Il y a quelques années un chef français, Frédéric Bau, grand amoureux de Montréal, m'avait dit en entrevue qu'il trouvait que la métropole n'avait pas les pâtisseries qu'elle mérite. C'était avant l'ouverture de Rhubarbe, avant l'arrivée de Christian Faure dans le Vieux-Montréal, avant, surtout, le départ de Patrice Demers du restaurant les 400 Coups pour démarrer Patrice Pâtissier.

Demers l'a lancé au début de l'année, avec une équipe formée notamment de sa conjointe sommelière Marie-Josée Beaudoin et de Jean-François Archambault, le pilote de la Tablée des chefs.

Parce que Patrice Pâtissier, installé dans la rue Notre-Dame Ouest, dans la Petite Bourgogne, un peu à l'est de Charlevoix, pas loin de Joe Beef et compagnie, n'est pas qu'une simple pâtisserie avec quelques tables où prendre un café et déguster un chou ou un gâteau. C'est aussi un petit restaurant où l'on peut luncher en semaine et un bar à vin ouvert les jeudi, vendredi et samedi soir, pour le souper.

Aménagé par Jean-Pierre Viau (Toqué!, Jun-I, Sakaba), qui avait jadis veillé au design du premier restaurant de Demers, Les Chèvres, l'espace est ouvert et n'a pas le caractère patrimonial de plusieurs immeubles du quartier. Pour lui donner de l'âme, on l'a ponctué de bois, d'un mur mandarine dans la cuisine vitrée, de meubles modernes, fonctionnels. Il reste malgré tout une toute petite froideur qu'on aurait envie comme le font les chefs en ajoutant une dernière note de fleur de sel à leurs plats d'effacer avec quelques chandelles sur les tables, à la scandinave. En ces temps gris gris gris, remarquez, on en ajouterait partout.

Je m'arrête là-dessus parce que c'est à peu près la seule chose que je changerais à ce nouveau commerce dont je pourrais vraiment devenir une habituée. Tout le reste est impeccable. Du kouign-amann beurré à mort et quand il fait un temps digne de Saint-Malo en février, c'est le bon moment pour se régaler de cette riche brioche bretonne bien sucrée au chou au chocolat blanc et à la banane, en passant par quelques salades fraîches et autres plats soignés, des vins minutieusement choisis provenant de producteurs artisanaux abordables, un bon café de chez Saint-Henri.... Même les sodas de chez Savouré, une petite boîte montréalaise, et les tisanes de chez Camellia Sinensis, sont sans faille. Sans parler du chocolat chaud à la vanille et à la cardamome. Des exigences élevées du début à la fin. Peut-être que le service pourrait être mieux rodé quand l'achalandage augmente le week-end. On s'en reparlera dans six mois, quand l'équipe sera mieux expérimentée.

Pour le reste, tout est vraiment très bon.

À la boutique, on vend pour emporter ou pour manger sur place des pâtisseries, préparées avec une technique irréprochable, des idées originales et des combinaisons de saveurs créatives, mais accessibles. À essayer à tout prix, la tartelette aux pommes avec noisettes. Pour la rencontre de l'acidité de la pomme avec la douceur vanillée de la fève tonka, pour la pâte presque pralinée, juste assez croquante, juste assez friable.

Le chou? On le prépare minute avec de la crème au caramel et au chocolat blanc à la finesse parfaite, le chou juste assez moelleux sans être trop élastique, légèrement ponctué par des notes de citron et des tranches de bananes... Splendide.

Lorsqu'on s'assoit pour manger au bar à vin, le menu dessert est légèrement différent. S'ajoute entre autres un gâteau à la cardamome, servi avec glace à la carotte et à l'argousier et mousse au chocolat, festival de parfums amusants, de contrastes doux et acides, de textures onctueuses et croquantes. Si vous avez envie de manger le dessert le plus connu et classique de Demers, le pot de crème au chocolat et au caramel au sel Maldon, tant de fois copié, il est aussi au menu, toujours aussi satisfaisant. Un classique, là encore, de contrastes de textures sucrées, réconfortantes.

Le menu salé est moins spectaculaire, mais les plats sont aussi minutieusement préparés, sans réel faux pas. La soupe crémeuse aux oignons caramélisés avec mousse de yaourt relevée au cumin est arrivée trop tard dans le repas pour avoir l'effet apaisant recherché. On a clairement préféré adoré la salade de crevettes nordiques, servie avec des tranches de concombres de la ferme de M. Legault, producteur culte des bons restaurants montréalais, et une panna cotta de yogourt absolument divine d'élégance, presque évanescente. Qui n'aura pas hâte de se régaler de telle fraîcheur salée, assis à une table sur le trottoir, quand il fera enfin beau (un jour?).

La salade de radicchio et de betteraves, avec chèvre, morceaux d'oranges et graines de tournesol, ne surprend personne, puisque la combinaison betterave-chèvre semble figurer sur absolument tous les menus de tous les restaurants montréalais. Mais l'ajout du radicchio n'a rien de banal, car ses notes fraîches mais amères transforment un peu l'architecture classique des saveurs du plat.

À ne pas manquer: les mini pancakes de topinambour, servis avec des copeaux de vieux cheddar, des chips de topinambours bien croustillants et des champignons poêlés, une assiette savoureuse et particulièrement bien présentée. On sent le pâtissier au travail derrière ces plats salés. D'ailleurs, dans son plat rehaussé par la fraîcheur de tranches de radis et de grains de pomme grenade, la mousse de foie de volaille s'avère si fine qu'on pense à la texture d'une mousse à la fraise. Est-ce nécessaire de préciser que le pain grillé qui accompagne la mousse vient de chez Hof Kelsten, un des boulangers les plus intéressants en ville actuellement? Un autre détail qui en dit long sur le perfectionnisme qui règne dans ce charmant nouveau petit établissement.

Patrice Pâtissier

2360, rue Notre-Dame Ouest, local 104

Montréal

514 439-5434

www.patricepatissier.ca

> Style: Pâtisserie

> Prix: Quelques exemples de pâtisseries au comptoir: un gâteau au chocolat et au café, pour 6 personnes, 22$. Une tartelette aux pommes, 6$. Le kouign-amann, 3$, le chou, 5$. Les assiettes salées du bar à vin? La soupe est à 7$, la salade de crevettes à 14$.

> Carte de vins: C'est Marie-Josée Beaudoin, une des copilotes des lieux et sommelière, qui veille sur ce volet et nous propose une carte pas immensément longue mais rigoureusement sélectionnée, de crus en grande majorité assez abordables dans les 45 $ à 65 $ d'un peu partout, provenant de petits producteurs artisans, certains travaillant en biodynamie. Plusieurs choix au verre.

> Service: Très cordial et affairé, mais on sent que le restaurant est encore un petit peu en rodage.

> Décor: Un espace jadis occupé par un club vidéo transformé par Jean-Pierre Viau en lieu multifonctionnel, car il s'agit d'une boutique de pâtissier, d'un bar à vin et aussi d'une école de pâtisserie. Cuisine ouverte, touches de couleur, beaucoup de bois blond et charbon, détails post-industriels... L'esprit est très scandinave, mais il manque les chandelles.

(+) Le perfectionnisme dans tout, en commençant par les pâtisseries!

(-) Une petite froideur du décor

On y retourne? C'est déjà fait!