébrée du Mexicain Enrique Olvera.

Au Canada, on n'a pas réussi à se hisser dans la courte liste des 50 meilleurs mais, a-t-on appris la semaine dernière, il y a une table montréalaise dans le second volet du palmarès, qui va jusqu'à 100: Joe Beef, de la Petite-Bourgogne, est en 81e place.

Autre fait à noter: la Française Hélène Darroze a été couronnée meilleure femme chef de l'année et Daniel Boulud, le franco-new-yorkais qui a une table à Montréal, a été choisi chef de l'année.