J'ai une relation plutôt complexe avec le temps des Fêtes, une période de l'année que j'adore et que je crains pour un mélange savant de raisons parfois profondes, parfois superficielles.

Prenez les traditions culinaires de Noël. Je ferais bien des kilomètres à pied pour déguster du plum-pudding, ce dessert flambé servi avec du beurre du brandy qu'on a toujours mangé dans ma famille, oncle britannique oblige. Je me régale aussi de l'idée d'écouter le disque de Noël de Susie Arioli en décorant le sapin ou en préparant des biscuits en forme de bonhomme de neige.

Mais la cohue du shopping les deux pieds dans la sloche? Le parfum artificiel de conifères à la cannelle dans les centres commerciaux? La peur d'avoir oublié quelqu'un, quelque chose, le 24 décembre à 16h12?

Si vous êtes de ceux qui ont besoin, comme moi, de fuir parfois les recettes de bûche et de ragoût de pattes, je vous conseille d'aller prendre une bouchée chez Ikanos, rue McGill, dans le Vieux-Montréal.

Parce que dans ce restaurant tenu par les anciens du Tasso, les frères Constant et Nicolas Mentzas, on est en Grèce.

Pas dans la Grèce traditionnelle de l'avenue du Parc, où tous les menus se ressemblent pas mal. Dans une Grèce un peu plus moderne. Ici, on cherche à sortir des ornières. Comme c'était le cas chez Tasso, la maison décline des thèmes connus sur des rythmes nouveaux.

Prenez les huîtres, par exemple, elles proviennent de Pickle Point, dans l'Île-du-Prince-Édouard, et on les propose avec une touche d'aneth frais et d'huile d'anchois ou alors avec une écume de citron plutôt qu'un simple agrume pressé. Ces petits condiments s'avèrent à la fois chic et à propos en bouche, le premier nous faisant plonger en mer un cran plus loin, l'autre tranchant avec le gras et le sel du mollusque par sa ponctuation acide.

L'intérêt de ce restaurant réside donc dans cette réinterprétation juste assez oxygénée de plats archiconnus, avec de bons ingrédients. Ici des tomates de chez Birri, savoureuses et juteuses même en décembre, là de la feta de brebis venue directement de Crète.

Mon plat préféré? En entrée, peut-être la salade cuite d'aubergines fondantes aux noix de Grenoble croquantes ou celle de fenouil avec vinaigrette à la pomme, hyper frais comme une brise crétoise en plein décembre. Ou encore les crevettes revenues dans la petite poêle de fonte qu'on appelle saganaki, et servies avec tomates, kalamatas, câpres, poivron et feta.

À la table, les convives ont adoré le fromage flambé à l'ouzo, toujours dans ledit saganaki. J'ai trouvé le tout un peu trop intensément gras et salé. Mais n'est-ce pas un peu la nature même de ce plat traditionnel de fromage fondu?

Côté tradition, les courgettes frites, aériennes, sont particulièrement attirantes, tout comme le tzatziki hyper riche.

La pieuvre grillée m'a aussi ravie, surtout parce que le fruit de mer était bien tendre et servi avec une salsa de citrons confits, câpres et olives vertes que j'aurais mangée à la cuillère.

Farci à l'aubergine et à l'agneau, le ravioli était probablement le moins grec et le moins joyeux de tous les plats, avec sa sauce Mornay - béchamel au fromage - légèrement tomatée.

Au dessert, on peut prendre un gâteau qui se présente comme une variation sur le thème du citron et qui combine une riche crème de citron au mascarpone avec une glace au chocolat blanc. J'ai préféré me plonger dans l'assiette de beignets à la grecque - les loukoumades - très légers, servis avec abondance de miel sur une panna cotta à l'orange. C'est sucré, c'est doux, c'est légèrement croustillant. J'en rêve encore presque autant que de plum-pudding.

Ikanos

112, rue McGill, suite 1

Montréal

514 842-0867

www.restaurantikanos.com

Prix: Mezze, donc petits plats à partager entre 11$ et 21$, grillades et poissons à partager entre 61$ et 78$, desserts 10$.

Carte des vins: Très variée, autant côté prix qu'origines. Plusieurs vins grecs intéressants à prix très raisonnables, dont quelques crus d'assyrtiko, mon cépage blanc préféré.

Service: Très sympathique, efficace, informé, notamment pour le vin.

Ambiance: Le midi, on y retrouve une faune qui travaille dans le Vieux-Montréal et apprécie le menu à 22$, une des bonnes aubaines en ville actuellement. Le soir, une foule plutôt quadragénaire en montant, pas toujours assez nombreuse pour créer un buzz, apprécie la décoration soignée - jolie vitrine d'hameçons à l'entrée et amusants dossiers de chaises en mouton - et le niveau de décibels très raisonnable.

(+) Un joli restaurant qui sert de la bonne cuisine hors des sentiers battus.

(-) On aimerait qu'il y ait un tout petit peu plus d'électricité dans l'air. Et je me garderai de dire ce que je pense des oeuvres d'art accrochées au mur.

On y retourne? C'est sûr.