Les restaurants prennent une bonne marge sur les bouteilles de vin qu'ils proposent, c'est bien connu. Souvent, on paie le double du prix que demande la SAQ pour certaines bouteilles. Parfois aussi, les restaurateurs profitent du fait que leurs vins leur parviennent en importation privée, donc sans point de repère public, sans prix en succursale, pour augmenter encore plus la note de leurs crus.

Pas étonnant que devant cet état de fait, qui dure depuis toujours, le public québécois se tourne vers les restaurants «apportez votre vin».

Ces tables doivent cependant s'assurer une stabilité financière, évidemment, et compensent souvent l'absence de profit sur les vins par des prix substantiels pour leurs plats. Ce sont aussi généralement des établissements sans façon, nappes blanches et compagnie. Et généralement, on peut dire que ce ne sont pas des lieux «pas chers», mais plutôt «moins chers».

État-Major, rue Ontario Est près du boulevard Pie-IX, s'inscrit sur la liste de tables «AVV» où l'on propose une cuisine recherchée, parfois maladroite mais remplie d'efforts. Il fait partie du groupe du Quartier général, rue Gilford, l'une des tables «AVV» intéressantes de la métropole.

Le menu y est copieux. Les portions, costaudes. La table d'hôte comprend deux entrées, un plat, un dessert. Personne ne restera sur sa faim.

Le succès des plats est toutefois inégal. Parfois, on se complique beaucoup trop la vie avec une foule d'ingrédients inutiles dans l'assiette. Souvent, le résultat manque quand même de zeste. Un plat de morue sur edamames avec chiffonnade de fenouil est, par exemple, très blanc sur blanc, doux sur doux. On cherche de l'acidité, du croquant, du piquant...

La force du lieu: les viandes. Un veau cuit à la perfection, un filet de porc de chez Gaspor aussi, parfaitement tendre, parfaitement rose.

En entrée, le maquereau mariné avec une mousse au wasabi, trois sauces trois couleurs, aux fruits, une chip jaune très grasse, dont on oublie la saveur tellement elle se perd, est un plat à éviter. Le pétoncle est présenté lui aussi en composition blanc sur blanc, où le coquillage se retrouve façon cervelas sur une sauce très riche aux champignons. L'ensemble est plus linéaire.

L'entrée la plus intéressante est probablement la croquette de pied de veau servie avec une sauce au maïs fumé. Ici, il y a une réelle diversité de saveurs et de textures qui se complètent, se répondent, forment un tout et non un échafaudage.

En pré-entrée, la soupe à la tomate et au poivron rouge servie avec un croûton au parmesan ne passera pas à l'histoire. Épaissie au riz, on dirait qu'on lui a gommé son acidité, la saveur du poivron.

En plat principal, le porcelet de chez Gaspor est particulièrement tendre, servi avec des choux de Bruxelles vapeur encore bien croquants, des carottes, des pommes de terre rattes et une pommade de betterave. La composition est simple mais fonctionne très bien. Une jolie assiette d'automne.

À essayer aussi: le lapin de Stanstead servi avec une savoureuse purée de céleri-rave et du chou rouge. Réconfortant.

Au dessert, les plats manquent de finesse, que ce soit les profiteroles au chocolat et à la banane, le tiramisu aux marrons ou le financier particulièrement dense au citron et à la framboise. Et le crémeux au chocolat, bien sucré, fondant, est présenté avec une sauce au caramel qui se fait presque oublier tellement on n'en retient que le sucre et non les parfums torréfiés.

Bref, toutes ces sucreries sont riches mais peu goûteuses, les saveurs manquent de précision, comme un peu tout le reste du repas.

État-Major

4005, rue Ontario Est, Montréal

514 905-8288

etatmajor.ca

> Prix: Entrées 10$, plats entre 25 et 28$, desserts 6$. Soupe ou salade incluse. Pour 12$ de plus que le plat, on offre la table du jour quatre services.

> Carte des vins: C'est un «apportez votre vin». Conseil: apportez toujours une bouteille de plus que prévu. Un des désavantages des «AVV», c'est qu'il n'y a pas de sommelier pour dépanner si la bouteille apportée est bouchonnée...

> Service: Sympathique, efficace.

> Style: Un restaurant de quartier où l'on peut apporter son vin, donc propice aux repas conviviaux. Décor simple avec la très à la mode série d'ampoules presque nues suspendues au-dessus du comptoir. Menu à l'ardoise. Bar avec tabourets en métal à l'ancienne.

(+) De bonnes assiettes de viandes.

(-) Des compositions qui ont besoin d'être épurées, ramenées à l'essentiel.

On y retourne? Pas pour le moment