Le restaurant Lannes et Pacifique était sur ma liste de tables à essayer depuis un bon moment. Mais ce n'était jamais le bon moment, justement.

De mois en mois, je repoussais ma visite. Peur d'être déçue, parce que je le suis trop souvent avec les restos «apportez votre vin». Peur de tomber sur une adresse ressemblant à toutes les autres. Peur de n'avoir rien à raconter. Il n'y a rien de pire que d'aller dans un établissement moyen et d'en sortir sans la moindre histoire. «Vous savez le restaurant dont vous n'avez jamais entendu parler? Eh bien, il est ordinaire...» Le cauchemar de tout critique.

Mais récemment, l'occasion s'est présentée, incontournable, et encouragée par la présence de la brillante Société des alcools de la rue Beaubien, à quelques pâtés de maisons du Lannes et Pacifique, pour aller chercher un cru sérieux avant le repas, j'ai mis le cap sur cette adresse en bordure de la Petite Italie.

Résultat: j'ai été ravie de ma visite, dont je suis repartie en me disant «pourquoi, donc, ai-je tant attendu?».

La cuisine n'y est pas extraordinaire dans le sens premier du terme. Ce n'est pas la table qui se fera remarquer, qui sortira du lot avec éclat. Mais c'est un bon restaurant, même très bon par moment. Un lieu où aller pour manger un excellent repas accompagné d'une bouteille qu'on n'osera jamais se payer sur une carte de vins où les prix sont doublés, voire plus.

Je connais des gens qui ne sortent pratiquement que dans les «apportez votre vin» à cause de cela. Voici la table où je vous recommanderai maintenant d'aller.

Lannes et Pacifique fait partie d'une grande famille de «apportez votre vin» montréalaise qui compte notamment O'Thym sur le Plateau ou Smoking Vallée à Saint-Henri, famille qui était autrefois aussi liée à l'Emporte-Pièce, rue Gilford. Le chef de Lannes s'appelle Adam Lynas.

Le restaurant a consulté le public par le biais des réseaux sociaux avant d'ouvrir l'automne dernier, notamment pour avoir des échos côté décor et menu, mais le résultat ne donne pas l'impression du tout d'être le fruit d'un sondage. Les plats sont plus originaux que ça.

En entrée, par exemple, nulle part ne trouve-t-on sur le menu l'incontournable salade de betteraves. Yé! À la place, le chef cherche à combiner des ingrédients en salades complexes. Le poulet croustillant, par exemple, surtout des morceaux de viande brune frits à point, est présenté sur un lit de laitue, avec anchois, lardons, câpres et croûtons, façon césar. L'ensemble est savoureux tout en demeurant assez léger. Les tomates confites, elles - légèrement cuites à feu doux pour concentrer leur jus, une bonne idée en cette saison de tomates de serre ou importées - sont aussi présentées avec des verdures, une crème d'herbes et de flétan, des marinades de concombre, radis et autres pousses vertes qui apportent fraîcheur et texture. La combinaison est complexe et équilibrée, mais était-ce nécessaire de saler autant?

En plat principal, la daurade est tout simplement impeccable. Parfaitement bien cuite, moelleuse et douce. On la sert dans un bouillon, avec poivrons notamment, courgettes, quelques morceaux de pieuvre très tendres. Là encore, l'agencement des légumes fonctionne parfaitement. On est en Méditerranée, les saveurs sont profondes, mais le plat n'a pas l'ombre d'une lourdeur. Même réussite du côté du bar noir, le poisson du jour au moment de notre passage, que l'on prépare dans une sorte de ragoût léger de petits pois, pommes de terre nouvelles, lardons, oignons... Costaud côté saveurs, mais doux dans l'estomac.

Au dessert, le brownie aux chocolats blanc et noir, avec de petites notes acidulées de canneberges et servie avec ce qu'on appelle du Baileys maison - combinaison de brandy et de lait condensé - est riche et chocolaté, mais sans élégance particulière. Rien d'essentiel. Un bon café sucré du microtorréfacteur Saint-Henri avec quelques mignardises chocolatées feront mieux le boulot pour terminer ce repas somme toute bien ficelé.

Lannes et Pacifique

200, rue Beaubien Est, Montréal 514 439-1001

> Prix: La table d'hôte, incluant amuse-bouche, entrée, plat, trou normand - une glace à la mangue alcoolisée - et un dessert est à 50$. Sinon, les entrées coûtent entre 12$ et 14$ et les plats, entre 24$ et 28$.

> Carte de vin: Il n'y en a pas, on apporte son vin et, comble de joie, il y a l'une des meilleures SAQ du réseau rue Beaubien, près de Saint-Hubert, pas très loin.

> Décor et ambiance: Décor de type bistro, avec quelques tables hautes, parfois rondes, et tabourets dépareillés ou alors tables traditionnelles et banquettes. Menu à l'ardoise. Cuisine ouverte. Style urbain un peu rétro, un peu meubles récupérés, décontracté. Un mur est couvert de morceaux de bois aux formes géométriques un peu années 70 et cela donne au lieu une personnalité sympathique, juste assez originale. Niveau de bruit très acceptable le soir où nous y étions, mais le restaurant n'était pas plein.

> Service: Attentionné, cordial et efficace malgré quelques mini-lenteurs et l'absence de réponses à certaines questions.

(+) Les plats de poissons savoureux, le fait qu'on puisse apporter son vin.

(-) Des desserts à raffiner, les effluves humides de la cave qui parviennent en salle quand les serveurs vont chercher des choses au sous-sol.

On y retourne? Absolument.