La Chronique est une institution. Ouvert en 1995 par Marc De Canck, chef d'origine belge issu d'une famille de pâtissiers de père en fils, le restaurant de l'avenue Laurier prépare une cuisine de référence qui traverse les époques.

C'est le genre d'endroit où l'on croise d'anciens politiciens, des chefs d'entreprise, des gens qui aiment les classiques fiables. Lorsqu'on m'écrit et qu'on me demande où emmener une tante ou des beaux-parents manger de la bonne cuisine française pour une grande occasion, c'est là que j'envoie mes lecteurs.

La chronique est tout sauf un lieu «du moment». On s'y entend parler. La carte de vins est remplie de valeurs sûres, sans anomalie.

En fait, c'est un restaurant qui avance tellement en ligne droite qu'on oublie parfois de s'y arrêter.

En 2013, toutefois, le restaurant a décidé de se transformer un peu.

Installé depuis sa création du côté nord de l'avenue Laurier, un peu à l'ouest de Saint-Urbain, il a déménagé en face pour investir l'espace jadis occupé par le restaurant Anis. Ce changement tout en lumière, en blanc, en espace, lui a fait le plus grand bien, en insufflant au restaurant un air de nouveauté et de fraîcheur.

Les hauts plafonds, la banquette, les tons neutres lui donnent une nouvelle élégance. L'espace à l'étage supérieur, sorte de mezzanine, est maintenant aménagé pour les groupes qui peuvent ainsi manger de façon isolée, sans être dans une pièce close.

La Chronique est encore elle-même, mais rajeunie.

De Canck est encore présent aux fourneaux - du moins, il y était à l'occasion d'au moins une de mes trois visites -, mais depuis quelques années, c'est surtout son associé, le jeune Olivier De Montigny, formé par le maître, que l'on aperçoit lorsque les portes de la cuisine s'ouvrent.

Le style de La Chronique est un peu lourd. Personnellement, je trouve qu'il y a beaucoup d'ingrédients dans les assiettes, une caractéristique que partagent toutefois bien des restaurants haut de gamme. Cela dit, les combinaisons fonctionnent, il n'y a pas de faux pas ni d'acrobaties baroques. Juste une richesse exacerbée. On aurait envie que les assiettes passent par le filtre de la nouvelle cuisine. Qu'elles gardent leur structure, la qualité des produits, les techniques de cuisson rigoureuses, l'esprit des agencements de saveurs, mais se délestent légèrement d'un ingrédient ou deux pour mieux se recentrer, pour mieux aller à l'essentiel.

Le menu dégustation commence, par exemple, par un riche velouté de courge, qui est en soi parfaitement soyeux, délicat. On le sert avec une marmelade d'échalote, des champignons et du boudin. La combinaison fonctionne, les textures se complètent. Mais on a presque déjà plus faim une fois la tasse terminée.

Suit ensuite une copieuse portion de tartare de thon, servi avec crevette, concombre et avocat. Le plat n'est pas fabuleusement original, mais il est délicat, préparé avec des produits impeccablement frais et la combinaison est juste assez relevée. Dommage que la présentation soit si chargée, avec gouttes et éclaboussures et feuilles....

Le troisième plat est un bar noir, servi avec du céleri-rave, des morilles, du homard... Encore une fois, beaucoup d'ingrédients qui font oublier à quel point le crustacé, par exemple, est parfaitement cuit, parfaitement tendre, que le bar fond dans la bouche...

Le repas se poursuit avec un très bon risotto, cuit al dente, crémeux all'onda, enrichi, il faut le dire, par une émulsion de foie gras, cèpes, foie gras poêlé et coiffé d'effiloché de cochon de lait... Ouf. Difficile de finir le plat, même si tout fond dans la bouche, alors qu'arrive, tout juste après, un magret de canard bien rosé, avec une sauce à l'érable juste assez sucrée, fine purée de salsifis, oignons caramélisés, poires, etc.

Comment expliquer que tout est bon, parfaitement bien préparé, mais que l'élégance des éléments se perd dans une certaine surabondance?

Toujours dans le menu dégustation, on propose de terminer le repas avec du fromage et le restaurant en propose une jolie sélection, puis un dessert, qui change selon l'inspiration du moment. Nous avons eu un gâteau au fromage réinventé mais bien dense, avec framboise, chocolat blanc, sorbet, compote...

S'il y en a parmi vous qui n'aiment pas aller manger dans les bons restaurants parce qu'ils ont toujours l'impression d'avoir faim en sortant, soyez sans crainte à La Chronique.

La chronique

104, avenue Laurier Ouest

514-271-3095

www.lachronique.qc.ca

> Style: Restaurant de cuisine française classique, hors des époques, fréquenté par des baby-boomers plutôt que par leurs enfants...

> Prix: Menu sept services: 95$ par personne. À la carte, entrées entre 21 et 26$, plats entre 42 et 48$.

> Carte de vins: Très belle carte de vins aux prix assez costauds, même si l'on s'est efforcé d'inclure des bouteilles triées sur le volet, à prix relativement raisonnables pour ce genre de table. Beaucoup de grands crus français et italiens - Gevrey, Barolo, etc. - qui font rêver.

> Service: Cordial, très professionnel.

> Ambiance: Le nouvel espace est plus ouvert, plus aéré, mais l'ambiance demeure très douce, feutrée. On s'entend parler. Un bel endroit pour un tête-à-tête ou une rencontre entre amies qui ont envie de se raconter leur vie.

(+) Le plaisir d'être dans un restaurant chic où tout est soigné, sérieux, professionnel.

(-) Trop d'ingrédients dans les assiettes, une cuisine qui aurait tout à gagner à être légèrement épurée pour revenir à l'essence de ses (excellents) produits.

On y retourne? Oui.